Garder le contrôle

La lutte pour les deuxième et troisième places du podium virtuel avait remis du sel dans le combat quotidien des trois bateaux à la poursuite de Cheminées Poujoulat, quise prépare à affronter un nouveau coup de vent de 35 à 40 nœuds. Neutrogena et GAES Centros Auditivos croisent le fer comme jamais depuis qu’ils ont franchi l’antiméridien et entamé le chemin du retour. Leur safran tribord réparé, Renault Captur comptait bien se mêler à cette conversation espagnole, mais un empannage intempestif lors d’un surf nocturne a révélé un problème de contrôle du bateau. Une situation délicate pour le duo franco-germanique qui poursuit sa route prudemment.

Perdre la direction de son véhicule dans une pente à 150 km/heure. C’est l’image donnée par Sébastien Audigane pour expliquer le problème auquel Jörg Riechers et lui-même sont confrontés depuis ce matin. La réparation de leur safran tribord de la veille n’es t pas aussi performante que voulue. Bâbord amure, à plus de 19 nœuds dans le creux d’une vague, les skippers de Renault Captur n’ont plus la garantie de contrôler leur bateau de course. Pour l’heure, les deux skippers ont mis la course entre parenthèse, diminué la voilure et privilégié le mode sécurité pour faire route vers le cap Horn.

Nouvelles réparations

« Nous sommes en train d’analyser avec eux pour essayer de comprendre le problème et trouver des solutions. Il devrait y avoir de nouvelles réparations pour leur permettre de naviguer plus sereinement », a souligné ce matin Charles Euverte, le directeur de projet qui attend la levée du jour austral (cette nuit) pour envisager avec le bateau différentes procédures de réparations éventuelles. « Jörg et Sébastien doivent savoir où est la limite de ce safran réparé, qu’ils la maîtrisent et qu’ils soient rassurés sur le fait de naviguer dans les mers du sud en toute sécurité. »

Depuis le départ de la course, le 31 décembre dernier, Renault Captur avait déjà rencontré des soucis avec ses safrans d’origine, qui se révélaient parfois un peu trop sensibles. Le problème avait été contenu en bloquant les appendices en prévision des mers du Sud, a précisé encore Charles Euverte. La casse du safran intervenue hier provient d’un choc dont ne se souviennent pas les deux skippers. Elle pourrait s’expliquer par les heurts survenus précédemment dans l’Atlantique.

Thriller maritime

Garder le contrôle du bateau, de son usure et de celle des hommes. C’est l’une des exigences après 48 jours de mer, 48 jours de course. Et les conditions de navigation se sont mises au diapason de la légende des mers du Sud. Les régimes dépressionnaires d’ouest vont balayer toute la flotte, à l’exception notable de We Are Water qui progresse jusqu’à demain dans des airs légers. Pour tous les autres, les prochaines heures vont fortement secouer les bateaux et les hommes, à commencer par Bernard Stamm et Jean Le Cam qui vont subir des rafales à plus de 40 nœuds cette nuit. Dans ces conditions, il est parfois agréable de partir ailleurs, dans un livre éventuellement. Aleix Gelabert (One Planet One Ocean) a plongé dans l’un des meilleurs thrillers maritimes, un best-seller américain réédité depuis 25 ans : The Shipkiller de Justin Scott. Un roman d’amour et de vengeance en hautes mers. S’évader un peu mais pas trop.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 9576,2 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 1120 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1177,6 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1435,6 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 2607,4 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 3299,7 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 3963,9 milles

Ils ont dit :

Sébastien Audigane (Renault Captur) :

Mauvaise nouvelle. On a réparé notre safran, mais on s’est rendu compte ce matin qu’on ne pouvait pas naviguer à 100 %, au vent arrière, car on perd le contrôle du bateau dans les surfs. Ce matin, il y a encore eu un empannage intempestif. Le problème apparaît dès qu’il faut descendre et que la mer est un peu creuse. Au-dessus de 19 nœuds de vent, on perd le contrôle du bateau, la barre devient super dure, c’est comme si tu perdais la direction de ta voiture en descente, à 150 km/heure. La seule chose que l’on puisse faire est prendre des ris et naviguer un cran en dessous quand on est bâbord amure. On va être en demi performances. Ce qui nous inquiète un peu, c’est d’arriver sur le cap Horn, qui en général se double en bâbord amure. Cela marchait bien cette nuit, on était revenu à 190 milles de GAES et on s’était dit qu’on avait quelque chose à faire. Là, nous sommes un peu calmés. L’objectif, c’est de passer le cap Horn et de finir ce tour du monde. Dans l’Atlantique, ce sera plus facile pour nous de naviguer avec un safran handicapé. En attendant, on va essayer de limiter la casse en essayant de bien utiliser le système météo. Tout en naviguant en sécurité.

Jörg Riechers (Renault Captur):

Il n’y a pas de solution. En tribord amure, nous pouvons naviguer à 100%. Mais en bâbord amure, nous ne pouvons être qu’à 80 %, c’est un peu comme être en croisière, en croisière rapide. Il n’y a rien que l’on puisse faire. Nous pouvons espérer qu’il y aura de nombreux moments de navigation en tribord pour pouvoir attaquer. Et que notre déficit au cap Horn ne soit pas trop important pour pouvoir revenir dans l’Atlantique et monter sur le podium. Nous sommes un peu fatigués. À 2h30, tout allait bien, tout était rose et puis, tout a t ourné au cauchemar. Nous sommes dégoûtés.

Aleix Gelabert (One Planet One Ocean & Pharmaton) :

C’était un moment fort de doubler le cap Leeuwin, très émouvant, très bon mais maintenant nous pointons vers le cap Horn. Pour moi, des trois caps, c’est le plus emblématique que nous ayons à franchir durant la course. A bord, pour me détendre un peu, je lis actuellement un live (The Shipkiller de Justin Scott,NDLR). Nous disposons d’internet mais nous ne l’utilisons pas pour nous informer. Les seules actualités que nous recevons du monde sont les petites brèves que notre équipe et notre famille nous envoient. Je corresponds avec ma famille tous les jours par email et depuis Barcelone, nous avons parlé deux fois au téléphone mais pas plus.

Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message :

Malgré des zones de calme inattendues dans les mers du Sud, la navigation a été jusqu’à présent spectaculaire. Je n’ai pas beaucoup navigué sur des IMOCA, mais cela m’impressionne encore la façon dont ces bateaux accélèrent quand la mer grossit et que le vent forcit. Leur vitesse monte d’un cran, les bruits se multiplient et c’est comme si tout allait exploser. Heureusement, cela ne se produit pas et nous repartons sur la vague qui suit. C’est une sensation addictive. Bouger et se déplacer dans ces conditions devient de plus en plus difficile. Un jour, je me suis littéralement envolé dans un brusque mouvement dû à une vague alors que je me reposais. Je me suis senti léviter et une seconde plus tard, j’ai atterri sur une voile proche du lieu où l’on dort. Ça m’a épargné plusieurs jours de mal de dos !

Source

Barcelona World Race

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