La longue route

011015, EMBARQUÉ, MONO, 60 ', IMOCA, ST MICHEL, VIRBAC

© Pilpre Arnaud

5 400 milles (10 000,08 km) du Havre à Itajaí, soit un quart de tour du monde ! La Transat Jacques Vabre – sur ce parcours – demeure la plus longue des transatlantiques en course qui n’ait jamais existée. Il s’agira donc pour les 42 équipages de négocier une série de phénomènes météorologiques. De la baie de Seine à celle d’Itajaí, il y aura des obstacles à franchir dont le plus redouté par les navigateurs : le Pot au Noir. Selon la catégorie, des Ultime au Class40, la course n’aura pas la même allure, entre les premiers qui devraient mettre moins de 11 jours et les derniers environ 25 jours.

Après Cartagena en Colombie (de 1993 à 1999), Salvador de Bahia au Brésil (de 2001 à 2007), Puerto Limón au Costa Rica (2009 et 2011), la Transat Jacques Vabre met le cap sur Itajaí au Brésil pour la deuxième fois. Une route libre de toute marque de parcours qui ouvre donc le champ stratégique. Et c’est bien ce qui fait la spécificité de l’épreuve. Car un marin n’est pas seulement celui qui tient la barre et tire sur les écoutes, il est aussi et surtout un fin tacticien, capable d’analyser la météo, choisir les meilleures trajectoires dans le seul but d’arriver le plus vite possible « de l’autre côté ».

Parcours 2015

Les skippers ont une idée des embûches qui les attendent, ces zones dites de « transition » où la course peut se jouer. Premier point clé : la sortie de Manche avec une navigation entre la côte, les cargos et le contournement de deux DST (Dispositif de Séparation de Trafic), celui des Casquets et de Ouessant. Il leur faudra ensuite traverser le golfe de Gascogne qui, en cas de passage d’une dépression, peut secouer durement les bateaux. Le cap Finisterre demandera de faire rapidement des choix pour aborder les alizés portugais selon qu’il choisissent de longer la côte ou se décaler à l’ouest du DST cap Finisterre. Toujours cap au sud, il faudra rejoindre les alizés le plus rapidement possible. Les premiers concurrents à accrocher ce flux d’Est régulier auront un net avantage, puisque les alizés grimpent jusqu’à 20 nœuds et plus ou moins jusqu’à la latitude de l’archipel cap-verdien. Le vent d’Est fait place à des brises aléatoires à l’approche du Pot au Noir qui peut s’étendre entre 300 à 600 milles… Cette Zone de Convergence Intertropicale peut se transformer en « pot de pus », avec des périodes sans vent et des rafales subites malmenant les bateaux et les équipages. La course sera loin d’être finie à la sortie de ce marasme !

Le casse-tête des 400 derniers milles

Jusqu’au cap Frio au nord de Rio de Janeiro, la course de vitesse reprendra ses droits, mais les 400 derniers milles jusqu’à Itajaí devraient ressembler à un véritable casse-tête météorologique, du fait de la présence de nombreuses dépressions dans l’Atlantique sud. Et c’est sans compter sur les nombreux bateaux de pêche et les filets dérivants qui peuvent faire perdre de précieux milles aux concurrents. La dernière portion du parcours ne laissera aucun répit aux coureurs. Il peut donc y avoir une très grande disparité de conditions météorologiques entre les concurrents d’une même classe et de toute façon, une grande diversité d’approche de la ligne d’arrivée selon les catégories, puisque les multicoques Ultime ne mettront qu’une dizaine de jours pour avaler les 5 400 milles du parcours quand les premiers Class40 seront encore au large du Cap-Vert…

Ils ont dit

Corentin Horeau, co-skipper Bretagne – Crédit Mutuel Elite (Class40) :

« J’ai déjà fait la Transat Bretagne Martinique en Figaro et en solitaire. Là, c’est sûr que jusqu’à Itajaí la route est longue, mais les Class40 sont des bateaux rapides. Nous tablons sur 20-25 jours. Ce qui est intéressant, c’est la période de départ dont le démarrage est souvent musclé, mais la suite s’améliore. Je n’ai jamais passé le Pot au Noir, il va y avoir du bizutage dans l’air… La route est longue parce que la descente des côtes brésiliennes n’est pas une mince affaire, il pourra se passer plein de choses jusqu’à l’arrivée à Itajaí… »

Antoine Carpentier, co-skipper Eärendil (Class40) :

« C’est une transatlantique très longue, c’est probablement la raison pour laquelle il y a peu de Class40, car les navigateurs non professionnels qui travaillent ne peuvent pas vraiment se permettre de faire relâche plus d’un mois. La route est assez classique, on pique au sud, une vraie course de vitesse jusqu’au Pot au Noir. Là ça se corse ! On est obligé de rentrer dedans. Sera t’il très actif ? L’idée est de se positionner pour en sortir le mieux possible. Ensuite, ce sera normalement du reaching jusqu’à la latitude de Salvador de Bahia. Il va falloir rentrer rapidement dans le rythme de la course, tout en se préservant et ne pas se mettre dans le rouge. Quand une course dure plus de dix jours, il faut se protéger pour garder sa lucidité. »

Louis Duc, skipper de Carac – Advanced Energies (Class40) :

« C’est la troisième fois que je participe à la Transat Jacques Vabre, c’est à ma connaissance la plus longue des transatlantiques existantes puisque nous sommes en course de 23 à 30 jours ! Il y a sur le parcours beaucoup de passages à niveau. D’abord la baie de Seine, puis la Manche avec le DST (Disposition de Séparation de Trafic, ndlr) des Casquets puis la sortie de Manche, le DST Ouessant, les cargos… A mon sens, le point stratégique est le passage du cap Finisterre. C’est souvent là qu’il faut choisir la bonne trajectoire, car il y aussi un DST à éviter. Souvent, ceux de devant creusent l’écart avec les alizés portugais. La gestion du Pot au Noir est aussi un gros boulot, car il bouge en permanence. Il faudra aussi se méfier des filets de pêche et des bateaux le long des côtes brésiliennes. Bref, beaucoup de choses peuvent se passer ! »

Ryan Breymeier, co-skipper sur Adopteunskipper.net (Imoca) :

« Sortir de la Manche sera la première difficulté que nous allons rencontrer. Il faut sortir de là et rapidement choisir comment attaquer le golfe de Gascogne. Si une dépression pointe le bout de son nez, le matériel et les bateaux seront notre principal souci, car c’est absolument l’horreur de casser alors que la course vient de commencer. C’est un aspect important du début de course. Ensuite la question se pose rapidement d’aller chercher le plus rapidement possible les alizés, faut-il aller dans l’ouest ? Une fois dans le train du vent d’est régulier, il faudra également continuer à réfléchir sur la façon d’aborder le Pot au Noir. Après cela, j’ai moins d’expérience sur le parcours, mais je pense qu’il y aura une belle course de vitesse en approche du Brésil, même si il peut y avoir des zones sans vent. Il faudra être sur ces gardes jusqu’au bout ! ».

Thomas Coville, skipper de Sodebo Ultim’ (Ultime) :

« Pour nous en Ultime, c’est le parcours rêvé ! Pour les Class40, ce sera plus long forcément, mais nous, nous sommes plutôt contents d’aller encore plus loin que Salvador de Bahia. Le premier obstacle sera évidemment le départ, car sur nos trimarans il faut faire attention, et puis ne pas oublier le petit parcours jusqu’à Etretat qui va nous faire manœuvrer. Ensuite, je pense que nous allons utiliser toute la garde-robe du bateau. La Manche sera un gros morceau. Le premier passage à niveau sera le cap Finisterre, où il peut y avoir des décalages importants. Il faudra être devant à ce moment-là ! Nous irons chercher les alizés qui ne sont pas si stables que ça, parfois même capricieux. Et puis, savoir ensuite comment rentrer dans le Pot au Noir, à l’Ouest ou l’Est, selon si l’on est devant ou pas. On se rendra compte que le Brésil est un grand pays, car il y a du chemin le long des côtes jusqu’à Itajaí et nous devrions retrouver des dépressions de l’Atlantique Sud passé le Cabo Frio. »

Source

Soazig Guého

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : Transat Jacques Vabre