La nuit du chasseur

© Pierrick Contin

A moins de 36 heures de l’arrivée du vainqueur de la Class40, rien ne permet de dire qui du duo Yannick Bestaven et Pierre Brasseur ou du tandem Maxime Sorel et Samuel Manuard va prendre l’avantage ! Même si ce mardi après-midi, dans un flux de secteur Est d’une quinzaine de nœuds, VandB était en train de combler progressivement son retard, à moins de dix milles de Le Conservateur…

Il y a ceux de devant et ceux de derrière. Mais la course est tout aussi intense du côté de l’équateur que dans le golfe de Rio. Et c’est la victoire qui se joue dans ces heures à venir avec un duel inimaginable il y a seulement une semaine ! Car dans le Pot au Noir équatorial, le duo Yannick Bestaven et Pierre Brasseur cumulait tout de même 300 milles d’avance sur Maxime Sorel et Sam Manuard, ainsi que sur Louis Duc et Christophe Lebas… Englué dans les eaux peu mouvantes de cette zone de convergence des alizés du Nord-Est et du Sud-Est, et surtout dans cet air plus ascensionnel qu’horizontal, Le Conservateur a vu son pécule se dilapider en trois jours…

Coup de chaud au cap Frio

Depuis, Carac-Advanced Energies a décroché faute à un potentiel moindre dans les allures débridées et le plan Verdier a été sérieusement mis en question par le dessin Manuard, d’abord au près puis au vent de travers jusqu’à Recife. La longue descente dans les alizés d’Est puis Nord-Est a de nouveau séparé les duellistes, le duo Bestaven-Brasseur choisissant de se rapprocher des côtes brésiliennes pour aborder le Cabo Frio. Mais la traversée d’un front orageux, une sorte de nouveau Pot au Noir avec grains de pluie et bascule brutale du vent du Nord au Sud, a remis VandB en situation d’attaquant incisif : seulement dix milles d’écart pour une position plus Sud favorable lors du passage au milieu des plateformes de forage, au large de Rio de Janeiro.

Or la traversée du golfe de Rio s’annonce plutôt rapide puisque le vent d’Est va passer au Nord-Est en se renforçant à plus de vingt nœuds la nuit prochaine. Une nuit qui pourrait bien redistribuer les cartes puisque le delta entre les deux Class40 n’est qu’à peine de dix milles et que VandB est très légèrement plus véloce sous spinnaker avec cette brise modérée. Qu’en sera-t-il lorsque le vent va prendre des tours avant la tombée du jour ? Le Conservateur tente en tout cas de maintenir son contrôle au vent, mais son concurrent est désormais en pointe ! Le chassé va-t-il devenir le chasseur la nuit prochaine ? Surtout qu’avec ce faible écart, les deux équipages peuvent visualiser sur leur écran AIS, tous les changements de cap et les accélérations de leur adversaire… Aller vite et aller au bon endroit tout en gardant au chaud l’autre duo : le problématique nocturne s’annonce épuisante pour les deux tandems attendus dans la nuit de mercredi à jeudi à Itajaí !

Le train sifflera six fois…

Derrière, le petit train s’égrène du Cabo Frio à l’équateur, tel les cailloux du Petit Poucet le long des alizés… Carac-Advanced Energies est déjà en approche du virage après avoir traversé la nuit dernière, le front orageux qui sévit quasiment perpétuellement au large de cette pointe Sud-Est du Brésil. Puis Solidaires en peloton ARSEP va commencer à discerner à l’horizon l’accumulation nuageuse, prémices aux orages quand TeamWork40 a encore une bonne journée de glisse sous spinnaker dans les alizés avant de s’interroger sur la meilleure parabole pour entrer dans le golfe de Rio.

Et au large de Salvador de Bahia, les Brésiliens de Zetra mettent de plus en plus de charbon dans la chaudière : de 40 milles au passage de Fernando de Noronha, leur avance sur le trio suivant atteint désormais le double. Et l’équipage féminin de Concise 2 grappille les milles un par un sur Groupe Sétin et SNBSM Espoir Compétition qui naviguent à vue. Pour Alan Roura et Juliette Pêtrès, l’équateur est à portée de lance-pierres : Club 103 devrait changer d’hémisphère au coucher du soleil français. Quant à Creno Moustache Solidaire, le Pot au Noir est dans le tableau arrière : l’équipage s’est finalement rapidement extrait de cette zone aléatoire et touche désormais des alizés plus consistants.

Ils ont dit…

Valentin Lemarchand, skipper de SNBSM Espoir Compétition (Class40)

« Une nuit plutôt tranquille : on avance à 14 nœuds, on voit des voiles blanches, ça change un peu, ça fait du bien. Je pense que c’est Groupe Sétin que l’on voit mais on n’a plus d’ordinateur, on navigue à la carte. L’écran ne veut plus s’allumer. On va faire sans. Maintenant c’est tout droit de toutes façons. Notre hydro-générateur ne fonctionne presque plus et on n’a presque plus de gasoil : ça va être short pour finir ! En eau aussi, mais on va profiter de Cabo Frio pour en récupérer. On est sous spi-Code 5 depuis hier soir, on va assez vite… »

Christophe Lebas, co-équipier de Carac Advanced Energies (Class40)

« On a un peu l’impression de s’être refait un Pot au Noir mais ça s’est pas trop mal passé et là, on a retrouvé le vent de sud-est que l’on attendait et on va renvoyer un spi ce matin. On n’a pas trop de pression, tout va bien. Le ciel est toujours couvert, on vient de passer entre deux grains, on a eu un peu de pluie : ça a lavé les bonhommes, c’est pas mal ! »

Maxime Sorel, skipper de VandB (Class40)

« On vient de passer une nuit fatigante, on n’a pas beaucoup dormi : on est sur la stratégie, on a grappillé quelques milles. On est passé très proche de toutes les plateformes : c’est la première fois que je voyais ça, et c’est très impressionnant, il fallait être très vigilant. Le vent n’est pas très stable, on a du mal à faire le cap que l’on souhaite, et on va chercher la dernière rotation qu’il y aura mercredi. On devrait arriver demain en fin de journée ou début de nuit brésilienne. On espère que vous ne serez pas couchés quand on arrivera ! Notre stratégie finale est d’aller le plus vite possible, car tout est encore ouvert : on sera à fond jusqu’au bout… »

Eduardo Penido, skipper de Zetra (Class40)

« On n’a pas croisé de bateaux de pêche encore, probablement parce qu’on est un peu loin de la côte. Nous sommes en train d’éviter de s’en approcher. Au départ, on ne connaissait pas bien le bateau et à cause de ça, nous n’avons pas été très compétitifs. En revanche depuis les îles Canaries, nous sommes vraiment dans la course en apprenant chaque jour un peu plus. Aujourd’hui nous sommes plus rapides qu’hier et demain, nous le serons encore plus qu’aujourd’hui… »

Source

Soazig Guého

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