Zone de turbulences

© DR / SNBSM Espoir

L’atterrissage s’annonce scabreux : le golfe de Rio de Janeiro est source d’orages et de fortes convections nuageuses qui perturbent le ciel brésilien… Les deux Ultime ne vont pas forcément choisir le même couloir pour conclure leur vol au-dessus des flots : réponse lors de cette ultime journée, l’amarrage au tarmac de Itajaí étant programmé pour la fin de la nuit prochaine… Et pendant ce temps, les trois autres classes bataillent ferme entre tropique et équateur.

Attachez vos ceintures car si la piste d’atterrissage est dégagée, le revêtement semble bien cabossé… Les deux trimarans géants vont devoir composer avec un ciel plombé, un maigre croissant de lune en fin de nuit, une baie d’Itajaí où les cargos au mouillage sont nombreux, un chenal d’entrée bien agité par la houle du large et des vents très perturbés par le relief environnant. En finir au milieu de la nuit ne faciliterait pas ce rush ultime après 5 400 milles parcourus depuis Le Havre.

Virage sur l’aile

Mais il est encore un peu tôt pour programmer une heure précise d’arrivée : à 650 milles de la ligne vers minuit, il faudrait que MACIF aligne 27 nœuds de moyenne pour conclure en un cycle nycthéméral, et en comptant vingt nœuds de moyenne sur la route directe, c’est plutôt vers 8h00 (heure française) que le vainqueur pourrait présenter ses étraves au port brésilien… Pour autant, le duel est loin d’être terminé puisque Sodebo Ultim’ ne concède qu’une centaine de milles, or la configuration météorologique dans le golfe de Rio de Janeiro n’est pas transparente. Il faut descendre presque jusqu’au 26° Sud pour que la brise de Sud-Est soit établie, c’est à dire à la latitude de l’arrivée : le leader actuel dans un vent de Nord pique donc vers ce parallèle avant de pointer sur Itajaí, un virage à 90° pour éviter les zones orageuses.

Est-ce que Thomas Coville et Jean-Luc Nélias ne vont pas en profiter pour modifier leur plan de vol et couper au plus court pour tenter un débordement par l’intérieur ? Ce n’est qu’au petit matin blême brésilien de ce vendredi que l’interrogation sera levée. En attendant, les deux Ultime ne suivent pas tout à fait la même voie, chacun dans son couloir avant de converger vers le point de cible final. Ainsi selon le développement et l’intensité de la zone de turbulence qui se propage dans cet entonnoir entre Rio de Janeiro et Porto Alegre, les vitesses des Ultime peuvent varier de 10 à 30 nœuds ! Et il est même possible que l’un d’entre eux se retrouve englué sous un mauvais nuage… Comme cela s’est produit il y a seulement trois jours dans le Pot au Noir !

Multi ou mono, le duel équatorial

Sous la ligne de séparation des hémisphères, les trois premiers monocoques IMOCA et le leader des Multi-50 se livrent aussi un duel pour l’arrivée à Itajaí. Si les deux classes n’ont presque rien en commun, elles se sont toujours battues pour arriver devant l’autre, le plus souvent à l’avantage des trimarans de 50 pieds. Or sur cette douzième édition de la Transat Jacques Vabre, il n’était pas du tout évident que le scénario habituel se renouvelle : à la hauteur de Madère, FenêtréA-Prysmian concédait 400 milles à Banque Populaire VIII, soit presque une journée d’écart. A peine une semaine plus tard, le delta n’est plus que de cent milles : la position beaucoup plus Est du Multi-50 devrait lui permettre avant même le week-end, de passer devant le trio de monocoques… Et d’augmenter encore sa marge sur son poursuivant, Arkema n’ayant pas encore trouvé la porte de sortie du Pot au Noir.

Quant au triumvirat IMOCA, rien ne permet plus à ce jour de remettre en cause le podium, Initiatives Cœur et Le Souffle du Nord étant relégués à plus de 250 milles et encore bien loin de l’équateur. Mais de là à donner le tiercé dans l’ordre, que nenni ! Certes Vincent Riou et Sébastien Col ont grappillé les milles depuis leur échappée du Pot au Noir, mais le delta n’atteint pas plus de deux heures alors qu’il reste au moins quatre jours de mer… D’ici 24h, ce n’est plus au près serré pour passer devant Recife dans une brise de Sud-Est quinze nœuds mais avec un vent de travers d’Est que le trio va débouler plein Sud. Le bonus du foil de Banque Populaire VIII va-t-il alors faire parler la poudre ?

Redistribution au Cap-Vert

Pour Yannick Bestaven et Pierre Brasseur, les alizés déroulent une route sans anicroche mais dans moins de 24h, Le Conservateur va aborder la zone d’ombre : le tandem a choisi la même porte d’entrée que ses prédécesseurs plus grands mais le Pot au Noir a l’art de changer d’aspect et d’intensité d’un jour à l’autre… Avec plus de 300 milles de marge, le plan Verdier peut garder sérénité et concentration, mais il pourrait perdre de sa superbe du côté de l’équateur. Derrière, Solidaires en peloton-ARSEP est arrivé en milieu de nuit à Mindelo et son arrêt au stand doit durer au moins douze heures d’après les règles de la Class40. Si Thibault Vauchel-Camus et Victorien Erussard repartent, ce sera avec un seul safran ce qui ne va pas leur permettre de redevenir inquiétants.

TeamWork40 devrait donc en profiter pour gagner une place, mais c’est pour le rôle de dauphin que les cartes ont été redistribuées cette nuit : VandB a opté pour une route à raser l’archipel cap-verdien pour réparer sa girouette à l’abri quand Carac-Advanced Energies s’est déporté vers l’Ouest bien avant l’archipel pour ne pas subir les dévents des reliefs : le tandem Louis Duc et Christophe Lebas devrait croiser devant Maxime Sorel et Sam Manuard avant même le lever du jour.

Source

Soazig Guého

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