Sept pour le Grand Huit

Les petits messages des équipages engagés dans cette édition 2015 de la Barcelona World Race ne laissent aucun doute. Les Quarantièmes Rugissants vont être fidèles à leur réputation. D’ores et déjà quatre bateaux Cheminées Poujoulat, Neutrogena, GAES Centros Auditivos et Renault Captur ont pu avoir un avant-goût de leur prochain mois de navigation jusqu’à la porte de sortie des mers du Sud, le cap Horn, dernière excroissance de la Terre de Feu chilienne. Désormais, leurs nuits et leurs jours seront ponctués du bruit des vagues qui explosent sur le pont du bateau, du sifflement de la quille quand la machine part en survitesse, du chuintement permanent du vent dans les haubans, des parties de toboggan nocturne quand on ne sait pas où, quand et comment vont se terminer les surfs interminables qui repoussent les limites de vitesse du voilier. Tout le monde le constate, en quelques degrés de latitude, on passe brutalement de l’été a ustral à une saison morne et grise. L’air est saturé d’humidité, le froid commence à poindre et la solitude devient concrète.

La générale des mécanos

Entrer dans les Quarantièmes, c’est comme faire la dernière répétition de théâtre avant de livrer sa pièce au public. Il s’agit de vérifier que tout tourne bien, penser au moindre détail, depuis le confort de vie à bord jusqu’à la marche optimale de la machine. A bord des IMOCA, on bricole beaucoup, parce que ces mers, comme le rappelait Bernard Stamm récemment, usent le matériel, mais surtout parce que passé le cap de Bonne Espérance, il n’y aura plus guère de possibilité de relâcher pour effectuer des réparations. Il faudra compter sur les seules capacités de l’équipe à résoudre les avaries éventuelles. Autant prévenir que guérir. A bord de We Are Water, les frères Garcia travaillent ainsi à résoudre quelques soucis de comportement de leur pilote automatique à grande vitesse, quand Renault Captur constate que le désalinisateur tend à se débrancher dans les surfs. D’autres équipages ont avoué sortir la boite à outils tels GAES Centros Auditivos, mais sans s’épancher sur la nature de leur mal : la compétition, c’est aussi savoir ne pas donner d’arguments psychologiques aux concurrents.

La zone d’exclusion balise le jeu

A bord de Neutrogena, on imagine facilement que Guillermo Altadill et José Muñoz auraient sûrement été tentés de prolonger leur route vers le sud. Mais, zone d’exclusion oblige, les deux navigateurs n’ont pas eu d’autre choix que d’empanner vers le nord dans une zone de vents plus faibles. Leur route converge avec celle de Cheminées Poujoulat qui, du même coup, reprend un avantage significatif à l’entrée de l’océan Indien. Rien n’est joué, mais c’est toujours agréable de marquer son territoire à l’heur e de doubler un des trois grands caps de ce tour du monde. D’autres n’en sont pas là : à bord de One Planet One Ocean & Pharmaton, Didac Costa et Aleix Gelabert ont peiné à sortir des mailles de l’anticyclone de Sainte-Hélène, quand Spirit of Hungary doit encore faire route au sud avant de mettre de l’est dans son cap.

Alors qu’ils entrent tous dans ce que Titouan Lamazou, le vainqueur du premier Vendée Globe, avait nommé le « pays de l’ombre », seuls les animaux apportent quelques éléments de vie tangibles. C’est un albatros qui s’attache au sillage de We Are Water, c’est une famille de cachalots dérangée dans son sommeil par la chevauchée de Cheminées Poujoulat. Preuve que les marins s’ils ne sont que tolérés dans les mers du Sud, n’en sont pas totalement exclus pour peu qu’ils sachent y tenir leur juste place.

Classement à 14 h00 TU :

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 17 891,5 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 124,9 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 581,7 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 1141,1 milles
  5. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 1532 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 1883,7 milles
  7. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 2360,1 milles

Ils ont dit :

Conrad Colman (Spirit of Hungary) :

Ça va mieux. On a juste changé maintenant le grand spi pour le code Zéro. On avance à dix nœuds maintenant au vent de travers. Le passage de dorsale est toujours difficile, surtout mentalement pour nous, car on a déjà subi beaucoup de molles depuis le départ et du coup, ça commence à faire un peu long. Là, on vient de faire un changement de voiles qui ont toutes les deux une grande surface. En début de course, ça nous prenait 30mn et demandait beaucoup de réflexion, maintenant c’est bâché en 10mn. Petit à petit, on s’habitue l’un à l’autre, de même qu’au bateau. C’est un bateau qui était nouveau pour Nandor aussi. On est content d’être ici, on est content de naviguer, mis à part le vent, ça commence à être un peu difficile. Notre heure de liberté n’est pas très loin. On va passer cette dorsale qui se décale vers le nord et on devrait trouver des conditions plus classiques pour un tour du monde.

Bruno Garcia (We Are Water) :

(A propos de Jean Le Cam) Ça manque forcément d’avoir quelqu’un sur qui te reposer, quelqu’un qui t’apprend. Maintenant, je découvre forcément d’autres manières de naviguer que quand j’étais avec Jean. Avec lui, j’étais l’apprenti et au final, la responsabilité de la décision appartient toujours au skipper. Là, avec mon frère, on partage tout, les espoirs, les joies et aussi les responsabilités. Je suis ravi pour Jean. Avec Guillermo, ils font une sacrée course l’un contre l’autre. J’aurais bien aimé que Pepe (Ribes) se mêle à la bagarre, mais l’un comme l’autre, ce sont des cracks.

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Barcelona World Race

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