Une première équatoriale

© Eric Bellion

Si les deux trimarans Ultime ont réussi (de justesse) à passer à la bordée les côtes brésiliennes à la sortie du Pot au Noir, ce n’est pas le cas pour le trio leader des monocoques IMOCA ! Pour la première fois depuis que des voiliers de course doivent franchir l’équateur, des coureurs sont obligés de louvoyer pour passer dans l’autre hémisphère…

La Transat Jacques Vabre 2015 restera dans les annales, non pas parce que les conditions météo ont été dures les premiers jours, mais bien parce que pour la première fois, des voiliers ont dû tirer des bords pour passer l’équateur après avoir franchi le Pot au Noir ! Car depuis des lustres, depuis que les navigateurs portugais, espagnols, français, allemands, italiens, danois et de bien d’autres pays ont dû passer de l’autre côté de la barrière équatoriale en venant d’Europe, tous ont galéré en frisant les rives africaines, puis au fil des siècles ont choisi le milieu de l’Atlantique pour enfin, à partir des images satellites, opter pour une entrée dans le Pot au Noir entre le 27°W et le 30°W…

Un retour par derrière ?

Cette fois, les navigateurs ont été tellement inquiets des calmes annoncés très au large de l’Afrique qu’ils se sont décalés encore plus dans l’Ouest… Au point que les deux Ultime sont sortis du Pot au Noir sur le 31°W tandis que les trois leaders en monocoque IMOCA sont allés jusqu’au 32°30W ! Et comme les alizés de l’hémisphère Sud n’ont pas du tout été coopératifs, c’est au près bâbord amures qu’il a fallu tenter de grignoter les milles en essayant de ne pas se déporter encore plus à l’Ouest…Finalement le scénario sur l’eau n’a pas du tout correspondu au synopsis écrit !

MACIF a certes pu passer à la bordée à plus de quarante milles des côtes brésiliennes au large de Recife, mais son poursuivant Sodebo Ultim’ s’est retrouvé dans le « tampon », cette zone avec peu de vent qui colle au rivage : en moins de 24h, le leader a doublé son avantage car le trimaran de Coville-Nélias n’avait plus qu’une dizaine de nœuds de vent quand Gabart-Bidégorry filaient plein Sud avec près de 20 nœuds de brise… Désormais 250 milles séparent les deux trimarans géants et seule le rush final pourrait changer la donne. Ce qui est loin d’être exclu car après le cap Frio (dans l’Est de Rio de Janeiro), c’est une succession de masses nuageuses et orageuses qui se succèdent depuis plusieurs jours : il a plu des cordes à Itajaí mercredi avec très peu de vent…

Ainsi si le premier Ultime peut espérer en finir vendredi, les monocoques IMOCA sont bien plus dans l’incertitude ! Car le danger pourrait finalement venir par l’Est, là où Initiatives Cœur et Le Souffle du Nord tentent de s’extirper du Pot au Noir… Et ils pourraient bien y arriver, ce qui changerait totalement la donne car avec près de 150 milles de décalage latéral, l’avantage serait énorme dans les alizés de Sud-Est. PRB, Quéguiner-Leucémie Espoir et Banque Populaire n’en ont en effet pas fini avec cette zone de convergence qui étend ses métastases loin vers la Guyane : si la sortie n’est pas trouvée en fin d’après-midi ce jeudi, il y a comme du chambardement dans l’air !

C’est aussi ce que pense Erwan Le Roux et Giancarlo Pedote : ils voient Lalou Roucayrol et César Dohy passer 150 milles plus à l’Est… Si ce décalage latéral persiste, l’avance accumulée par FenêtréA-Prysmian sur Arkema va se réduire à peau de chagrin, voire plus ! Enfin, au large du Cap-Vert, Le Conservateur peut être nettement plus serein : avec quasiment une journée de marge, Yannick Bestaven et Pierre Brasseur peuvent envisager l’avenir avec moins de stress. Ce qui ne signifie pas qu’ils assurent tranquillement : un mille gagné est toujours à prendre ! Car derrière, les trois poursuivants les plus proches parmi les Class40 sont tellement au contact qu’ils élèvent le tempo : il n’y aura pas de repos avant Itajaí.

Ils ont dit

Yannick Bestaven, skipper de Le Conservateur (Class40)

« Hier, nous avons eu une belle journée avec des alizés à plus de 20 nœuds, et nous allons toujours assez vite. La semaine dernière, nous étions encore bord à bord avec V&B, et nous avons pris un avantage Sud à la sortie de la dernière dépression. On cumule les milles et on regarde notre point de passage au Pot au Noir, c’est toujours compliqué cette zone mais il n’a pas l’air trop actif. Nous allons devoir manœuvrer mais nous n’en sommes pas à notre premier passage. Il faudra s’extirper le plus vite possible dans le Sud. »

César Dohy, co-skipper d’Arkema (Multi-50)

« Avec les nuages, c’est compliqué cette nuit, mais notre but est de surprendre l’adversaire. Nous pensons avoir encore deux jours difficiles, et demain ça va être encore complexe… Nous n’avons pas connu de vrai Pot au Noir, on a toujours eu un peu de vent. Il va falloir attendre la fin du week-end pour faire un pronostic sur la suite. »

Vincent Riou, skipper de PRB (IMOCA)

« Les conditions ne sont pas simples, on essaye de se débrouiller le mieux possible, on croise les doigts pour avoir du vent établi demain. Là il est comme dans le Pot au Noir, instable avec une zone de vents faibles. Nous ne savons pas encore si nous allons pouvoir déborder les côtes avec un seul bord, mais le but est de passer en un coup la corne du Brésil : réponse demain. C’est un peu inédit, moi je suis souvent passé ici et je n’avais jamais fait de trajectoires comme ça ! Il ne faut que pas que la situation dure toute la nuit et toute la journée de demain sinon il va falloir regarder dans les rétroviseurs. »

François Gabart, skipper de MACIF (Ultime)

« Nous avons doublé notre avance sur les dernières 24h : ça allait assez vite, on avait du vent, 25 voire plus de 30 nœuds. Sodebo a eu une trajectoire plus serrée en approche de la côte, nous avons été assez surpris des dernières heures passées. On ne savait s’ils avaient un problème technique, s’ils devaient réparer mais ce qui est sûr, c’est que nous ne les avons pas attendus. Ce petit pécule d’avance, c’est à la fois beaucoup et à la fois rien du tout, ce sont des bateaux qui vont très vite et qui à 30 nœuds, peuvent faire 150 milles en 5h. Nous ne sommes pas à l’abri d’avoir des soucis techniques tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, on est à fond et on ne lâche rien. Nous sommes tous les deux en forme, le bateau aussi, on essaye d’alterner pour éviter la fatigue inutile et traverser les dernières heures dans les meilleures conditions. »

Source

Soazig Guého

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