Dans la chaleur de la nuit

2015, TRANSAT JACQUES VABRE 2015, DOUBLE, IMOCA, NEWREST MATMUT 2015, AMEDEO FABRICE, PERON ERIC, 60 PIEDS

© Jean-Marie Liot

Contraste au programme de cette huitième journée de mer : les deux Ultime sont englués dans les miasmes équatoriaux du Pot au Noir, les monocoques IMOCA et les Multi-50 déboulent à plus de quinze nœuds dans des alizés plus ou moins stables, les Class40 se font rattraper par l’anticyclone des Açores…

Même en pleine nuit, les deux duos leaders suent à grosses gouttes à chaque manœuvre et l’enchaînement a été tel cette nuit, que les réserves d’eau douce ont pris une claque ! A peine 120 milles parcourus ces dernières 24 heures, tout juste 25 milles en une demie journée… Le Pot au Noir est un pot pourri. La zone sans vent est paradoxalement peu étendue en latitude (une centaine de milles) mais en revanche il n’y a vraiment rien sur cet océan lisse comme un miroir. Un miroir qui réfléchit les rayons du soleil de jour avec une chaleur étouffante, une humidité permanente, et pas un souffle d’air à l’horizon !

Au cœur des ténèbres

Cette nuit a été particulièrement éprouvante pour Thomas Coville et Jean-Luc Nélias (Sodebo Ultim’) comme pour François Gabart et Pascal Bidégorry (MACIF) qui ont multiplié les virements de bord, les empannages, les affalages, les enroulages sans réelle efficacité au vu de cette absence presque totale de brise. Au coucher du soleil (vers 20h, heure française), les duos ont encore pu discerner un trait d’horizon surmonté de tâches sombres et illuminé de quelques éclairs, mais jusqu’à minuit local, c’est dans de profondes ténèbres qu’il leur a fallu tenter de grappiller quelques milles, plutôt vers l’Ouest… Pas une ride, pas un repère, pas un indice d’une brise même évanescente ! Et enfin, un croissant de lune pour découvrir un paysage sans relief… Le lever du jour est attendu avec impatience.

Bien plus loin dans le Nord, au niveau de Madère et des Canaries, les Class40 sont encore dans un flux de Nord à Nord-Ouest d’une quinzaine de nœuds et si les leaders devraient réussir à pointer vers le Sud dans la journée, les retardataires risquent fort de se faire rattraper par les hautes pressions qui se décalent vers les archipels ! La coupure pourrait être sérieuse et c’est pour cette raison que le duo brésilien Eduardo Penido et Renato Auruajo (Zetra) glisse vers les îles canariennes… Enfin Valentin Lemarchand et Arthur Hubert (SNBSM-Espoir Compétition) sont arrivés en fin de nuit à Madère pour faire une brève escale technique tandis que Alan Roura et Juliette Pêtrès (Club 103) glissent rapidement le long des côtes portugaises.

Et pour les monocoques IMOCA comme pour les trois Multi-50, ce sont bien encore des alizés qui sont au programme : avec 18 à 22 nœuds de Nord-Est réguliers, les tandems alignent les milles dans le bon sens et se préparent à changer de décor quand les prémices du Pot au Noir vont apparaître : Armel Le Cléac’h et Erwan Tabarly (Banque Populaire VIII) seront les premiers à en faire les frais et les navigateurs se penchent sur la route des deux Ultime pour choisir leur entrée dans la zone d’ombre… Le ralentissement est prévu la nuit prochaine !

Ils ont dit

Christophe Lebas, co-équipier de Carac Advanced Energies (Class40)

« Les conditions se sont bien améliorées depuis 24h par rapport à ce que nous avons eu depuis le début. On se fait rattraper, on a du vent de Nord-Ouest : on fait avec ce que l’on a, ce sont quand même des conditions bien sympathiques. Les petits soucis que nous pouvons avoir ne sont pas urgents à régler : aller vite c’est plus important. Cela fait du bien de tomber les bottes, les cirés, de manger et dormir plus confortablement. La première semaine a été vraiment longue et rude. »

Thierry Bouchard, skipper de Ciela Village (Multi-50)

« Nous faisons route sur l’île de Santo Antão que nous devrions attendre vers midi. Pile au moment où notre équipe technique va arriver au Cap-Vert. Le point d’amure du gennaker a lâché, ce qui arraché l’enrouleur et le balcon avant : il y a des trous béants et nous faisons de l’eau. Je ne pense pas que notre escale ne va durer que quatre heures parce qu’il y a de la stratification à faire… Et il faut remplacer des pièces. Il faut plutôt compter un peu moins de 24 heures d’escale parce qu’il faut refaire tout le balcon avant qui tient aussi les trampolines ! On navigue depuis deux jours sous grand voile à un ris et solent et si on ne perd pas trop de vitesse, l’arrêt va nous coûter des milles. »

Thomas Ruyant, skipper du Souffle du Nord (IMOCA)

« Nous allons voir comment ça se passe devant du côté du Pot au Noir, et ça ne va pas très vite semble-t-il pour les Ultime ! On regarde comment ça se passe devant : ça à l’air d’être actif… On a un alizé assez stable entre 18 et 25 nœuds, le bord est assez monotone, mais c’est hyper agréable et on a le temps d’ajuster les réglages : on est encore les petits jeunes de la classe et on découvre des choses tous les jours. On fait de bons gueuletons avec Adrien, et je commence à un peu mieux dormir à bord, il faut s’habituer au bateau, au son pour s’endormir vraiment bien, mais tout ça rentre dans l’ordre. »

François Gabart, skipper de MACIF (Ultime)

« Nous venons de toucher du vent : on essaye d’en profiter et nous espérons que c’est la fin de cette longue période de pétole, mais rien n’est encore joué. Nous n’avons pas eu un souffle d’air depuis hier matin et nous sommes encore loin d’être sortis du bazar. Avec Pascal, nous sommes tous les deux sur le pont, la lune s’est levée vers le milieu de la nuit, elle est très jolie depuis le début mais on préfère avoir du vent que de la lune… »

Source

Soazig Guého

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : Transat Jacques Vabre