Au coeur de l’archipel

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© Christophe Breschi

La nuit dernière a apporté un brin de pause après trois jours très agités grâce à une petite bulle réparatrice. Mais la formation d’une nouvelle dépression sur l’archipel des Açores va rendre les prochaines 24h encore très musclées avant d’accrocher les alizés, de retour avec l’anticyclone…

Si les deux leaders Ultime sont sortis depuis deux jours du régime dépressionnaire, ils sont désormais dans la nasse anticyclonique qui les oblige à enchaîner les empannages le long des côtes marocaines. Et au vu du changement météorologique qui se prépare sous le tropique du Cancer, ce chemin de traverse risque fort de se prolonger jusqu’à l’archipel du Cap-Vert : tant que l’anticyclone n’a pas retrouvé sa place habituel, les alizés sont plutôt mous et plutôt renforcés le long de l’Afrique jusqu’au Sénégal… Et il y aurait même une ouverture à l’intérieur de l’archipel pour passer le Pot au Noir au plus près du continent !

Mais pour le reste de la flotte, c’est encore dans le magma Nord Atlantique que les trente-deux autres duos encore en course doivent se dépatouiller : en approche des Açores, la configuration est pour le moins inédite puisque, après les deux dépressions négociées en trois jours, c’est une perturbation qui se forme pile sur la route ! Une masse d’air froid venue du Labrador se conjugue en effet avec une bande nuageuse antillaise chaude pour générer une méchante bulle de basses pressions qui va balayer l’archipel avant de remonter vers l’Irlande…

Dernière séance

En milieu de nuit dernière, les tandems ont eu le droit à une petite pause avec une brise d’à peine quinze nœuds et une mer progressivement moins agitée. Mais c’est au lever du jour qu’un premier front va faire basculer le vent au Sud, puis à l’Ouest et en milieu d’après-midi, c’est un flux puissant de plus de trente nœuds qui va toucher presque tous les bateaux : logiquement, tous devraient passer dans l’Est de São Miguel et de Santa Maria car il n’est pas bon de se retrouver au milieu des Açores. La houle du large est déviée par les îles et crée un bouillonnement peu propice pour gagner dans le Sud. Or c’est l’objectif premier des équipages que de s’extraire enfin de ce régime perturbé qui ne cessera réellement que sous la latitude de Madère : encore 400 à 500 milles à courir pour retrouver des conditions plus maniables.

Pour le quatuor de tête en IMOCA (Groupe Quéguiner, PRB, SMA, Banque Populaire), cette journée de jeudi sent la délivrance à la nuit tombée, mais pour la queue de peloton (Adopteunskipper.net, Comme un seul homme, Newrest-Matmut, MACSF, StMichel-Virbac) reléguée à plus de 150 milles des leaders, il va falloir subir de plein fouet cette dépression une bonne demie journée de plus ! Quant aux Class40, c’est plutôt en fin de nuit prochaine qu’ils devront faire le dos rond face à ce flux musclé de Sud-Ouest, basculant brutalement au Nord-Ouest au petit matin de vendredi.

Quant aux trois Multi-50 (Celia Village, Arkema, FenêtréA-Prysmian) et à l’Ultime Actual, ils ont encore un front actif à négocier avec beaucoup de pluies ce midi avant de pouvoir tracer leur route plein Sud pour sortir de ce pot pourri atlantique : plus à l’Est que leurs compatriotes en monocoque IMOCA, les trimarans retrouveront des conditions maniables dès qu’ils auront atteint la latitude du cap Saint-Vincent, à 200 milles dans leur Sud ce jeudi matin.

Bref tous ceux qui auront affronté depuis leur sortie de Manche, cette succession de vents forts sans trop de dégâts vont enfin pouvoir souffler et bricoler dans des conditions de mer nettement plus agréables et sous un soleil réparateur, car pour l’instant c’est le triumvirat pluies-vents-mer qui a saucé les duos. Un bref break puisqu’il faudra ensuite envoyer le spinnaker et bien gérer la trajectoire en vue du passage du Pot au Noir en fin de semaine prochaine…

Ils ont dit ce matin à la vacation de 5h

Jean Luc Nélias, co-skipper de Sobébo Ultim’ (ULTIME)

« Nous passons entre Fuerteventura et Tarfaya. Hier, nous avons vu un pêcheur sans AIS, il faut bien veiller. Là, on longe la côte jusqu’à la frontière marocaine, nous allons enfin partir au large… Cette année, c’est mon cinquième passage du Pot au Noir, c’est différent à chaque fois mais c’est toujours pénible. Nous avons beaucoup manœuvrer depuis le début, c’est la première nuit un peu plus cool. »

Yann Eliès, skipper de Quequiner – Leucémie Espoir (IMOCA)

« Nous sommes à 20 nœuds et nous avons pris le premier paquet de mer, c’est le premier d’une longue série, le vent va être fort pendant un moment. Les bonhommes et la machine sont déjà pas mal éprouvés par ce début de course. On espère que cette dépression ne va pas être celle de trop. Quand on regarde les fichiers, nous ne sommes pas loin de prendre du rouge, potentiellement ça peut être compliqué. Avec PRB, on est bien loti même si SMA et Banque Populaire ne sont pas très loin. Il faut attaquer fort maintenant, à un moment donné ça va être la guerre. »

Lalou Roucayrol, skipper d’Arkema (MULTI50)

« On a passé la nuit à batailler avec le gennaker. Il reste encore un petit front à passer, c’est difficile de gagner au Sud. Hier, nous avons eu des pointes à 40 noeuds, la mer était vraiment défoncée, j’ai trouvé ça surprenant. C’est difficile cette année d’atteindre Madère, en plus il fait froid et nous sommes trempés depuis le départ, il est temps de retrouver un peu de chaleur et de soleil. Faire chauffer de l’eau, ça tient de la gageure…»

Pierre Brasseur, co-skipper du Conservateur (CLASS40)

« Petite nuit de répit, nous avons pu bricoler des petites choses. Une nouvelle dépression va rentrer dans la soirée, c’est la porte de sortie. Elle va être bien nerveuse et se creuser rapidement. Derrière le front, l’anticyclone va se réinstaller et l’alizé va se construire. Nous avons cassé deux ou trois trucs mais nous avons réussi à retrouver un bateau quasi à 100 %. Les conditions permettent de se reposer régulièrement mais nous n’arrivons pas à dormir, ça secoue bien. »

Source

Soazig Guého

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