Francis Joyon, extrême marin !

© Boris Herrmann

Francis Joyon et l’équipage d’IDEC SPORT inscriront ce jeudi 27 avril, au Musée de la Marine à Paris, leurs noms au fronton du prestigieux Trophée Jules Verne. Petit retour sur cet incroyable tour du monde en 40 jours et sur la carrière d’un skipper hors norme, d’un marin extrême !­­­­­

En solitaire ou en équipage, Francis Joyon est le marin de tous les records. Champion de l’extrême, il est le seul à avoir détenu simultanément tous les plus grands chronos océaniques planétaires : Tour du monde, Atlantique et 24 heures… Le tout avec une philosophie bien à lui : faire mieux avec peu, sans bruit… Retour sur quinze années d’une carrière extraordinaire, marquée il y a quelques semaines encore par un exploit ahurissant : le record du tour du monde en équipage (Trophée Jules Verne) pulvérisé en seulement 40 jours ! Deux fois moins que Philéas Fogg…
Après Bruno Peyron (triple détenteur en 1993, 2002 et 2005) Peter Blake et Robin Knox Johnston (1994), Olivier de Kersauson (1997 et 2004), Steve Fossett (2004 – hors Trophée Jules Verne), Franck Cammas (2010) et Loïck Peyron (2012), Francis Joyon et l’équipage d’IDEC SPORT sont à leur tour et depuis le 26 janvier 2017 dernier, les hommes les plus rapides autour du monde !

Retour sur une carrière marquée par la conquête des plus grands records sur tous les océans de la planète.

Très jeune déjà, Francis Joyon avait décidé que sa carrière de marin s’écrirait en multicoque, ces engins instables mais incroyablement rapides, où la performance se joue sur le fil du rasoir. Après quelques succès dans les grandes courses en flotte – dont de nombreux podiums sur la Route du Rhum, la Transat Anglaise, la Course de l’Europe ou la Transat Jacques Vabre, il se lance dans l’exercice particulier de la chasse aux records. Seul. Et inaugure une idée : réussir à faire le tour du monde, sans escale, le plus vite possible.
Ainsi nait un premier grand exploit fondateur : le record du tour du monde en solitaire décroché en 2004 en 72 jours, 22 heures, 54 minutes et 22 secondes. C’est… 20 jours de moins que le précédent chrono et – fait sans précédent – sans aucune escale. Le monde des marins s’incline devant la fabuleuse performance que seule Ellen Mac Arthur parviendra à battre avant que Francis Joyon ne reprenne son « bien » en 2008. Nous y reviendrons.

l’Atlantique nord en solitaire

Le « menhir de Locmariaquer », comme aiment le surnommer les gazettes, ne s’arrête pas en si bon chemin. Début Juillet 2005, Joyon décroche une première fois le mythique record de l’Atlantique Nord, alors vieux de onze années, en 6 jours et 4 heures. Il rafle aussi durant ce même parcours, le record de la plus grande distance parcourue à la voile par un homme seul : 543 milles nautiques, le 3 juillet 2005. Hélas, ce double exploit se termine mal : lors du retour à la Trinité-sur-mer, trahi par son pilote automatique, le trimaran IDEC, premier du nom, s’échoue sur les rochers de Penmarc’h. Il sera totalement détruit.

Records en solo, puis en équipage !

L’histoire aurait pu s’arrêter là, sans le courage et la persévérance de deux hommes : Francis Joyon et Patrice Lafargue, le président du Groupe IDEC, sponsor fidèle parmi les fidèles. En 2006, les deux hommes lancent, chez Marsaudon Composites, la construction d’un trimaran géant de près de 30 mètres (29,70 m) sur plans des architectes Benoît Cabaret et Nigel Irens. Ce sera le navire des plus grands exploits en solitaire de Francis Joyon. Après s’être échauffé sur le record de la Manche (6 heures et 23 minutes), Francis Joyon repart à la conquête de « son » record autour du monde en solitaire le vendredi 23 novembre 2007. Il sera de retour à Brest 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 6 secondes plus tard, pulvérisant au passage de très nombreux records intermédiaires. Celui des 24 heures (616 milles parcourus), mais aussi tous les « partiels » du tour du monde : Equateur, Bonne Espérance, cap Leeuwin (record de l’océan Indien) et Pacifique… Le 19 janvier 2008, date de son arrivée après de multiples péripéties – dont un mât qui menace de tomber ! – la réussite est totale, écrasante, éblouissante : à l’époque, seul le catamaran géant Orange II de Bruno Peyron et ses 14 hommes d’équipage avait fait mieux. C’est donc le deuxième meilleur chrono de tous les temps, équipages et solitaire confondus ! Joyon entre un peu plus encore au Panthéon des marins de l’extrême et est logiquement désigné Marin de l’année et Chevalier de la Légion d’Honneur. Et même si l’homme est peu friand des honneurs médiatiques, il n’empêche que la statue du commandeur, c’est lui ! Ce record tiendra pas moins de huit années quand, après plusieurs tentatives infructueuses, son grand rival Thomas Coville parviendra enfin à l’améliorer. Ses premiers mots seront pour rendre hommage à… Francis Joyon.

Ouvrir de nouvelles routes

Mais revenons en 2008. Tout auréolé de son record autour du monde, Joyon aurait pu s’accorder du repos. Il en prendra très peu. Il s’élance sur le Record de la Route de la Découverte, entre Cadix et Sans Salvador, et l’améliore de plus d’une journée, en 9 jours et 20h. Les années suivantes, Francis Joyon s’emploie à ouvrir de nouvelles routes comme La Mauricienne entre le Port Louis du Morbihan et le Port Louis de l’île Maurice, puis plus tard, la Route de l’amitié entre Bordeaux et Rio de Janeiro (Brésil), transatlantique insolite avalée en 13 jours.
En 2012, il avait au passage encore amélioré le record de distance à la voile en solitaire sur 24 heures : 668 milles, soit tout près de 28 nœuds de moyenne.
En 2013, il bat à nouveau le record de la Route de la Découverte en 8 jours et 16h et surtout, il pulvérise le mythique record de l’Atlantique Nord : 5 jours 02 heures, 56 minutes et 10 secondes seulement pour rallier New-York au cap Lizard (Angleterre)…

De l’Ultimate Trophy au Trophée Jules Verne

En 2013, Francis devient le premier marin – et le seul à ce jour – à conquérir l’Ultimate Trophy, cet impensable Trophée qui honore le skipper qui détient simultanément les quatre records en solitaire les plus mythiques : Tour du Monde, Record de l’Atlantique, des 24 heures, et Route de la Découverte. On pense alors qu’à l’aube de la soixantaine Joyon pourrait être rassasié. Il n’en est rien. Grâce au Groupe IDEC, Francis Joyon prend possession de l’ancien multicoque géant Groupama 3 de Franck Cammas (devenu le Banque Populaire VII avec lequel Loïck Peyron a remporté la dernière Route du Rhum) et se lance un pari, incroyable lui aussi : passer à l’équipage et tenter de conquérir le prestigieux Trophée Jules Verne. Francis Joyon imagine alors un équipage commando composé de seulement cinq marins… soit deux à trois fois moins que tous les précédents équipages ayant conquis ce prestigieux Trophée. Et le bateau partira avec un mât « court », parce que plus polyvalent et moins lourd. Petit mât, petit commando, en somme. Dans le milieu nautique, ils sont peu à croire en la formule… Pourtant, ceux qui regardent l’équipage d’IDEC SPORT avec un petit sourire sceptique, se trompent. Il y a d’abord l’incroyable duel planétaire avec le géant Spindrift pendant l’hiver 2015, qui se solde par un échec de peu (47 jours, 14 heures) et quelques lots de consolation : le record de l’océan Indien d’abord, puis la satisfaction de franchir la ligne d’arrivée seulement quelques heures après le géant Spindrift. On connaît la suite : les Alex Pella, Clément Surtel, Bernard Stamm, Gwénolé Gahinet et Boris Herrmann se sont tellement bien entendus qu’ils se jurent de repartir à l’aventure, dès que possible.

Le tour en 40 jours !

Un an plus tard, seul l’Allemand Boris Hermann, mobilisé par son propre projet de 60 pieds monocoque, ne pourra tenir parole. Sébastien Audigane le remplace à bord et c’est la même ambiance efficace et joyeuse qui s’installe. Ce même Sébastien Audigane dira des mers du grand Sud avalés à des vitesses affolantes «c’est le run le plus violent et le plus magnifique de ma vie de marin », pour évoquer six jours consécutifs à plus de 850 milles de moyenne et plus de 8000 milles avalés en seulement 10 jours ! Totalement ahurissant… Tous les records intermédiaires – treize au total – vont tomber pendant ce Trophée Jules Verne de légende que Francis Joyon et son équipage bouclent triomphalement à Brest le 26 janvier 2017. 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes, soit 4 jours et 14 heures de mieux que l’équipage de Loïck Peyron… et, pour le symbole, en deux fois moins de temps que Philéas Fogg. A presque 22 nœuds de moyenne sur la distance théorique et 26,85 nœuds sur les 26 412 milles réellement parcourus sur l’eau ! Un des plus grands exploits sportifs du XXIe siècle.

EN BREF

Le Maxi Trimaran IDEC SPORT de Francis Joyon, Clément Surtel, Alex Pella, Bernard Stamm, Gwénolé Gahinet et Sébastien Audigane s’est adjugé ce matin le Trophée Jules Verne, tour du monde à la voile, en équipage et sans escale.
Il a franchi la ligne d’arrivée à 8 heures et 49 minutes heure française ce jeudi 26 janvier 2017.
Francis Joyon et son équipage ont bouclé les 22 461 milles du parcours théorique en 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes, à la vitesse moyenne sur la route de 22,84 noeuds.
Ils ont en réalité parcouru 26 412 milles sur le fond, à la moyenne de 26,85 noeuds.
Ils pulvérisent le précédent record détenu par Loïck Peyron et l’équipage du maxi trimaran Banque Populaire V de 4 jours, 14 heures, 12 minutes et 23 secondes.
Ils ont, chemin faisant, battu pas moins de 6 records ou temps intermédiaires, au cap Leeuwin, Tasmanie, Antiméridien, Horn, Equateur et Ouessant.

Liste des records intermédiaires battus durant le tour du monde

Temps de passage :

  • Equateur Aller : 5 jours, 18 heures, 59 minutes, soit 4 heures et 3 minutes de retard sur Banque Populaire V
  • Bonne Espérance : 12 jours, 19 heures, 28 minutes, soit 0 jour, 21 heures et 40 minutes de retard sur Banque Populaire V
  • Cap des Aiguilles : 12 jours, 21 heures, 22 minutes, soit 0 jour, 21 heures, 34 minutes de retard sur Banque Populaire V
  • Cap Leeuwin : 17 jours, 06 heures, 59 minutes, soit 16 heures et 58 minutes d’avance sur Banque Populaire V
  • Tasmanie : 18 jours, 18 heures et 31 minutes, soit 1 jour, 12 heures et 43 minutes d’avance sur Banque Populaire V
  • Cap Horn : 26 jours, 15 heures et 45 minutes, soit 4 jours et 6 heures d’avance sur Banque Populaire V
  • Equateur retour : 35 jours, 4 heures et 9 minutes, soit 2 jours, 22 heures et 36 minutes d’avance sur Banque Populaire V.
  • Equateur – Ouessant : 5 jours, 19 heures, 21 minutes

Extraits palmarès de Francis Joyon

  • 2017 : Record du Trophée Jules Verne en 40 j 23 h 30′ et 30 »
  • 2015 : Record de l’Océan Indien en 7 jours
  • 2014 : 6e de la Route du Rhum

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