La vitesse de libération

© Guyot Enviromment

À moins de 2 000 milles de l’arrivée, les deux groupes vont prochainement se retrouver aux alentours du 20° Nord avec un régime d’alizés similaire qui devrait lisser les vitesses jusqu’à l’arrivée. L’option africaine de la bande du Sud va-t-elle porter ses fruits ? La réponse est encore incertaine…

Une obsession, une addiction, un combat de tous les instants, une interrogation permanente, un derviche tourneur cervical, une tension nerveuse qui grignote les neurones… Pourquoi le voisin va-t-il plus vite ? Réglage des voiles, pression de la brise dans le spinnaker maxi, zigzagodromie trop prononcée, coupe de voile trop plate, mauvaise attaque des vagues ? Trouver la vitesse quand les repères s’effacent est une angoisse et seuls deux duos naviguent à vue après plus de neuf jours de mer : Gildas Mahé & Nicolas Troussel (Breizh Cola) sont en effet suivis comme leur ombre par Pierre Leboucher & Christopher Pratt (Guyot Environnement) à moins de deux milles… Car tous les autres tandems sont désormais éloignés de plus de cinq milles : les classements réguliers toutes les trois heures permettent uniquement de faire le point.

Impact dans ?

Mais si chaque groupe a maintenant son leader, la question en suspens est bien qui des « Nordistes » ou des « Sudistes » va croiser devant d’ici 24 heures ? Le trio de tête glisse inexorablement vers le Sud-Ouest pour rallier le peloton qui pique droit vers les Antilles et l’avantage semble aller ce mercredi aux partisans de la route la plus directe depuis La Palma… Mais est-ce que Sébastien Simon & Morgan Lagravière (Bretagne CMB Performance) vont aller jusqu’à se positionner dans l’axe de leurs concurrents ou vont-ils empanner à leur vent, une vingtaine de milles plus au Nord pour contrôler la flotte jusqu’à Saint-Barthélemy ? Car il y a tout de même plus de 60 milles d’écart latéral entre Corentin Douguet & Christian Ponthieu (NF Habitat) et Tanguy Le Turquais & Clarisse Crémer (Everial) au sein du groupe « Sudiste » !

Or si la vitesse est un élément essentiel pour scorer à l’arrivée, le jeu va se complexifier dès la fin de la semaine quand les alizés vont prendre une orientation plus Est : il faudra alors enchaîner les empannages, les « pif-paf » de recadrage, les recalages plus ou moins prononcés selon les grains qui ne vont pas manquer de prendre de la consistance au fur et à mesure que la distance au but va se réduire. Et autre paramètre important qui turlupine déjà les esprits : la présence de bancs de sargasses deux jours avant l’atterrage sur l’arc antillais. La Direction de Course de la Transat AG2R-LA MONDIALE a beau envoyé régulièrement des images satellitaires de ces amas, la surface qu’ils représentent pose question autant aux leaders qu’au peloton.

Retour vers le passé

En tous cas, pour la première fois depuis la première édition de la Transat en double à armes égales, la séparation de trafic qui a eu lieu aux Canaries ne semble avoir apporté qu’un stress supplémentaire à tous les concurrents ! L’interrogation porte dorénavant sur le différentiel qu’entraîne cet éventail de voies entre l’autoroute du Sud et le chemin de traverse du Nord. Si au final, le bilan écart est quasiment le même qu’au large du carrefour de Madère (soit une vingtaine de milles), les esprits échauffés par cette dispersion atlantique vont se calmer mais si le delta est plus conséquent, le coup au moral sera brutal…

Ce qui est certain tout de même, c’est que le duo Mathieu Claveau & Pierre Loulier (Les Frigos Solidaires) s’en sort bien puisqu’il atteint le tropique du Cancer ce mercredi, quasiment en même temps que Guillaume Farsy & Renaud Nicot (Cornouaille-Solidarité Saint Barth) 375 milles plus à l’Est ! L’emprisonnement dans les calmes anticycloniques qui glissent vers le Sud ne semble plus d’actualité et les deux tandems vont donc pouvoir eux aussi, obliquer d’ici deux jours vers les Antilles. Les seize Figaro Bénéteau devraient donc avoir la même vitesse. Reste qu’il faut encore se « libérer » des autres…

Ils ont dit

Alexis Loison (Groupe Royer-Secours Populaire)

« Ça va très bien. La nuit a été sympa. Nous avons eu un peu plus de vent qu’annoncé dans la nuit et ça fait plaisir de renouer avec des glissades. La mer s’est aplatie, il y a de la lune. C’est top ! Les « Sudistes » sont dans les alizés depuis un moment. Nous, nous avons essayé de trouver un raccourci. Ça ne s’est pas passé comme prévu. C’est chaud bouillant de passer devant le groupe du Sud… On va peut-être croiser derrière les trois premiers mais je ne sais pas trop. On fait des simulations de routage qui ne correspondent pas toujours à la réalité. Si jamais il y a un croisement, ce sera dans 24 heures. Chaque heure qui passe nous rapproche des conditions des autres. On surveille tout cela et on croise les doigts. On était focalisé avant les Canaries sur les bateaux qui étaient à côté de nous, mais après l’archipel, la porte s’est un peu refermée. C’était dur à vivre nerveusement. Ce n’est pas encore fini mais ce que nous espérons maintenant, c’est croiser soit devant, soit derrière avec un minimum d’écart. Nous n’avons pas encore totalement l’esprit libéré : le stress est encore bien présent par rapport à notre option. Il y a encore dix jours de régates donc ce n’est pas terminé cette histoire. Après il va falloir se placer pour la fin, gérer les sargasses qui ont l’air très abondantes cette année. Il faudra donc être en forme et attaquant. »

Thierry Chabagny (Armor Lux-Gedimat)

« Je ne sais pas si ceux du Nord vont venir jusqu’à nous : ils semblent vouloir descendre mais bon ils vont croiser devant. Je n’ai pas de doute là-dessus ! Pour nous, cela fait plusieurs jours qu’ils croisent loin devant. Nous, c’est la bagarre avec ceux du Sud car avec ceux du Nord, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Ils vont vite et ils ont un petit matelas par rapport à nous. Après les Canaries, on a joué la carte de faire l’intérieur du virage par rapport à ceux qui étaient passés plus près de l’Afrique, en se disant que nous aurions plus de vent. Notre position nous a obligés à rester toujours plus Nord que le groupe du Sud. Au vu des vitesses des mecs du Nord, il n’y a plus trop de différentiel entre le Nord et le Sud au niveau du vent… »

CLASSEMENT du 2 mai à 5H

  1.  Bretagne – CMB Performance (Sébastien Simon / Morgan Lagravière) à 1908,75 milles de l’arrivée
  2.  AGIR Recouvrement (Adrien Hardy / Thomas Ruyant) à 4,90 milles du premier
  3.  Groupe Royer – Secours Populaire (Anthony Marchand / Alexis Loison) à 20,12 milles
  4.  Armor Lux – Gedimat (Erwan Tabarly / Thierry Chabagny) à 118,46 milles
  5.  Breizh Cola (Gildas Mahé / Nicolas Troussel) à 124,29 milles

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