You Cannes do it !

  • © James Robinson Taylor
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Après les Dragon qui ont couronné l’équipage allemand de Michaël Schmidt vendredi, les Régates Royales-Trophée Panerai se sont conclues ce samedi dans une légère brise de secteur Est. Les soixante-dix-neuf Yachts de Tradition ont bénéficié toute la semaine de conditions idéales en baie de Cannes et s’élanceront dimanche matin pour Saint-Tropez. Mais surtout cette 37ème édition démontre une nouvelle fois que les Voiles Classiques ont retrouvé un nouveau souffle avec une armada d’habitués et quelques nouveaux venus : rendez-vous en 2016 pour un rassemblement encore plus majestueux !

Il fallait serein, attentif, concentré, persévérant, sûr de soi et parfois un peu chanceux pour s’y retrouver sur ce plan d’eau à peine ridé par un zéphyr asthmatique, changeant et inconstant tout au long de ce parcours côtier triangulaire qui a permis aux nombreux spectateurs du week-end, de La Napoule aux îles de Lérins en passant par la Croisette, du Suquet au Palm Beach, de suivre les évolutions des Yachts de Tradition. Car la brise d’Est de six à huit nœuds s’essoufflant parfois à moins de cinq nœuds, obligeait les équipages à venir titiller les bouées jaunes des plages pour trouver un peu de pression et gagner quelques encablures sur leurs concurrents…

Un temps de demoiselle

Ces conditions légères voire impalpables rendaient le choix des bords primordial car il fallait éviter de multiplier les manœuvres : à ce jeu, le 15mJI Mariska a réalisé un véritable festival se permettant de devancer le Class J Shamrock V en temps réel dès la première marque ! Une suprématie qui s’est confirmée jusqu’à l’arrivée avec des écarts de temps presque abyssaux en temps compensé. Mais cette victoire n’était pas suffisante pour le plan Fife de 1908 puisque Moonbeam IV avait fait carton plein sur les trois précédentes manches… C’est donc le cotre aurique de 1914 qui s’adjuge les Régates Royales-Trophée Panerai dans la catégorie des Big Boats devant son grand frère de 1903, Moonbeam of Fife !

Le match était aussi de toute beauté pour les Auriques puisque « le plus âgé des anciens », Marigold jouait la victoire sur cette ultime manche : or ces conditions très faibles sur une mer à peine frémissante n’étaient pas la tasse de thé du plan Charles Nicholson de 1892 ! Et en terminant septième de cette régate tordue, Jason Gouldstone voyait le retour de Tilly XV revenir à égalité de points au classement général ! Le doyen des Régates Royales-Trophée Panerai sauvait in extremis sa victoire grâce au « goal average » puisqu’il s’était imposé par deux fois sur les quatre manches courues…

Rien n’était acquis chez les Classiques puisqu’il y avait trois prétendants à la victoire finale avant le départ de cette dernière manche. Mais Ea cumulait deux régates gagnantes ce qui lui sauva la mise puisque cet ultime affrontement allait à l’avantage de Ganbare, le célèbre plan Doug Peterson de 1973… Au final, à égalité de points lui aussi, Ea raflait de justesse la mise devant Sagittarius, le dessin de Sparkman & Stephens de 1973 !

Petit chelem

Mais qui donc pouvait contrer Cholita, le California 32 dessiné par Nicholas Potter en 1937 ? Chez les Marconi de moins de 15 mètres, le 8mJI suisse Carron II était particulièrement à l’aise dans ces conditions lacustres et virevoltait en tête de toute la manche… Pas suffisant toutefois pour détrôner le voilier italien de Marilinda Nettis qui réalise ainsi le petit chelem avec trois victoires sur quatre.

Lorsqu’on navigue sur un voilier présidentiel, on peut espérer surmonter toutes les difficultés ! Ce fut le cas pour Manitou, le yawl conçu par Sparkman & Stephens qui frôle toutefois la sanction avec sa cinquième place dans les petits airs ! Finalement Skylark of 1937 a été un véritable métronome sur ces Régates Royales-Trophée Panerai, mais paradoxalement, c’est le plus large et celui qui a le plus de rapport de lest qui kidnappait l’ultime confrontation sur un plan d’eau délicat par ses risées évanescentes… Rowdy, le New York Forty n’en termine pas moins quatrième au classement général.

Enfin, les cinq Tofinou devaient être inspirés pour se sortir des ornières de calme et accrocher un filet d’air salvateur : le plus rusé fut ainsi Pitch qui accède aussi au petit chelem avec trois victoires au compteur devant Pippa… Et pour les Spirit of Tradition et malgré sa contre-performance sur cette ultime course, Helisara le voilier mythique du chef d’orchestre Herbert von Karajan, s’adjuge la première marche du podium devant Freya 2003 et le 12mJI australien Kookaburra III.

De fait les Régates Royales-Trophée Panerai, rendez-vous incontournable du yachting classique, a une nouvelle fois démontré que les propriétaires sont d’incroyables passionnés qui alignent des voiliers d’une beauté magistrale avec des équipages de plus en plus affûtés au fil des éditions au regard des manœuvres et des enjeux tactiques qu’ils assument.

Un bilan très encourageant !

« Cette 37ème édition des Régates Royales-Trophée Panerai s’est superbement déroulée, grâce aussi à la couverture média en presse locale, régionale et nationale, mais aussi en télévision qui s’est nettement développée cette année ! Et le public a répondu présent : de 35 000 personnes habituellement, nous avons approché les 50 000 cette fois… Les conditions météorologiques ont certes été particulièrement favorables, et il y a eu aussi l’intérêt provoqué par les animations que nous avons mises en place. Mais notre priorité reste la sécurité sur l’eau et de ce point de vue, cela s’est fort bien passé. Il faut souligner que la baie de Cannes est un plan d’eau superbe pour ce type d’événement. Le spectacle était une nouvelle fois au rendez-vous ! » conclut Pascal Gard, gérant de la Société des Régates de Cannes.

« Il y a eu aussi la flotte des Dragon avec trente-huit monotypes venus de toute l’Europe : Allemagne, Grande Bretagne, Finlande, Russie, Estonie, Pays-Bas, Suède, Italie, Danemark, Suisse, Turquie aux côtés des dix équipages français… Avec un niveau de course très élevé ! Il y a plus de 1 300 Dragon qui navigue en Europe et les accueillir à Cannes est un honneur. A terre, nous avons beaucoup travaillé pour proposer de nouvelles attractions grâce à nos partenaires, dont Panerai, la ville de Cannes, Marine Pool… J’ai beaucoup appris pour cette première responsabilité sur cette épreuve : il y a une passion incroyable de la part de tous les bénévoles qui y participent. Nous avons fait un effort pour que les commerçants cannois soient aussi partie prenante des Régates Royales de Cannes et cela a porté ses fruits… » précise Jacques Flori, Président du Yacht Club de Cannes

Focus sur… la jauge Godinet

Ils ne sont pas nombreux, les voiliers lémaniques qui quittent le lac pour aller se confronter aux humeurs océanes ! Et aux Régates Royales-Trophée Panerai, hors du 8mJI Carron II (plan Fife de 1935), c’est le Trois tonneaux Phoebus II qui vient régulièrement se mêler à l’armada des Yachts de Tradition. À la fin de 19ème siècle, la bataille fait rage entre les « plats à barbe » et les « couloirs lestés », deux conceptions radicalement différentes dues aux conditions particulières rencontrées des deux côtés de l’Atlantique. Les Européens et donc les Français et les Suisses avaient adoptés la formule dite de 1886 qui laissait libre la surface de voilure mais pénalisait sévèrement la longueur à la flottaison, la largeur et le périmètre (chaîne) : les bateaux étaient donc lourds, étroits, avec de forts élancements et peu de franc-bord, toutes conditions pour être peu sécurisants.
Auguste Godinet, ingénieur lyonnais naviguant sur le lac, va fortement influencer la voile suisse en adaptant la formule aux spécificités lémaniques mais aussi aux plans d’eau maritimes français. En 1892, il propose une nouvelle approche : la jauge des Trois Tonneaux créée en 1892 et modifiée en 1901 fut la première à proposer une formule originale offrant une alternative entre les carènes en « V » (dites couloirs lestés) et les fin-keel et bulb-keel (dites plats à barbe). En prenant en compte la forme réelle de la coque par le « contour » au maître-bau, en limitant les élancements à la moitié de la valeur de la longueur à la flottaison, Godinet rend les bateaux moins extrêmes, plus harmonieux et suffisamment stables.
Poil-de-Carotte, construit pour Émile Belly et Auguste Godinet est le premier d’une série de onze Trois Tonneaux, assez différents dans leurs formes car conçus par des architectes aussi divers que Guédon, de Cactus, Herreshoff ou Costaguta. Calypso (Guédon) était ainsi un déplacement lourd avec une carène en « V » et une grande flottaison a contrario de Poil-de-Carotte (Godinet) plus léger, une courte flottaison et une section maîtresse creuse, le premier s’avérant au final plus rapide. Phoebus II est une réplique à l’identique de Poil-de-Carotte mis à l’eau en 1903. Il a été construit à l’identique (1991) en relevant les cotes de la coque de Phoebus dans un état tel qu’il était impossible de lui donner une seconde vie. Phoebus II a participé à plusieurs Bol d’Or depuis 1992, ainsi qu’aux rassemblements de Brest et Douarnenez, et vient régulièrement aux Régates Royales de Cannes.

Coupe d’Automne du YCF

Comme à chaque édition des Régates Royales-Trophée Panerai, le Yacht Club de France propose une course de ralliement entre Cannes et Saint-Tropez pour les Yachts de Tradition, dont le départ sera lancé dimanche 27 septembre. Après le coup de canon donné en baie de La Napoule à partir de 11h00, les équipages devront probablement contourner une bouée de dégagement vers les îles de Lérins puisqu’une brise d’Est d’une quinzaine de nœuds est annoncée. Puis il faudra passer une porte devant la pointe des Issambres avant de conclure devant la tour du Portalet à Saint-Tropez. La ligne d’arrivée sera fermée à 18h30 et la remise des prix aura lieu dimanche à 20h00 à la Batterie, quai Estienne d’Orves.

Prévisions météo

L’anticyclone 1036 hPa centré sur Newcastle dimanche résiste aux assauts des perturbations venues des Açores et de Terre-Neuve tandis qu’une faible dépression près des côtes de Provence s’est décalée vers le Sud en se comblant samedi, avec un minimum dépressionnaire sur la Corse quasi-stationnaire. Il en a résulté un flux d’Est modéré samedi matin devenant variable l’après-midi. Mais pour la course de ralliement entre Cannes et Saint-Tropez dimanche matin, c’est un vent de secteur Est à Sud-Est qui va propulser la flotte avec une quinzaine de nœuds, qui vont malheureusement s’étioler dans l’après-midi autour de cinq nœuds… Les derniers empannages en baie de Sainte-Maxime risquent fort de relancer la course !

Source

Soazig Guého

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