L’extrême jonction

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© Jean-Marie Liot

A moins d’une journée du Cabo Frio, les trois premiers monocoques IMOCA 60’ et le leader des Multi50 vont aborder un point névralgique du parcours de 5 400 milles de la Transat Jacques Vabre : la jonction entre les alizés de l’anticyclone de Sainte-Hélène et la zone dépressionnaire orageuse qui sévit dans le golfe de Rio. Pour Lalou Roucayrol et César Dohy, il se confirme que Arkema se déroute vers Salvador de Bahia suite à la délamination de la coque centrale.

Alors que le rush final ne semblait plus pouvoir se jouer sur une casse matérielle, Lalou Roucayrol et César Dohy ont dû constater qu’ils ne pouvaient plus continuer sans réparer leur Multi50 Arkema qui connaît des problèmes de structure : « Nous avons constaté l’avarie et nous nous sommes tout de suite mis au travail pour tenter de limiter les prises d’eau. Nous nous déroutons vers Salvador de Bahia où notre équipe doit nous rejoindre pour effectuer une réparation de fortune. Notre objectif : rester le moins longtemps possible et repartir au plus vite. Pour nous, c’est une autre course qui commence, mais notre but est d’aller désormais au bout de cette Transat Jacques Vabre, en franchissant la ligne d’arrivée. » déclarait le skipper qui pensait mettre 24h pour rallier Salvador de Bahia.

Un cap, un pic, une péninsule

Dans l’est de Rio de Janeiro, le cap Frio est une frontière climatologique qu’il va falloir négocier avec circonspection : FenêtréA Prysmian, large leader des Multi50 et PRB, bien installé en tête de la flotte des monocoques IMOCA 60’, devraient commencer leur virage sur la droite en début de nuit prochaine avec une brise de secteur nord qui semble mollir à terre : il leur faudra trouver la bonne courbe pour réaliser le compromis route la plus courte et route la plus rapide car les masses nuageuses et orageuses ne vont pas se déliter avant demain mardi, et la brise apparaît plus établie à la latitude d’Itajaí, soit sur le 26°S…

Ce nouveau changement de rythme avec un ou plusieurs empannages à la clé va être déterminant pour le trio leader des IMOCA : sans conteste, Vincent Riou et Sébastien Col ont fait le break depuis deux jours avec cinquante milles de marge sur Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly. Entre une brise qui vient de plus en plus de l’arrière et des zones de grains assez difficiles à anticiper, le bonus du foil de Banque Populaire VIII ne joue plus. C’est donc côté tactique et stratégie que l’écart au leader peut évoluer avant cette dernière phase de transition et cette grande ligne droite vers l’arrivée. La jonction entre ces deux systèmes météo est d’une extrême importance…

Compression équatoriale

Et côté Pot au Noir, les choses ne s’arrangent pas pour le leader qui voit fondre son avance comme beurre au soleil équatorial ! Depuis plus de 48 heures, Le Conservateur peine dans le marasme, grignotant mètre par mètre pour gagner dans le sud pendant que ses deux plus proches poursuivants allongent encore la foulée à près de huit nœuds ! La Zone de Convergence Inter Tropicale ne s’étend pas vraiment : elle se contracte plutôt, mais pile sur la position du leader… A ce rythme, Carac-Advanced Energies et V and B vont être à portée de lance-pierres dès ce midi ! Passer de 320 milles de marge à moins de 100 milles en trois jours à de quoi faire arracher les cheveux de Yannick Bestaven et Pierre Brasseur.

Bertrand Delesne et Nils Palmieri doivent aussi reprendre du poil de la bête car depuis qu’ils se sont faits rattraper par l’anticyclone au large des Canaries, leur retard n’avait fait que s’accroître : cette fois, TeamWork 40 a quasiment gagné une journée de mer et se retrouve en match-race avec Solidaires en Peloton ARSEP ! En fait, il ne reste plus en ce début de semaine que Creno-Moustache Solidaires (au large de Madère) et Club 103 (au large des Canaries) aux abords du tropique du Cancer et heureusement, ils bénéficient enfin d’un alizé de nord-est bien établi pour plusieurs jours…

Ils ont dit…

Lalou Roucayrol, Arkema (Multi-50)

« On a le fond de la coque centrale qui est défoncé et il y a plusieurs fuites dans le compartiment avant. Soit on a touché un objet et on ne s’en est pas rendu compte, soit c’est délaminé. On verra quand on sortira le bateau. On n’était pas bien sur l’eau et en fait, on a pompé : la moitié de la coque centrale était pleine d’eau. J’ai bricolé un truc avec des patches pour limiter les entrées d’eau, mais il y en a encore une à réparer donc on pompe régulièrement et on fait route sur Salvador pour réparer et finir la course. »

Vincent Riou, PRB (IMOCA)

« Ça va, les affaires ne sont pas trop mal. Ce matin nous avons réussi à passer au travers d’un front nuageux. Nous sommes au portant et on file vers le Cabo Frio et après on vire à droite demain. Cela se rapproche un peu. Après Cabo Frio, le bord au large pourrait le faire, on va tâtonner, on verra comment ça se passe. Pour le moment nous ne sommes pas encore en approche de Cabo Frio, on verra si on passe à terre ou au large, on verra demain matin les fichiers et avec un peu de feeling. La position de leader amène à ouvrir la route et prendre des risques, mais je préfère être là où je suis.

Banque Populaire a bien marché au reaching. Nous étions mieux positionnés que lui et ne pouvions pas utiliser les mêmes voiles, maintenant qu’on a les voiles qu’on veut, on ne peut pas dire qu’il nous fait peur, mais il y a un paquet de manœuvres à faire et aussi des erreurs qui peuvent arriver… On est dans la course et la régate, c’est plutôt sympa. Par rapport à Queguiner-Leucémie Espoir, nous, on s’est franchement décollé de la côte pour ne pas subir les perturbations côtières. On a bien rechargé les batteries. Maintenant on est sur le sprint final : ce ne sera pas de tout repos. On est à l’attaque ! »

Sam Manuard, V and B (Class40)

« On n’est pas encore dans le Pot au Noir, mais ça commence à y ressembler de plus en plus. Le ciel est plein d‘éclairs, à droite, à gauche, quelque part on sent qu’on n’en est pas loin, car le ciel est très perturbé. On a toujours un peu de vent. Apparemment, la zone un peu compliquée du Pot au Noir est plus au Sud de nous, là où se trouve Le Conservateur.

Carac-Advanced Energies s’est décalé hier dans l’Ouest ce qui était payant au début et moins maintenant. Nous, notre priorité, c’est de partir vers le Sud.

La porte de sortie dépend un peu des modèles, mais on pourrait peut-être toucher du vent de sud-est dès demain soir. Tout cela est aléatoire, mais c’est probable d’avoir un Pot au Noir un peu moins dur, un peu moins cruel que celui que Le Conservateur a subi. Il a pris beaucoup, il s’est englué… chacun son tour. Mais il va redémarrer avant nous. Ici, c’est l’enfer, surtout le matin : on a le soleil sur notre gauche en bâbord amure jusqu’à midi, il tape sur le bateau, sur l’eau, il fait super chaud mais l’après-midi ça va mieux, car les voiles nous protègent. Il doit faire 35°, on est un peu raplapla, on boit beaucoup… »

Source

Soazig Guého

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