Portugal brutal

2016, ADRIEN HARDY, AGIR RECOUVREMENT, CONCARNEAU, FIGARO, TRANSAT AG2R LA MONDIALE, VINCENT BIARNES, VOILE

© Alexis Courcoux

200 milles au large du cap Saint Vincent, les marins de la Transat AG2R LA MONDIALE déboulent au vent arrière dans les alizés portugais et une mer formée. En tête, les leaders tiennent une cadence folle et enchaînent les surfs à plus de 20 nœuds. Les préoccupations du moment : aller vite, ajuster sa trajectoire vers l’archipel des Canaries et surtout ne pas casser !

Fort, froid, humide et périlleux

Sévères, très sévères ces alizés portugais. Depuis la nuit dernière, les équipages se livrent à un exercice de haute voltige au portant dans 35 nœuds de vent de nord. Les vagues sont désordonnées, parfois déferlantes et les rafales font fumer la surface de l’eau. Le ciel est gris, le vent froid. L’humidité s’insinue partout. Le rythme des quarts a changé. Désormais, les navigateurs se relaient toutes les heures. Quand ils ne sont pas sur le pont à serrer les fesses à la fin de chaque surf, ils essaient de se reposer à l’intérieur dans les secousses et le bruit. Il faut aussi penser à manger et à s’hydrater pour conserver toutes ses capacités de concentration et d’endurance. Car il y en a encore pour 48 heures à ce régime.

Le top 5 sous speed

Il faut avoir du métier pour attaquer dans ces conditions et aligner des moyennes élevées. Sous petit ou grand spi, les 5 bateaux de tête s’en donnent à cœur joie. Generali, toujours leader, persiste dans l’ouest et se retrouve désormais isolé de ses concurrents directs. A bord d’Agir Recouvrement (2e), Adrien Hardy et Vincent Biarnes se sont recentrés pour retrouver leurs camarades Gedimat (3e) et Skipper Macif (4e).

Ces trois bateaux rivalisent à vue dans un périmètre de 3 milles. Derrière, Bretagne-CMB Performance (5e) cravache pour combler le retard pris dans le Golfe de Gascogne. Le Champion de France de Course au Large en Solitaire en titre Xavier Macaire est réputé pour son efficacité au portant dans le vent fort. Avec Sébastien Simon, ils sont les plus rapides cet après-midi avec 12,6 nœuds de moyenne sur les 4 dernières heures. Ce test de pilotage à grande vitesse n’empêche pas les tandems de penser à leur avenir proche: où passer dans l’archipel des Canaries (samedi midi) et quelle route emprunter ensuite ?

Préserver les spis

Aller vite sans casser, telle est aussi, pour tous, l’équation du jour. Le spi est LA voile de prédilection de la Transat AG2R LA MONDIALE, dont la majorité du parcours se dispute au portant. Et même si les marins en ont embarqués trois (2 grands et 1 petit), ils ne peuvent se permettre d’endommager cette arme fatale qui les propulsera jusqu’à Saint- Barth. C’est la mésaventure survenue aujourd’hui à Cuisine Ixina. Le petit spi déchiré, même réparé par le maître voilier Hervé Aubry, n’a pas tenu une fois renvoyé. A bord de Lorientreprendre, c’est la grand-voile qui s’est déchirée, obligeant Yannig et Erwan Livory à se détourner vers Cascais où ils feront une escale technique (3 heures minimum) pour réparer. Ils y sont attendus en fin d’après-midi.

Sélection naturelle

Dans ce contexte sélectif, les nouveaux figaristes et les équipages peu expérimentés sont à la peine. A bord de Marie Galante, les jeunes Keni Piperol et Benjamin Augereau ont mis la pédale douce et naviguaient ce matin sous génois, après avoir affalé le spi dans la nuit pour préserver le bateau. Ils accusent désormais plus de 100 milles de retard. De leur côté, Tolga Pamir et sa compagne Stéphanie Jadaud (Free Dom Services à domicile) sont relégués à 163 milles des leaders. Parmi les bizuths, pourtant, un équipage tient parfaitement la cadence, celui de Fulgur Evapco. Le tchèque Milan Kolacek et l’ancien ministe Pierre Brasseur pointent en 6e position, devant les tandems Le Pape/Peron et Morvan/Loison.

LA PHRASE DU JOUR

« C’est la première fois que nous naviguons dans ce genre de conditions au portant, et surtout aussi longtemps. Cela ressemble à un marathon, c’est fatiguant, cela va durer jusqu’aux Canaries. Pour nous, c’est tout nouveau, alors nous prenons soin l’un de l’autre, nous nous soutenons, c’est super. Au taquet ! » Benjamin Augereau (Marie Galante)

ILS ONT DIT OU ECRIT

Message de Tanguy Le Turquais reçu à 14h18 :

« Hola todos. Après une nuit hyper rock n’roll, sous spi dans l’alizée portugais, on vient d’enchaîner les galères. Petit spi explosé, écoute de spi enroulée autour de l’axe de safran, puis écoute de spi morte … Bref, pas mal de petits pépins qui ne nous permettent pas d’être aussi performants que ce que l’on voudrait. On espère que ça ne va pas être une transat sous petit spi sinon ça va être long pour nous ! Mais sinon le moral est bon, on vous embrasse Tanguy et pépé Hervé. »

Vincent Biarnès, Agir Recouvrement :

« On longe les côtes du Portugal sous spi avec du vent fort entre 25 et 35 nœuds. Le bateau va vite entre 12-14 parfois 15 nœuds. Nous sommes très contents. Nous venons de croiser Gedimat qui est passé 1,5 mille derrière nous, on va croiser Macif, c’est pas mal, nous sommes en train de repasser devant toute la flotte. Nous allons nous repositionner dans l’ouest. »

Thierry Chabagny, Gedimat :

« Ici, c’est ambiance Volvo Ocean Race ! Nous sommes sous spi plein sud, on a jusqu’à 40 nœuds de vent dans les rafales, une mer formée. C’est un vent de nord-nord-ouest fort et froid. On glisse avec ça vers le sud depuis 24 heures. On se relaie beaucoup à la barre, c’est éprouvant car il faut rester concentrés. On barre, on se repose, toute la nuit, toute la journée, toutes les heures et demie. Ça dépend de l’état de chacun. Le bateau se comporte plutôt pas mal, quand ça monte à 40 nœuds, tu serres les fesses, au-delà de 30-33 nœuds, ça devient chaud. On est sous petit spi depuis hier soir, le grand spi c’est trop dangereux. Les nuits sont noires, on ne voit pas la mer, c’est trop dangereux avec le grand spi. Avec Erwan, ça va nickel, on est un peu fatigués, mais l’ambiance est bonne, on est contents, on aimerait bien avoir plus chaud, on a froid à chaque fois qu’on sort de la sieste. Nous devrions faire un empannage ou deux, mais nous sommes déjà calés sur une route plein sud. On commence à avoir une idée pour le passage des Canaries ; Nous suivons cela avec attention parce que ça peut bouger, mais avec Erwan nous commençons à cerner l’histoire. »

Alexis Loison, Cercle Vert :

« C’est le toboggan jusqu’aux Canaries, sous spi avec du vent soutenu. Ça monte jusqu’à 35 nœuds, il y a une mer très croisée, ce n’est pas simple de naviguer dans ces conditions, mais ça va très vite ! L’ambiance est nickel comme depuis le départ, on est un peu vexés d’avoir raté le golfe de Gascogne, nous avons un peu de retard, alors là, on donne tout. On ne veut rien casser, nous avons besoin de tous nos spis pour la suite. Cette nuit, le bateau partait dans des surfs, on ne pouvait pas gérer les vagues, l’étrave plantait, alors qu’on avait mis tout le matériel à l’arrière du bateau. La grosse difficulté, c’est la nuit, car il faut être attentif. On se relaie toutes les heures, ça demande beaucoup d’attention d’être à la barre, au bout d’une heure on fatigue. Nous faisons attention à bien nous alimenter, à boire beaucoup d’eau. Nous n’avons pas de supers conditions pour dormir. L’approche des Canaries va être un moment clé. Nous réfléchissons, ce sera soit au plus court à La Palma, soit entre les îles, soit le long des côtes africaines. Nous bossons là-dessus avec Gildas. »

Charlie Dalin, Skipper Macif :

« C’est rock and roll ! Il y a carrément beaucoup de vent, des rafales à 38 nœuds en fin de nuit. Là, il y a 26-28 nœuds, on vient de faire deux heures avec 35 nœuds, sur une grosse mer pas bien formée, pas très jolie. On se relaie à la barre avec Yoann pour faire avancer le bateau au mieux dans ces conditions. La difficulté est de garder le mât au-dessus du bateau ! Il faut éviter les départs au tas, essayer de ne pas déchirer les voiles. L’étrave plante de temps en temps. Cette nuit, il n’y avait aucune visibilité, pas de lune, on ne voyait pas la mer, il n’y avait aucun repère. Jusqu’aux Canaries, ça va être comme ça, il faut tenir le rythme. Ca accélère, ça siffle, il y a du bruit, ce n’est pas propice au bon sommeil. On ne voit pas le soleil, il ne pleut pas mais on est mouillés par l’eau qui passe par-dessus le pont, la mer est très désordonnée, il y a quelques petites déferlantes pas méchantes, nous voyons bien les grosses risées, ça souffle bien. Je vais faire un brin de toilette, manger un peu et faire une sieste pour garder un bon rythme, car ça va durer longtemps cette situation. »

Benjamin Augereau, Marie Galante :

« Nous avons eu jusqu’à 41 nœuds de vent, la mer est formée, c’est couvert, nuageux. Depuis hier soir, on fait du portant, mais là nous sommes sous génois tangonné et un ris dans la grand-voile. Nous avons affalé le spi pour préserver le bateau et le matériel. Le bateau souffre. Nous sommes trempés jusqu’aux os, tout est mouillé, le bateau est humide, mais ça va, on arrive à manger et à dormir. Nous avons affalé le spi dans la nuit, vers 23h, car ça devenait trop fort. Il n’y a pas de casse, rien à signaler, c’est pour cela que nous avons affalé. Pour ne rien casser, pour arriver à Saint-Barth »

LE CLASSEMENT 7 AVRIL 16H00

  1. GENERALI (Nicolas Lunven-Gildas Mahe) à 3102, 89 milles de l’arrivée
  2. AGIR RECOUVREMENT (Adrien Hardy-Vincent Biarnes) à 3,04 milles du premier
  3. GEDIMAT (Thierry Chabagny-Erwan Tabarly) à 4,87 milles
  4. SKIPPER MACIF (Charlie Darlin-Yoann Richomme) à 5,92 milles
  5. BRETAGNE-CMB PERFORMANCE (Sebastien Simon-Xavier Macaire) à 13,06 milles

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