Le grand virage

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© Kojiro Shiraishi

En approche du cap Frio, les leaders entament doucement leur grand virage vers les Quarantièmes Rugissants : à plus de vingt nœuds de moyenne le groupe de tête va très rapidement changer d’atmosphère, passant en quatre jours des chaleurs tropicales aux frimas austraux. Tandis que le peloton commence à voir le bout du tunnel avec la sortie du Pot au Noir : il ne reste plus que deux solitaires englués dans les métastases de la ZCIT…

C’est un tournant ! Un tournant pour la course… et un virage sur l’eau. Car ce douzième jour de mer annonce bien des conséquences sur la hiérarchie et sur le positionnement à moyen terme pour aborder la phase la plus longue, la plus dure, la plus sollicitante, la plus importante du Vendée Globe : l’entrée dans les mers du Sud. Avec 484 milles au compteur en 24 heures, Alex Thomson (Hugo Boss) reste le plus véloce et creuse ainsi l’écart sur Armel Le Cléac’h (Banque Populaire VIII) qui est désormais en ballottage avec Sébastien Josse. Positionné plus au large des côtes brésiliennes, le skipper de Edmond de Rothschild a en effet pu accélérer dans ces alizés d’Est d’une vingtaine de nœuds qui commencent progressivement à s’orienter au Nord-Est en forcissant.

Des vitesses hallucinantes

Et les premiers vont accrocher dès ce soir le dos de la dépression orageuse qui sort de la baie de Rio de Janeiro : l’accélération va être impressionnante avec un angle d’attaque idéal pour les foilers, entre 110° et 140° du vent réel. Il faut donc s’attendre à des vitesses moyennes hallucinantes ces prochaines heures, car la brise va s’installer à plus de 20 nœuds sur une mer relativement ordonnée. La position sous le vent du Britannique est aussi favorable avec cette trajectoire qui devrait amener le leader au large de l’île Gough (à laisser à tribord par 40° Sud) d’ici quatre jours ! Il va donc falloir suivre très attentivement le rayon de courbure de chaque solitaire dans le groupe de tête et comparer les traces des cinq foilers face aux deux monocoques à dérives (PRB et SMA).

Normalement, Yann Éliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) peut encore espérer attraper la queue de cette dépression qui va très vite se décaler vers les Quarantièmes Rugissants avant de glisser sous l’Afrique du Sud, mais il n’est pas sûr qu’il puisse conserver ce flux de Nord très longtemps. Car derrière, une bande orageuse s’installe et les alizés vont être très perturbés dès la latitude de Salvador de Bahia au milieu du week-end. Le groupe des trois (Le Cam, Dick, Ruyant) devrait donc être ralenti et ceux qui sortent tout juste du Pot au Noir n’auront plus qu’une dizaine de nœuds d’alizés… Les écarts vont encore grossir.

En arrière de la flotte, il n’y a quasiment plus que Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean) à peiner dans le Pot au Noir et Didac Costa (One Planet-One Ocean), qui a croisé Tanguy de Lamotte cette nuit, continue sa descente vers le Cap-Vert avec un alizé de Nord-Est plutôt mou. Même l’Irlandais Enda O’Coineen (Kilcullen Voyager-Team Ireland) semble se sortir du piège dans le sillage du Hollandais Pieter Heerema (No Way Back). Et pour le gros du peloton, la fin de cette zone d’incertitudes fait du bien : dans des alizés de Sud-Est d’une quinzaine de nœuds, c’est l’occasion de faire une pause, de faire un check-up du bateau et de vivre des journées plus paisibles et stables.

Ils ont dit

Paul Meilhat (SMA) :

« Ça a ralenti sérieusement depuis une heure ! En fait, il y a beaucoup d’instabilité et ça ne s’arrange pas : je change beaucoup les voiles, je prends et je largue régulièrement des ris dans la grand-voile. Les alizés passent de 12-13 jusqu’à 22-23 nœuds dans les rafales. Je ne crois pas que cela soit dû à la dépression orageuse que nous allons chercher vers le cap Frio : je crois que les alizés sont comme ça parce que cela dure depuis l’équateur. Personnellement, je ne suis pas sous J-1 (génois) comme certains je pense, car sous J-2 (foc), le bateau est moins sollicité : je préserve le matériel. La brise tourne doucement avec un peu de Nord dans l’Est. Les routages m’ont incité à aller un peu plus à l’Est que mes concurrents, dans le sillage de Sébastien Josse : il faut que je respecte les polaires de mon bateau qui n’a pas de foils et je pense que ceux devant n’ont pas tout à fait le même vent. Il faut aussi résoudre le problème : plus de route plus vite, ou moins de route plus à l’Est… J’attends qu’il fasse plus froid parce que là, il fait non seulement très chaud mais c’est très humide : comme on va vite, on ne peut pas aller prendre l’air dehors, il y a de l’eau partout et dès qu’on manœuvre, on est trempé ! J’ai eu le temps de faire un check-up du bateau. Mais ce n’est pas encore gagné pour attraper la dépression qui sort du Brésil : il faut que je réfléchisse à d’autres scénarios si ça ne se passe pas comme prévu. Les conditions sont favorables aux bateaux de tête. Physiquement, tout va très bien même si c’est un peu frustrant de perdre du terrain sur les foilers, mais je le savais après les entraînements que nous avons faits ensemble en Bretagne. Il faut rester patient : il y aura des coups à faire plus tard. »

Bertrand de Broc (MACSF) :

« C’est un peu repos cette nuit : c’est tout droit dans les alizés de Sud-Est d’une quinzaine de nœuds avec un ciel bien dégagé. Ça permet de faire de la route en se reposant parce que j’étais fatigué de ces trois jours. Le Pot au Noir a été long et il a coûté cher en milles. Le première nuit, Kito de Pavant nous a lâché, la deuxième nuit s’est plutôt bien passée, mais la troisième a été terrible ! J’ai rarement eu autant de pluie, c’était le déluge… J’ai profité de ces trombes d’eau pour faire la lessive et rincer les cirés. Mais au niveau course, ça n’a pas été une bonne opération. Maintenant, on fait l’arrondi avec les alizés qui tournent en gagnant dans le Sud et donc on va longer les côtes brésiliennes. Je scrute l’horizon parce qu’il va se passer beaucoup de choses entre Salvador de Bahia et Rio de Janerio : on s’attend à un petit Pot au Noir ! Cela peut encore favoriser les premiers… Mais pour l’instant, je m’occupe de bien naviguer et je n’ai pas de problèmes techniques à part mes hooks de voiles d’avant que je suis en train de résoudre. Le bon côté des choses, c’est la protection du cockpit que nous avons faite avec Marc Guillemot : c’est devenu nettement plus confortable. »

Source

Agence Mer & Media.

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