Les clés d’une étape clef

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© Alexis Courcoux

Si pour faire un beau vainqueur il faut un beau deuxième, alors la victoire de Yann Eliès (Groupe Queguiner-Leucémie espoir) est magnifique. Son mano à mano avec Charlie Dalin (Skipper Macif 2015) qui s’est soldé par un minuscule écart de 37 secondes à l’arrivée à Torbay, marquera cette 46ème édition de La Solitaire du Figaro Eric Bompard cachemire. Xavier Macaire (Skipper Hérault) complète le podium à près d’une heure. Derrière, les écarts considérables générés par le cumul des passages à niveau resteront aussi dans les annales. Retour sur une étape estivale, épique et cruelle aussi.

Il est 14 h 00, ils ont les yeux rougis, n’ont toujours pas déjeuné et refont le match dans les salons de l’élégant Royal Torbay Yacht Club. Par les fenêtres à guillotine, on aperçoit la ligne d’arrivée. Les concurrents y sont attendus jusqu’à … 22 heures.
On savait que cette troisième étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire serait piégeuse. Mais il faut reconnaître que peu d’observateurs imaginaient au départ de Concarneau de tels écarts à l’arrivée. On ne parle pas de celui qui sépare les deux premiers. Presqu’un classique de La Solitaire dont on ne se lasse pas, reflet de l’excellence auquel le vainqueur associe volontiers ses deux dauphins Charlie Dalin et Xavier Macaire. « Dans la façon de naviguer, ils sont comme moi. Il n’ y en a pas un qui est meilleur que l’autre. Au temps oui, mais dans l’approche, dans la façon de faire, nous sommes égaux » déclarait Eliès qui empoche à Torbay sa dixième victoire d’étape. Il égale ainsi le record de Jean Le Cam qu’il cite en référence : « Le rêve de gosse, c’était quand je regardais Jean naviguer il y a 15 ans, que je le voyais faire avancer son bateau de façon si fluide. Aujourd’hui c’est moi qui touche un peu cet état de grâce. La réussite s’ajoute au savoir. Des jeunes comme Sébastien Simon ou d’autres qui sont de la très bonne graine me regardent un peu comme ça aujourd’hui et ça me fait plaisir… »

Sérieuse option pour le triplé

En gagnant à Torbay, Yann Eliès prend bien sur une sérieuse option sur la victoire finale à Dieppe, lui qui en a déjà deux à son actif. Même si les 600 milles en Manche peuvent recéler beaucoup de surprises, seul Charlie Dalin à 22 minutes et dans une moindre mesure Xavier Macaire (57 minutes) peuvent vraiment l’inquiéter.
Car derrière, c’est le trou ! Gwenolé Gahinet (Safran Guy Cotten) et Jérémie Beyou (Maître CoQ), remontent certes au classement général (4ème et 5ème) mais sont à plus de 2 heures. Alexis Loison (Groupe Fiva) et Thierry Chabagny (Gedimat) qui rétrogradent 5ème et 6ème, accusent plus de 3 heures…
Premier étranger de cette troisième étape, l’anglais Alan Roberts (Magma Structures) a longtemps tenu la pression des meilleurs avant de lâcher prise petit à petit en Manche. Mais en terminant 9ème devant des Morvan (Cercle Vert) ou Mahé (The Beautiful watch), il n’a pas à rougir sur ses terres. Premier bizuth enfin, Aymeric Arthaud (Réel-PGO automobiles) confirme son talent et s’accroche jusqu’au bout en passant deux autres bizuths, Robin Elsey (Artemis 43) et Benoit Mariette (Entrepose).

De La Cornouaille à Torbay en cinq passages clefs :

  • Vitesse max en Bretagne Sud : Le début de parcours était d’abord une course de vitesse. A ce jeu, Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Performance), montre ses ambitions dès le départ et mène la course les 15 premières heures devant un Charlie Dalin aux aguets. La tête de flotte reste très compacte.
  • Coup de sang à Ouessant : Gildas Morvan a fait un joli coup et pris la tête à l’Occidentale de Sein. Mais le passage à Ouessant lui coûte cher. Rasant trop la côte, il laisse Yann Eliès s’engouffrer dans la veine de courant plus forte au large. Il ne le reverra plus. Gwenolé Gahinet suit la même trajectoire et se refait à ce moment.
  • Du bruit pour rien … En talonnant dans les cailloux de l’île de Batz, Benjamin Dutreux (Team Vendée) et Nick Cherry (Redshift) rappellent que le louvoyage de nuit dans les cailloux, suivant la trace sur sa tablette ou l’AIS des concurrents, peut coûter très cher. Heureusement, seule de la casse matérielle est à déplorer dans ces deux abandons. Les skippers seront au départ de la dernière étape.
  • Dorsale amicale : Traversée en une paire d’heure, la dorsale en Manche est moins violente que prévue. Surtout, le vent bascule franchement Ouest en sortie, piégeant les skippers à droite du plan d’eau comme Isabelle Joschke (Generali- Horizon mixité) et surtout Adrien Hardy (Agir Recouvrement) et Vincent Biarnès (Guyot environnement). Les écarts déjà significatifs creusés devant Roscoff augmentent. Charlie Dalin prend les commandes.
  • Match-race jusqu’au Devon : Derrière Wolf Rock, la porte se referme. Le vent tourne à droite, mollit, la marée renverse. Le louvoyage pour les retardataires devient un chemin de croix. Devant, tout s’enchaîne à la perfection pour Eliès qui a repris une courte tête, devant Dalin et Macaire. A quelques centaines de mètres près, Xavier Macaire se fait lâcher au Cap Lizard en butant dans le courant qui épargnait quelques minutes plus tôt ses concurrents. La suite tient du match race, mais Eliès ne lâche pas.

Ils ont dit sur les pontons à Torbay…

Xavier Macaire (Skipper Hérault), 3ème à Torbay :

« Troisième, c’est bien et ce n’est pas bien ! C’est une belle place, encore un podium, mais le bémol, c’est qu’il y a de l’écart avec les deux premiers. Tout était compliqué… Ce fut une belle étape, mais piégeuse, il fallait être dans le match, surtout lors de la traversée de la dorsale. Il fallait être devant… Trois fois, c’est parti par devant… J’arrivais à tenir, et puis un moment je suis tombé dans la molle. La suite, c’était de limiter la casse, ce n’est pas facile, car on ne contrôle plus trop quand on est loin des autres… Je suis bien placé au niveau temps sur le général, mais j’avais envie de jouer encore avec les premiers, maintenant ils sont loin… Ca va être difficile d’aller jouer avec Yann pour le final. C’était une belle course… »

Gwénolé Gahinet (Safran – Guy Cotten), 4ème à Torbay :

« C’est top, je suis super content ! Je suis parti un peu derrière, j’étais 18ème la première nuit, j’étais motivé pour recoller et je me suis donné à fond. Il y a eu deux bonnes ouvertures sur le bord de près avant Ouessant, où je me positionne bien. Et puis, juste devant Ouessant, je vois ceux de devant qui s’arrêtent un peu, et du coup je me décale pour passer dans la bonne veine de courant. Là je passe quatrième. C’était deux bonnes opportunités, mais je me suis fait lâcher par Xavier Macaire dans la dorsale. C’était une belle étape ! Je me suis bien amusé, elle était très intéressante. Je dois passer devant Jérémie (Beyou) et devant Alexis (Loison) au général je pense. J’étais 6e et je passe 4e, c’est pas mal, plus que trois places à gagner ! Je suis vraiment dans mes objectifs. »

Yoann Richomme (Skipper Macif 2014), 5e à Torbay :

« C’était superbe, je me suis rarement aussi bien éclaté sur une étape. Les côtes bretonnes de nuit, c’était bien agréable et j’avais la bonne carbu. Je me suis bien accroché dans la dorsale. Il y a juste la fin où Gwéno fait un meilleur coup que moi. C’est le seul point négatif, sinon ce n’était que du plaisir. Cela fait deux ans que je n’en avais pas fait une comme ça. Faire dans les 5, c’est super, il va y avoir du changement au classement général. »

Jérémie Beyou (Maître Coq), 6ème à Torbay :

« Je félicite les deux premiers, ils ont fait 0 erreur. L’avance qu’ils ont est colossale comparée aux petites erreurs qu’on a fait, c’est cher payé ! Tout a bien fonctionné pour eux, et nous on avait du retard donc ça n’est pas passé. J’ai fait deux trois petites erreurs, si j’avais gommé cela j’aurais été avec eux. Ca s’est passé à Ouessant, premier devant premier servi et toi tu peines derrière. Tapis rouge pour eux ! Ca agace, au cap Lizard, ça n’est pas passé non plus, on a encore pris du retard, c’est un peu rageant. Au général c’est compromis. Bravo à eux en tout cas ! Ils ont eu de la réussite, ce n’est pas un gros mot. Je dis toujours que pour gagner La Solitaire, il faut aller vite, aller au bon endroit et avoir de la réussite. Ce sera Yann ou Charlie le vainqueur de La Solitaire. J’en ai quatre devant moi, dont deux avec une sérieuse avance… Il faut que je termine sur une note positive, faire 6 ou 7e ce n’est pas rigolo. La vitesse ca allait mieux, mais parfois je ne suis pas fluide, et je le paie cash. Rappel individuel, ça ne sert à rien, c’est bête ! Le positionnement parfois ça joue à 100 mètres… L’an dernier ça passait, là non. C’est plus sur les petits coups, où je sens peut-être moins les choses… Ils étaient dans le timing, moi non à cause de pleins petits détails. Pour eux, ça devait être jubilatoire, pour celui de derrière, c’est les boules, la Manche à du résonner ! Mais je suis sur une note positive. »

Sébastien Simon (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir), 15ème à Torbay :

« Une étape où je suis parti pas trop mal… Il y a eu beaucoup de changements de situation pas forcément là où on les avait prévus. A chaque fois, je n’ai jamais réussi à être présent. Je n’avançais pas vite, ça m’énervait, je tournais un peu en rond. Au près, au passage de Ouessant, j’ai raté le coche, et puis après la dorsale, c’est parti par devant, j’ai jamais pu revenir. Dès que je tentais un truc, ça ne passait jamais. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas… Je n’étais pas plus fatigué que les autres. Je prends beaucoup au niveau des points. La prochaine étape sera pour le plaisir, ça sera déjà bien. »

Aymeric Arthaud (Reel – PGO Automobiles), 17ème à Torbay et premier bizuth :

« C’était une étape très difficile, on a vu qu’on peut arriver très groupé. On a vu aussi le patron et son acolyte qui nous ont fait une belle leçon. Il y a des moments, on perdait, des moments on revenait. Je suis content d’être premier bizuth. C’est quand même frustrant ces passages à niveaux, mais j’ai essayé de faire le break sur la fin, parce qu’il y avait deux bizuths devant moi, Benoît Mariette et Robin Elsey. Dans les cinq derniers milles, j’ai essayé de tricoter le mieux possible. On se voyait, c’était vraiment sympa de naviguer avec eux. Ca faisait plaisir de naviguer à leur côté. Ca tire, mine de rien une Solitaire du Figaro. Ca fait mal de partout, c’est ce qu’on vient chercher aussi. »

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RivaCom

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