Gare aux faux-pas

© Jacques Vapillon

L’Atlantique continue d’être avalé goulument par les Minis propulsés par l’alizé. Seuls les empannages ainsi que les différentiels de vitesse continuent de créer des écarts. Placer le bon empannage dans le timing juste, recaler sa trajectoire au bon moment, est un exercice particulièrement subtil. Comme aux allures de près, il faut être vigilant sur les bascules de vent, trouver le bord qui rapproche le plus de la route, tout en cherchant à gagner dans le sud.

Contrairement aux idées reçues, la navigation dans les alizés est loin d’être un long fleuve tranquille. Tout d’abord, le soleil n’est pas toujours au rendez-vous. Ce matin, Teranga, un des bateaux accompagnateurs, signalait un temps couvert, un vent pouvant varier de 19 à 24 nœuds et une mer désordonnée. Pas vraiment un rythme de vacances quand on s’est lancé le pari de traverser l’Atlantique au plus vite, en solitaire sur un bateau de 6,50 m, dont la partie la plus habitable reste encore le cockpit. A ces vitesses, il n’est pas rare que les vagues escaladent le plat-bord et le dilemme du Ministe consiste à choisir entre le pantalon de ciré au sein duquel on sue et on macère ou le short et tee-shirt, au risque d’être régulièrement trempé.

Etre ou ne pas être (heureux)

Le cinquième jour de course est souvent une transition difficile à gérer. Avec la dispersion de la flotte, les contacts VHF se font de plus en plus rares, la mesure de la distance parcourue montre que pour la majorité des coureurs, il reste encore les deux tiers du parcours à boucler avant de parvenir en Guadeloupe. C’est le moment où les petites contrariétés du moment peuvent prendre des proportions inavouables. Le contenu d’un repas qui se répand par terre, une écoute qui lâche, le groupe électrogène qui donne des signes d’essoufflement sont autant de prétextes à la gamberge : « Mais qu’est-ce que je fais là ? Où sont-ils passés ces p… de bateaux accompagnateurs ? Pourquoi je n’arrive pas à choper le bulletin météo proprement ? » Face à ça, certains réagissent rationnellement : se concentrer sur ce que l’on sait faire, faire le tri entre le positif (largement vainqueur) et les petites scories qui empêchent de profiter pleinement de l’instant. D’autres pètent les plombs : certains passages vidéos ne sont pas toujours montrables en l’état à l’arrivée, mais cela permet de se libérer de la somme des petites frustrations engrangées. Il en est aussi quelques uns – ils sont rares – qui traversent ces moments avec bonheur et philosophie.

Calculs et hypothèses

Bien évidemment, il faut aussi continuer de penser à sa course, négocier au mieux les trajectoires. En l’absence de position des concurrents, c’est uniquement le classement qui permet aux coureurs de se repérer. Encore qu’il faut savoir le prendre avec des pincettes : chaque fois que l’on tire un bord au sud, on s’écarte de la route directe et l’on perd automatiquement du terrain sur ceux qui font route vers l’ouest. Si la perte est faible, il n’y a pas de raison de s’inquiéter, si c’est une dégringolade, il y a lieu de corriger le tir rapidement.
Frédéric Denis (Nautipark) solide leader a ainsi dû constater que l’écart avec ses poursuivants s’est stabilisé, signe que tout le monde est, grosso modo, sur la même route que lui. A l’inverse, Simon Koster (Eight Cube), constatant en reprenant son bord vers l’ouest qu’il ne reprenait pas de terrain à ses adversaires, a forcément dû se poser la question de savoir s’il n’avait pas tiré son bord vers le sud un peu trop longtemps, voire au mauvais moment. A sa décharge, le navigateur suisse n’a que peu navigué sur son prototype et il faut avoir avalé un paquet de journées de mer pour bien connaître les angles de descente de sa machine. Avec ce rythme soutenu, la moindre erreur se paie cash et les écarts se creusent. Fred Denis et Nikki Curwen (Go Ape ! Live Life Adventurously) qui ferme la marche des prototypes, sont maintenant séparés de près de 340 milles en distance au but, soit un peu plus d’une trentaine d’heures de navigation.
En série, les deux Ofcet de Ian Lipinski (Entreprises Innovantes) et Julien Pulvé (Novintiss) ont fait le trou. Tanguy Le Turquais (Terréal), troisième, pointe à près de 80 milles à l’avant d’un peloton où l’on retrouve Dimitri Simons (Teamsolo.nl), Antonio Fontes (Vela Solidaria), Armand de Jacquelot (We Van) et Henri Marcelet (Région Nord Pas-de-Calais) qui tire les bénéfices de son option le long des côtes africaines. Tout ce petit groupe se tire la bourre et doit être encore à portée VHF. Pour d’autres comme Fidel Turienzo (Satanas), Dominik Lenk (dominiklenk.com), ou Sylvain Michelet (A chacun son Everest), le grand voyage en solitude a commencé. De ce périple, ils ressortiront rarement indemnes, mais souvent riches d’un autre regard sur ce qui les entoure. Et l’on s’étonne ensuite que certains viennent prendre une piqure de rappel.

Classement du 4 novembre à 15h (TU+1)

Prototypes (Classement Eurovia Cegelec)

  1. Frédéric Denis – 800 – Nautipark à 1989,5 milles de l’arrivée
  2. Ludovic Méchin – 667 – Microvitae à 26 milles
  3. Jean-Baptiste Daramy – 814 – Chocolats Paries à 27,4 milles
  4. Axel Tréhin – 716 – Aleph Racing à 27,6 milles
  5. Clément Bouyssou – 802 – Le Bon Agent – Bougeons l’Immobilier à 33,9 milles

Séries (Classement Ocean Bio-Actif)

  1. Ian Lipinski – 866 – Entreprises Innovantes à 2041,6 milles de l’arrivée
  2. Julien Pulvé – 880 – Novintiss à 5,7 milles
  3. Tanguy Le Turquais – 835 – Terréal à 78,1 milles
  4. Dimitri Simons – 758 – Teamsolo.nl à 84,5 milles
  5. Antonio Fontes – 745 – Vela Solidaria à 86,7 milles

Source

Mini Transat / Cécile Gutierrez

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