Gestions de crises et double break

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© Conrad Colman

Alors qu’Armel Le Cléac’h a reconstitué toute son avance sur Alex Thomson, l’énorme dépression qui barre la route du trio composé d’Eliès, Dick et Le Cam donne lieu à trois manières différentes de gérer cette crise. Plus loin dans l’Indien, on se prépare aussi à affronter des conditions pénibles.

Quatre bateaux sont dans le Pacifique, les dix-huit autres dans l’Indien. Et ça va durer. Car l’énorme dépression qui barre totalement la route entre la Nouvelle-Zélande et le mur des glaces est effectivement en train de se creuser, et dès la nuit prochaine des vents de 60 nœuds et une mer énorme ferment la porte d’entrée dans le Pacifique devant le cinquième concurrent, à savoir Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir).
Conséquence : à la fin du 37e jour de mer, les deux duos des avant-postes sont en train de faire un double break dans les Cinquantièmes Hurlants, deux par deux.

175 milles d’avance pour Le Cléac’h

Tout à l’avant, Armel Le Cléac’h s’en est beaucoup mieux sorti qu’Alex Thomson dans la gestion de la petite dépression qui gênait leur progression. Le Français a reconstitué la quasi totalité de son avance sur le Gallois : Banque Populaire VIII a ce matin de nouveau près de 175 milles d’avance sur Hugo Boss, soit une centaine de milles de plus qu’il y a quarante-huit heures et presque autant qu’il y a trois jours. « Le Chacal » a parfaitement géré son affaire, alors que la remontée vers le Nord de la Zone d’Exclusion Atlantique, samedi, était pourtant plus pénalisante pour lui que pour Alex Thomson, puisqu’il est le plus au Sud. Armel a bien fait de réviser les cours du météorologue Jean-Yves Bernot ce week-end… Les simulations à six jours lui prévoient quelque chose comme huit heures d’avance à 1500 milles du cap Horn.

Autrement dit, même si les écarts font l’élastique, le suspense reste intact aux avant-postes. Il est intact aussi dans la bataille pour la troisième place, entre Paul Meilhat et Jérémie Beyou. Car si Jérémie a repris une trentaine de milles à Paul ces dernières 24 heures, SMA conserve encore un peu plus de 85 milles d’avance sur Maître CoQ. Tous deux sont en train de réussir à rester devant la grosse dépression de Tasmanie. Et derrière eux, le break risque fort d’être très important. Ils ont déjà environ 800 milles d’avance sur le cinquième, Yann Eliès, et ce chiffre va augmenter dans les grandes largeurs, puisque derrière, la tempête barre la route de leurs poursuivants.

Trois idées pour éviter la tempête

Les vents à 60 voire 70 nœuds et les creux de plus de 10 mètres, il est probable – et souhaitable ! – que personne ne les affronte réellement dans les trois jours qui viennent. On l’a dit : Jean-Pierre Dick, Yann Eliès et Jean Le Cam sont contraints de mettre la performance en stand-by et de naviguer avec la préservation de leur bateau et d’eux-mêmes comme premier critère. C’est rarissime mais cela arrive, la preuve. Ce qu’on note ce matin à la lecture des caps et des vitesses de ces marins-là, c’est qu’il y a trois façons différentes de gérer cette « crise ». Jean-Pierre Dick a choisi de monter très Nord et d’emprunter le détroit de Bass, entre la Tasmanie et l’Australie. Un détour énorme. Yann Eliès, lui, est à la cape : il fait quasiment du sur-place avec seulement 120 milles parcourus ces dernières 24 heures contre, par exemple, plus de 380 milles pour Jérémie Beyou. L’addition est déjà énorme, mais pas le choix. Jean Le Cam, dans un positionnement différent, fait lui le choix de naviguer lentement tout en restant Sud, en espérant ne pas avoir à affronter des vents supérieurs à 45 nœuds. Il navigue « pédale douce », comme il dit. Potentiellement, c’est lui qui pourrait tirer bénéfice de cette situation inédite… mais seulement par rapport à Eliès et Dick et en aucun cas par rapport à tous les autres. Wait and see, donc, même s’il est clair que du point de vue de la compétition, la situation pour les deux jours à venir est extrêmement profitable aux quatre bateaux de l’avant. Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord pour le Projet Imagine) pourrait aussi en profiter pour revenir un peu même s’il est encore 600 milles derrière Jean Le Cam ce matin. Idem pour Louis Burton (Bureau Vallée) qui emmène tout le reste de la flotte dans l’Indien et sera le prochain à passer le cap Leeuwin, d’ici deux jours.

Du côté des Kerguelen, on s’apprête à négocier l’arrivée d’une nouvelle dépression – c’est le lot quotidien à ces latitudes- c’est pourquoi on voit quelques skippers comme Eric Bellion ou Pieter Heerema commencer à mettre du Nord dans leur route. Ce qu’ils vont affronter dans les heures qui viennent est moins spectaculaire que la tempête de Tasmanie, mais pas vraiment confortable non plus. Eric Bellion joue lui aussi la sécurité : « je préfère faire beaucoup de route en plus que devoir affronter 55 nœuds dans les rafales et 6 à 8 mètres de creux ». On le comprend.

Eric Bellion / Commeunseulhomme

« J’ai des conditions pas terribles et très changeantes, entre 25 et 40 nœuds. Je suis en train de faire du Nord. Je ne vais pas du tout dans la bonne direction, mais je dois aller manœuvrer la dépression qui arrive. Ce n’est pas des conditions idéales car de temps à temps tu passes de 12 à 22 nœuds avec la toile que tu portes et tu plantes jusqu’au mât ! La dépression qui vient d’Afrique du Sud est très Nord, donc il faut beaucoup remonter pour aller la surfer en haut. J’ai empanné vers 1h du matin car elle va être à mon avis assez agressive. Je préfère monter quitte à perdre beaucoup de route. J’essaie de naviguer en bon marin. Déjà être là, dans le Vendée Globe sur ces bateaux-là c’est quelque chose que je mesure comme étant exceptionnel pour un marin comme moi. Donc je fais mon boulot de marin, j’essaie de me préserver et de préserver le bateau et de naviguer le mieux possible. Depuis le début le classement n’a pas été mon histoire et là dans le Sud, encore moins… »
« Mon alarme de vent n’arrête pas de sonner : t’as 20 nœuds de vent et tout d’un coup c’est 30 nœuds ! Je viens de faire un petit départ au tas avec toutes les écoutes qui ont fait un imbroglio et j’ai dû aller à l’avant tout défaire. Mais bon voilà, c’est le Vendée Globe, c’est l’Indien ! Tous les jours tu as la trousse à outils sortie, mais tout le monde a ses petits soucis. Le Vendée Globe est une course par élimination et tu ne peux pas laisser un problème au lendemain… car tu sais que demain tu auras un autre problème ! Le moral est bon même si de temps en temps j’ai un petit coup de vertige en me disant qu’il reste deux mois de mer et qu’est-ce que je fous là ? D’un autre côté on est là pour ça, pour vivre des choses comme ça et je suis content d’être là. Je ne donnerais pas ma place, j’ai envie de continuer. Je vis au jour le jour, je vise la fin de la journée. Déjà, le cap Leeuwin est le seul grand cap qui me manque dans ma vie de marin et je fais de mon mieux pour y arriver. »

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Agence Mer & Media.

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