La messe n’est pas dite

© Vincent Olivaud

Encore trois jours de mer pour les leaders des Multi-50 et des monocoques IMOCA, actuellement vent de travers dans un alizé modéré d’Est entre Salvador de Bahia et Vitoriá. Un long bord de 400 milles vers le Cabo Frio, véritable passage à niveau entre l’anticyclone de Sainte-Hélène et la zone orageuse du golfe de Rio, puis 500 milles incertains selon la météo. L’arrivée à Itajaí des leaders est toutefois prévue mercredi en matinée…

Un dimanche à Itajaí : entre les grains de pluie tropicale et les bouffées de chaleur du continent, le postlogue des deux trimarans Ultime vers Itapema a été lancé en tout début d’après-midi brésilien, un parcours d’une vingtaine de milles dans une douzaine de nœuds. MACIF et Sobebo Ultim’ ont ainsi pu embarquer leur équipe technique et des personnalités locales pour une sortie amicale lors de cette douzième Transat Jacques Vabre, pour la deuxième fois arrivée dans le grand port de commerce de Santa Catarina.

Et la lumière fut

Ce ciel plombé, chargé d’humidité et de nuages bas, est caractéristique du golfe de Rio de Janeiro à cette période de l’année : des masses d’air gonflées de l’humidité de la forêt équatoriale descendent vers l’Atlantique où elles balayent l’océan d’orages et de grains, formant de mini dépressions qui perturbent tout le système météorologique de cet entonnoir entre Rio et Porto Alegre. Et d’un jour à l’autre, voir d’une heure à l’autre, les conditions varient très rapidement devant Itajaí comme a pu le constater Sodebo Ultim’ à son arrivée, sans une ride sur l’eau…

Ces 500 derniers milles dans ce « golfe des peines » sont donc assez difficiles à anticiper et peuvent redistribuer les cartes des premiers monocoques IMOCA et du leader en Multi-50 qui devraient s’y engouffrer dès lundi minuit… Il est donc encore très délicat de se projeter pour une arrivée (logiquement mercredi vers midi heure française) et surtout de fixer une hiérarchie, même entre monos et multis puisque FenêtréA-Prysmian n’a qu’une dizaine de milles de marge sur le premier IMOCA, PRB. Et celui-ci est de plus en plus sous pression avec le retour de Banque Populaire VIII qui a résolu ses problèmes énergétiques et qui semble bénéficier de toute la puissance de son foil !

Le jour des seigneurs

Les leaders des trois classes encore en course, semblent conforter leur domination, même si les circonstances météorologiques diminuent parfois sensiblement leur superbe : ainsi en est-il pour Yannick Bestaven et Pierre Brasseur qui sont à genoux depuis maintenant 36 heures ! Ils ont beau encensé les Dieux, Neptune et Éole font la sieste en cette pause dominicale… Pas un souffle d’air, une mer de marbre : Le Conservateur a tout simplement perdu 150 milles depuis qu’il a pénétré le Pot au Noir, une Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT) qui descend vers le Sud et qui ouvre donc ses tentacules aux deux poursuivants, Carac-Adanced Energies et VandB, nettement plus bas. Toujours ça de gagner ! Pour autant, le Class40 leader devrait retrouver les alizés de Sud-Est dès la nuit prochaine et allonger la foulée quand le tandem suiveur va buter dans la molle.

Les alizés de l’anticyclone de Sainte-Hélène sont un peu poussifs et finalement assez variables en force : toute la flotte le long des côtes brésiliennes alterne bouffées à près de vingt nœuds et molles à une douzaine… Les équipages doivent donc être à l’affût en permanence sur le pont pour adapter la voilure. Dans cette configuration sinusoïdale de la brise, PRB semble le plus à l’aise quand Banque Populaire VIII enchaîne accélération et ralentissement : le foil serait-il un handicap dans ces conditions fluctuantes ? Derrière ce duo, Quéguiner-Leucémie Espoir tente de s’accrocher mais lâche un à un les milles.

Mais tout pourrait être remis en cause d’ici lundi soir quand il faudra obliquer vers l’Ouest, vers l’arrivée : la trajectoire sera-t-elle alors tendue, en rasant Rio de Janiero et le Christ de Corcovado ? Ou un grand virage sera préférable au milieu des plateformes de forage ? Il y aura toujours de sombres masses nuageuses entre la ville olympique et Sáo Paolo et des minima dépressionnaires qui vont se succéder. Faut-il brûler un cierge pour connaître la voie ?

Dernière heure :

A 17h40 ce dimanche, Lalou Roucayrol et César Dohy ont contacté la Direction de Course pour faire part d’un problème de délaminage de la coque centrale du puits de dérive jusqu’à l’étrave. L’équipage de d’Arkema réfléchit à la meilleure solution possible pour finir la course : réparer en mer ou se dérouter pour renforcer.

Ils ont dit…

Armel Le Cléac’h, Banque Populaire VIII (IMOCA 60)

« On a eu des problèmes techniques à résoudre. Des problèmes d’énergie. Maintenant ça va et ça avance bien, même si le vent est assez instable : il y a des moments où il y a suffisamment de vent pour avancer avec le foil. On est à fond, il reste trois jours avant d’arriver. C’est le dernier sprint. L’objectif est de se rapprocher du premier pour être à la bagarre jusqu’au bout. On surveille l’ensemble des bateaux : on est vigilant, les conditions météo sont bonnes et la mer s’est arrangée. On profite, le vent va adonner dans la journée, ça devrait changer de configuration de voiles dans les heures à venir. Nous devrions avoir du portant jusqu’à Itajaí avec des bords à tirer, nous restons attentifs car il y a des passages compliqués devant nous. »

Christophe Lebas, Carac-Advanced Energies (Class40)

« Pour l’instant, on n’est pas encore dans le Pot au Noir, le ciel est plutôt dégagé, quelques éclairs de très loin cette nuit. Les conditions sont plutôt stables et sympas. On a perdu la 2e place, on s’est décalé dans l’Ouest pour éviter la zone de molle. Ça nous donne l’impression que c’est plus simple à l’Ouest, mais c’est compliqué ici la météo. On a jeté un coup d’œil derrière, on a des échanges sympa avec les Malouins, le p’tit Suisse : ce n’est pas pour contrôler l’affaire, nous, on va moins vite donc on essaye de naviguer le plus intelligemment possible. A chaque fois que l’on tente un truc, ça marche : on va essayer de se débrouiller pour être devant… »

Thierry Bouchard, Ciela village (Multi-50)

« On se rapproche bien du but, mais c’est encore loin. On va essayer de bien naviguer, on ne pose pas trop de questions. On va essayer de grappiller mille par mille pour revenir au contact. On attend l’heure où l’on pourra envoyer le gennaker. Pour l’instant, c’est plutôt l’arrivée qui risque de modifier la donne. Autrement ça va, les conditions sont plus clémentes, on récupère bien la journée. Pour l’instant, ce sont des conditions idéales. On attend avec impatience Itajaí pour manger du frais… »

Source

Soazig Guého

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