Chevauchée sauvage

Les conditions se font plus âpres, le froid commence à pénétrer l’intérieur des bateaux, des corps. Âmes sensibles s’abstenir. Toujours emmenés par des régimes de secteur ouest puissants, Cheminées Poujoulat et Neutrogena cavalent vers la Tasmanie. L’océan Pacifique c’est pour demain, avec une dizaine d’heures d’écart entre les deux bateaux de tête. Premiers à avoir pénétré les 50es Hurlants, Bernard Stamm et Jean Le Cam entrent dans une autre dimension et le rythme qu’ils imposent en témoigne, près de 480 milles parcourus en 24 heures! Derrière, GAES Centros Auditivos et Renault Captur sortent groggys d’une grosse dépression et s’approchent du cap Leeuwin. A l’ouest des îles Kerguelen, One Planet One Ocean & Pharmaton et Spirit of Hungary redécouvrent la joie de naviguer dans des conditions portantes.

La flotte de la Barcelona World Race s’étire désormai s sur plus 3700 milles, entre l’ouest de l’archipel des Kerguelen et l’est du continent australien. En patron de la course depuis le 15 janvier dernier, Cheminées Poujoulat a creusé l’écart avec ses poursuivants sans exception. Même Neutrogena n’a pas suivi – n’a pas osé suivre ? – le tempo orchestré par Bernard Stamm et Jean Le Cam, qui ont parcouru 478 milles en 24 heures, le record de distance pour l’instant sur cette édition. Plus sud que Guillermo Altadill et José Muñoz, les deux briscards du tour du monde ont plongé dans les 50es Hurlants en forçant sur l’accélérateur, grimpant de 15 à plus de 19 nœuds de moyenne.

Pas d’excès de zèle

Là où Neutrogena a concédé quelque 30 milles, les équipages de GAES Centros Auditivos et de Renault Captur ont abandonné plus de 170 milles au duo franco-suisse. Il faut dire que les conditions ne se prêtaient pas à l’excès de z le. 35 nœuds de vent avec des rafales jusqu’à 57 nœuds, des creux de 7 à 8 mètres sous la pluie voire la grêle : Anna Corbella, la navigatrice espagnole de GAES Centros Auditivos, s’est dit à de fugaces moments que la vie pouvait être bien plus douce ailleurs… Malgré une excellente vitesse, Jörg Riechers et Sébastien Audigane, contraints à des recalages tactiques, ont perdu, en une nuit de grosse dépression et un empannage malvenu, le bénéfice d’autres petits coups mieux sentis. We are Water, mieux loti à l’arrière du front, poursuit doucement mais sûrement sa remontée.

Félicité

Dans ces mers extrêmes, une bascule de vent peut faire revenir les plus belles pensées. A l’arrière de la flotte, c’est presque la félicité depuis que les vents contraires ont cessé. « C’est le premier jour que nous naviguons comme le font normalement des marins et je me sens déjà plus marin ! », s’est réjoui ce matin Nandor Fa. Son bateau Spirit of Hungary, comme One Planet One Ocean & Pharmaton, qui naviguent en bordure de la zone d’exclusion, ont repris le bon sens de la marche, c’est-à-dire dans des vents portants et cap à l’est toute !

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 12 362,9 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 236,8 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1344,1 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1592,1 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 2181,6 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 3190,7 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 3720 milles

Ils ont dit :

Sébastien Audigane (Renault Captur) :

Ce sont des conditions assez difficiles, on a 7 à 8 mètres de creux et des gros grains, on a eu jusqu’à 57 nœuds cette nuit. Ça se calme un peu dans la journée. On n’a pas vraiment l’impression d’attaquer, on navigue plutôt prudemment à part deux petites sessions, dont une hier soir et une il y a deux jours. Le reste du temps nous sommes plutôt sages. De toutes façons, les conditions ne permettent pas de faire les fous, il faut faire attention au matériel. On essaie de trouver le bon angle et sur les empannages, on avait bien géré jusqu’à présent. Alors, nous sommes un peu déçus de celui de la nuit dernière. Ce n’est pas grave, la route est longue et il y a encore beaucoup de choses à faire.

Jorg Riechers (Renault Captur) :

Notre stratégie vis-à-vis de GAES est de profiter des bascules de vent. Il est difficile de le s attaquer parce que leur bateau est plus rapide. Si nous sommes chanceux avec les bascules de vent, nous jouons quelques coups tactiques et gagnons quelques milles mais, en vitesse pure, nous perdons du terrain sur eux. Il fait de plus en plus froid. Après avoir manœuvré, c’est assez inconfortable. Il y a beaucoup de navigation sous la casquette. À l’intérieur, ça va mais globalement mais je porte plus de vêtements et je bois du café chaud et du lait chaud.

Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) :

Nous sommes passés de l’été tropical à l’hiver. Nous avons actuellement 30 à 35 nœuds de vent. Cela se calme, mais nous avons eu jusqu’à 45 nœuds il y a peu, avec des averses mais aussi de la grêle, et une mer très difficile. Cela n’a pas été facile pour le bateau. Tous les jours apparaissent de nouvelles petites bricoles à réparer. Ce n’est pas très drôle. Ce qui importe c’est de pouv oir réparer le plus rapidement possible pour continuer à progresser aussi vite que possible. C’est bon d’être ici. Parfois, on se sent privilégié de voir ce vent et toutes ces vagues. Enfin, c’est ce que vous pensez quand vous êtes chez vous. Ici, nous pensons que ce serait bien d’être à la maison ! Ce sont deux sentiments contradictoires !

Aleix Gelabert (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message :

Nous avons atteint le cap des 10 000 milles aujourd’hui (hier). C’est la distance que nous avons parcourue selon notre GPS. C’est à marquer d’une pierre, sans aucun doute pour Didac et moi-même, car la plus longue distance que nous avions jusqu’à présent navigué était de 3200 milles dans la seconde étape de la Mini Transat. A la lutte avec Spirit of Hungary et We are Water, derrière et devant nous, nous luttons contre le temps mis par notre bateau lors des précédentes courses autour du monde : Ellen McArthur, 44 jours au cap Leeuwin ; Albert Barquès et Servane Escoffier, 47 jours ; et Ludo (Ludovic Aglaor) et Gerard Marin : 57 jours. Il nous reste 2300 milles à courir avant le second des trois grands caps…

Source

Barcelona World Race

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : IMOCA