Charybde ou Scylla ?

© Spirit of Hungary

Jusque-là, ce fut comme un ersatz des mers du Sud. Bien sûr, les marins de la Barcelona World Race ont troqué les tenues légères pour les polaires et cirés complets, les poissons volants ont laissé la place au vol des albatros qui planent dans les remous des voiles et la houle du sud est là, puissante, qui accompagne les départs au planning des carènes des monocoques. Mais l’océan Indien comme l’Atlantique Sud se sont montré plutôt bons princes. Le mauvais temps, celui qui cogne sans distinction, qui peut laisser groggy un équipage en une vague scélérate n’était pas au rendez-vous de ces premiers jours dans les mers du Sud. Certains mêmes, à l’image de GAES Centros Auditivos qui ne cesse de perdre des milles sur Renault Captur, auraient apprécié un Indien plus dynamique.

Bizuths confiants

C’est peut-être ces conditions plutôt clémentes, cette montée en puissance progressive qui provoque cette sérénité dont font preuve les bizuths des mers du Sud. Des frères Garcia à bord de We Are Water aux deux compères de One Planet One Ocean & Pharmaton, Aleix Gelabert et Didac Costa, les équipages manifestent une certaine confiance avant d’attaquer le mois de mer qui va les mener jusqu’au cap Horn. On n’ira pas jusqu’à fanfaronner : si l’Indien comme le Pacifique sont comme des fauves endormis, autant ne pas troubler leur quiétude par des déclarations fracassantes. Mieux vaut réaffirmer que l’on entre ici sur la pointe des pieds, en toute humilité. Car l’indulgence des mers du Sud ne durera peut-être pas. Pour certains ce n’est que le début de l’aventure. L’équipage de One Planet One Ocean & Pharmaton n’a franchi la porte de l’Indien que ce dimanche en début d’après-midi, il reste encore de l’eau à courir avant d’atteindre la pointe de la Terre de Feu.

Dilemme météo à 48h

A bo rd de Cheminées Poujoulat, comme de Neutrogena, les quatre hommes, habitués des navigations australes, risquent de ne pas attendre longtemps avant d’avoir à livrer leur premier vrai combat contre l’Indien. En cause, deux centres dépressionnaires particulièrement actifs, avatars des cyclones Diamondra et Eunice qui se sont formés au large du golfe du Bengale, descendent vers le sud-est en générant sur leur passage des vents supérieurs à 50 nœuds. Pour les deux leaders, deux solutions sont possibles en fonction des évolutions à venir : remonter vers le nord-est, au prix d’un gros écart de route, permettrait si les deux dépressions descendent rapidement vers le sud de les contourner par leur face nord et de bénéficier de vents portants. A rebours, gagner dans le sud permettrait de trouver des régimes de vent de sud à sud-est, dans une dépression qui devrait logiquement se combler au contact des mers froides de l’océan Indien . Dans un cas comme dans l’autre, la situation sera très inconfortable : mer forte et croisée, vents tempétueux, c’est un véritable combat que devront mener les deux tandems. Sans être dans le cas d’Ulysse devant choisir à sortie du détroit de Messine entre les deux monstres marins Charybde et Scylla, c’est un choix cornélien qui se présente pour les deux équipages de tête. Heureusement pour eux, la rationalité des cartes météo et des observations satellites est autrement plus efficace que l’invocation de la clémence des Dieux.

Classement à 14h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 15 192,1 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 224,4 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 1030,6 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1245,7 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1881,1 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 2388,5 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 2810,6 milles

Ils ont dit :

Aleix Gelabert (One Planet One Ocean & Pharmaton) :

C’est la première fois que nous naviguons dans l’océan Indien, on a des sentiments mélangés. Le premier c’est l’humilité parce que nous avons toujours entendu parler de l’histoire de l’Indien et tu as forcément du respect pour la puissance de ces océans. Dans le même temps, on est très fiers et très heureux d’être ici, de naviguer et d’être toujours en course.

Après un mois de navigation, le bateau va bien. On a eu quelques petites bricoles à réparer, mais rien de grave. le bateau est en parfait état, et nous aussi nous allons vraiment bien. Physiquement comme mentalement, on se sent costaud. On peut se détendre en pensant qu’on arrive dans l’océan Indien à 100%, le bateau comme nous-mêmes. Ça nous donne beaucoup de confiance, c’est bien.

La vie à bord est facile. Didac est vraiment quelqu’un de bien et on a du plaisir à naviguer ensemble. Je pense qu’on est assez complice dans notre manière de naviguer, avec lui c’est simple. On est vraiment content d’être ensemble.

Willy Garcia (We Are Water) :

Les conditions ont changé : on a maintenant une mer formée, croisée, parce que nous sommes en train de traverser une dorsale avec différents régimes de vent. Le vent et la mer s’opposent, c’est très agité et très inconfortable à bord.A part le fait que nous savons que nous sommes porteurs d’un message autour du monde, nous avons eu un souci avec le désalinisateur qui nous fabrique de l’eau potable en une heure et demie environ. On a mis du temps pour résoudre le problème, du coup on était un peu anxieux parce que c’est un facteur très très important. En comparant notre situation avec celle de ces pays où le stockage des ressources en eau est difficile, voire manque complètement, on a pu réaliser combien c’était important. Parfois on pense à la casse : démâter, briser un safran. Mais si vous vous retrouvez sans eau potable, c’est tout autant un coup dur….

Source

Barcelona World Race

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