Chaud devant !

© Eloi Stichelbaut

Si la compétition bat son plein pour les quatre classes de la Transat Jacques Vabre, le quotidien des marins se déroule dans la moiteur et la chaleur. Le soleil cogne, les repos sont peu récupérateurs, les rinçages à l’eau douce apportent un bonheur digne d’un bain dans un hôtel cinq étoiles, le moindre fruit pas trop mûr rafraîchit les estomacs malmenés par les plats préparés… Mais les marins sont des durs à cuir. Ils sont venus pour la gagne, peu importe le bien-être en mer, pourvu qu’il y ait l’ivresse du résultat.

La grand-voile claque. Le génois peine à se gonfler. La mer est plate comme une limande. Pas un souffle d’air. Au loin un nuage et dessous le vent qui prend 90°. Le stress monte. Un œil sur l’AIS (Automatic Identification System) : le concurrent le plus proche avance 2 nœuds plus vite. Il faut s’affairer sur le pont et tenter d’aller chercher la risée salvatrice. Vous êtes dans le Pot au Noir comme le vivent en ce moment les trois premiers IMOCA 60 (Queguiner-Leucémie Espoir, PRB et Banque Populaire VIII) et le premier Multi50 (FenêtréA Prysmian). Erwan Le Roux le racontait ce matin à la vacation : « Le Pot au Noir, c’est épuisant nerveusement, nous avons le stress d’être bloqués, c’est dur, c’est vraiment très dur. ». Pour l’heure, Yann Eliès et Charlie Dalin, légèrement plus décalés à l’Ouest dans le Pot semblent être les mieux placés et affichent un léger avantage sur les binômes Riou/Col et Le Cléac’h/Tabarly. « Comme nous nous sommes tous les trois présentés par la même porte dans le Pot au Noir, c’est-à-dire l’endroit où, statistiquement, nous avons tous pensé qu’il était le plus étroit et donc le plus facile à franchir, Charlie et moi avons décidé qu’il serait intéressant de tenter un petit décalage pour ne pas rester complètement dans la roue des autres » explique Yann Eliès. Opération pari et débrouille pour les skippers qui naviguent à vue dépourvus de fichiers météo cohérents dans ce cafouillis équatorial !

Attrape-moi si tu peux !

Le Conservateur s’est envolé. Yannick Bestaven et Pierre Brasseur sont passés avant que la porte de la dorsale ne se referme sur leurs camarades de jeu. Résultat : les deux compères naviguent avec un bon matelas d’avance de 200 milles sur leurs poursuivants, V and B, Solidaires en Peloton ARSEP et Carac – Advanced Energies. Le match pour la deuxième place en Class40 se montre des plus passionnants ! Derrière, les filles de Concise 2, le tandem de Groupe Setin, les jeunes de SNBSM-Espoir Compétition, les Brésiliens sur Zetra et le binôme mixte de Club 103 continuent de cravacher. Même à l’arrière, la compétition est le moteur des marins, déjà victorieux d’être encore en course…

Chez les Ultime, avantage pour MACIF ! François Gabart et Pascal Bidegorry ont pris la poudre d’escampette, creusant l’écart sur Thomas Coville et Jean-Luc Nélias (Sodebo Ultim’) avec 90 milles d’avance. « Au niveau stratégique, nous savions que si nous sortions un peu plus à l’est, nous bénéficierions d’un angle favorable dans l’alizé, parce que le vent allait adonner progressivement (passer de sud-est à est). C’est ce qui se passe en ce moment : depuis hier soir, nous avons quasiment la même trajectoire que Sodebo, mais nous allons toujours un peu plus vite. » confiait François ce matin.

Il faut parier sur un dernier tronçon où tout peut encore arriver. Il reste encore 2000 milles à parcourir, soit l’équivalent d’une traversée de l’Atlantique entre le Cap Vert et les Antilles. Au niveau du Cabo Frio, les dépressions de l’Atlantique Sud font la loi. A Itajaí, où l’organisation de la Transat Jacques Vabre est arrivée depuis 48 h, la météo semble bien joueuse pour que le scénario soit déjà écrit…

Ils ont dit en mer (vacation de 10h30) :

Nils Palmieri, co-skipper de TeamWork‑ (Class40)

« Nous essayons de sortir de cette molle, de trouver la meilleure façon de faire, celle qui fonctionne le mieux, on verra dans quelques jours. Nous sommes dans cette dorsale depuis la nuit passée. On a été les premiers à la toucher, on la subit et on essaye de sortir et de prendre le chemin le plus court vers le Sud. C’est le Pot au Noir avant l’heure. Il faut rester vigilant. A bord, ça se passe très bien avec Bertrand, nous sommes contents d’être là. On a pas mal de boulot qui nous attend. La route est encore longue. Il va falloir que l’on monte en haut du mât, car nous avons des trucs à réparer là-haut. Nous restons très concentrés, l’ambiance est bonne… »

Erwan Le Roux, skipper de FenêtréA Prysmian (Mulit50)

« On est dans le Pot au Noir depuis ce matin. Ça continue à bien avancer, on n’est pas trop ralenti. Actuellement, on a une dizaine de nœud d’est-sud-est. On devrait en sortir demain matin. J’espère avoir plus de chance que les petits copains. Pour l’instant, on arrête de regarder les classements et on se concentre sur la sortie du Pot au Noir, on regardera les distances après. Le Pot au Noir, c’est épuisant nerveusement, nous avons le stress d’être bloqués, c’est dur, c’est vraiment très dur. Chaque Pot au Noir est différent, je n’ai jamais eu les mêmes conditions à chaque fois que j’y suis passé. C’est ce qui fait son charme ! ».

Adrien Hardy, co-skipper de Un Souffle du Nord (IMOCA 60)

« Les journées se ressemblent un peu, on est toujours bâbord amure avec toujours le même vent. C’était sympa la vitesse à laquelle on a descendu les côtes africaines. Du coup, on en profite pour se reposer, il fait très chaud et humide dans le bateau. A partir de ce soir, on aura plus de manœuvres avec ce Pot au Noir qui s’annonce compliqué. Avec Thomas, on se remémore des souvenirs, on a passé le Pot au Noir pendant la Mini Transat, on sait que souvent celui qui sort en premier à un avantage. On est content car il va se passer des choses. Nous sommes à fond, on est super motivés, on fait une belle transat pour le moment, on s’entend bien… »

Vincent Riou, skipper de PRB (IMOCA 60)

« Le Pot au Noir ressemble à un Pot au Noir avec peu d’activité : peu de vent, peu de nuages, peu de grains. Il y en quand même un peu, mais j’ai connu pire, ce n’est pas très alimenté en air humide. Par contre, comme à chaque fois, le vent est irrégulier, il faut se débrouiller avec ce que l’on a. Ce n’est pas très simple. Quand c’est stable, on va se reposer, sinon on gère à deux, c’est une alternance, ça va durer, donc il faut garder un maximum de lucidité. Les phases de repos sont plus courtes que d’habitude. On a beaucoup de phases actives. Il y a des moments plus agités, car le vent est très instable. Il n’y a pas encore eu beaucoup de manœuvres. Un coup il y a 2 nœuds, un coup 10 nœuds, c’est assez mollasson tout ça. »

Source

Soazig Guého

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