Pour les foilers, tout reste à apprendre !
Trois IMOCA participaient au cinquième stage de préparation à la Transat Jacques Vabre, du 17 au 19 septembre, au Pôle France course au large de Port La Forêt (Finistère). Deux à dérives droites – SMA et Maître Coq et un de dernière génération à foils : Banque Populaire VIII. Bilan instructif avec Christian Le Pape, responsable du Pôle.
Christian, comment s’est déroulé ce cinquième stage des IMOCA ?
« Nous n’étions que trois bateaux, car beaucoup d’autres avaient prévu des petits chantiers à cette date. Mais c’était très intéressant de pouvoir se mesurer les uns aux autres, entre un nouveau bateau à foils – le Banque Populaire d’Armel Le Cléac’h assisté d’ Erwan Tabarly – et deux bateaux d’avant-dernière génération à dérives droites, à savoir le SMA de Paul Meilhat avec Michel Desjoyeaux et le Maître Coq de Jérémie Beyou avec Philippe Legros. »
Quel était le programme?
« Au départ nous avions prévu de faire une grande course de 24 heures ,mais la météo prévoyait une remontée de dépression orageuse avec 40 noeuds de vent. Nous avons donc finalement opté pour des sorties à la journée. Typiquement, c’est un parcours imposé de 70 milles avec des phases de regroupement pour pouvoir enchaîner des départs, des manœuvres et surtout des comparaisons de configurations différentes de voiles, de ballasts, de quilles, de réglages de dérives et de foils, etc. Nous avons fait le tout dans des conditions toniques, de l’ordre de 25 noeuds, souvent avec un ris.
Que peut-on dire sur la comparaison entre les nouveaux bateaux à foils et ceux d’avant-dernière génération à dérives droites?
« C’est en effet cette comparaison qui est recherchée par les marins. Il n’y a pas de surprise par rapport aux prévisions de performances des architectes : l’avantage pour les foils à certaines allures et certaines forces de vent est objectivement intéressant. Après, c’est très compliqué de le quantifier et on se rend bien compte que ceux à dérives droites sont aboutis, alors que les autres entrent tout juste dans la perspective de développement. C’est pour l’instant complexe de savoir ce qu’il faut faire, mais on est quand même dans une démarche positive, la dynamique foils est positive. Il n’y a pas tromperie. Plus le vent est fort et plus l’angle est ouvert, plus la dynamique foils a de bons résultats. Au reaching, notamment. On a fait beaucoup de comparatifs sur des angles allant de 80 à 130 degrés. «
Et près, au louvoyage, les foilers sont moins performants…
« Oui, pas besoin d’être grand clerc ou architecte naval pour savoir que le plan anti-dérive est forcément moins performant sur les foilers. Surtout à faible vitesse. Rien n’est tout blanc ni tout noir, il y a des positions de curseurs à trouver, de nombreux réglages à faire… et chaque détail compte. Il faut étudier les différentes formes de foils, leurs calages différents, etc. Et ne pas oublier que tout est lié : voiles, ballasts, positions de quille, réglages des foils, etc. Pour l’instant je dirais qu’on est en phase de création du mode d’emploi, mais on ne l’a pas encore et c’est normal ! Les équipes peuvent donc envisager plusieurs possibilité après cette Transat Jacques Vabre qui servira de test sur le sujet : modifier les foils, et/ou leurs réglages, et pourquoi pas revenir aux dérives droites, même si cela apparait peu probable car la dynamique foils est positive. »
Sur la Transat Jacques Vabre, Armel Le Cléac’h pense que les bateaux d’avant-dernière génération sont favoris parce que plus optimisés. A-t-il raison?
« Armel réagit en pilote intelligent. Il sait très bien qu’entre un bateau optimisé à 100% depuis quatre ans et un autre qui n’est à l’eau que depuis 6 mois, il n’y a pas photo. Surtout que tous sont menés par des marins très compétents. Pour prendre une image scolaire, les bateaux à dérives-droites sont déjà en CP, ils ont déjà tous les fondamentaux et sont déjà performants, alors que les foilers sont des nouveaux nés où rien n’est acquis. Tout reste à faire, mais avec un potentiel de développement très important. Nous n’en sommes qu’aux débuts pour les bateaux à foils. Pour les IMOCA, la Transat Jacques Vabre sera une évaluation grandeur nature importante, car n’oublions pas que l’objectif pour tous c’est le Vendée Globe, dans un peu plus d’un an… »
Cela risque-t-il d’engendrer des bateaux très typés et donc des courses très différentes selon qu’on porte des dérives droites ou des foils?
« C’est très possible, oui ! La stratégie de chacun dépendra encore plus des conditions météo. Il n’est pas du tout impossible de voir deux stratégies très marquées entre ceux qui ont des foils et ceux qui ont des dérives droites. On peut très bien imaginer deux flottes dans la même série, chacun essayant de tirer le meilleur parti de ses points forts et de minimiser ses points faibles. Sur la Transat Jacques Vabre, si jamais il faut sortir du golfe de Gascogne en tirant des bords de près, les dérives droites auront l’avantage, par exemple… »