La casse joue les trouble-fêtes

© Mark Llyod

Au 15e jour de course, la journée est marquée par le démâtage d’Hugo Boss, dont l’espar est tombé à l’eau la veille au soir, alors qu’il progressait dans des conditions plutôt modérées au large des côtes brésiliennes. Cette avarie, vécue comme une onde de choc par l’ensemble de la flotte, écarte brutalement le solide leader de la course qui ne faisait pas mentir son rôle de favori depuis le départ. En tête, trois bateaux poursuivent plein sud pour contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène. Un système dont les évolutions et les soubresauts n’ont pas fini de maintenir le suspense sur la route qui mène aux mers australes.

C’est à 21h02 TU, hier soir, qu’Hugo Boss a perdu son mât. Lors d’un court contact avec la BBC dans la matinée, Alex Thomson a expliqué qu’il se trouvait sur le pont, manoeuvrant sur la plage avant, quand le gréement est tombé dans l’eau suite à la rupture de l’emmagasi neur de génois. Le skipper britannique raconte avoir vu la voile s’envoler et le pire arriver sans pouvoir rien faire. Pepe Ribes se trouvait alors au pied de mât. Les deux hommes du bord vont bien, même s’ils ne cachent pas être anéantis par cette avarie majeure qui les oblige à déserter les chemins de la course. En contact avec leur équipe, ils se sont alors déroutés vers Salvador de Bahia. Le duo progresse actuellement au moteur, plein ouest et plein vent arrière, à 6 nœuds de moyenne. Il espère rallier le port brésilien dans les trois prochains jours.

En duel à Sainte-Hélène

Ce démâtage prive le groupe de tête de son fidèle animateur d’une régularité exemplaire en première ligne du classement. L’ensemble des autres skippers a manifesté sa sincère déception de voir celui qui ouvrait la route rebrousser chemin. Dans un message, Nandor Fa, skipper de Spirit of Hungary, se dit très affecté par cet événement qui rappelle combien les marins doivent faire preuve d’humilité dans des contrées océaniques où ils sont à peine tolérés. Refroidis par cet événement qui cueille la flotte en pleine descente vers les Quarantièmes, les poursuivants d’Hugo Boss mesurent tous l’envergure de cette course planétaire, qui au-delà des avaries mécaniques, reste un challenge extrême.

Pointés en tête, alors qu’ils progressaient en embuscade à quelques dizaines de milles dans l’ouest d’Hugo Boss, l’équipage de Cheminées Poujoulat tient bon la barre et redouble de vigilance. Engagés dans une régate acharnée avec Neutrogena, Bernard Stamm et Jean Le Cam ne cachent pas que les prochaines heures, qui les emmèneront flirter sous les zones de calmes de l’anticyclone de Sainte-Hélène, sont sujettes à quelques sueurs froides. Elles diront qui de ces deux équipages, suivis de près par GAES CentrosAuditivos aura l’honneur de prendre réellement les commandes de la flotte en direction du cap Bonne Espérance.

Ne pas perdre le sud

Plus au nord, le gros des troupes entame aussi le contournement des hautes pressions de l’Atlantique Sud, qui donnent le ton dans la conquête du sud. Renault Captur occupe toujours sa position en milieu de flotte. De leur côté, We are Water et One Planet, One Ocean & Pharmaton continuent leur progression de conserve à une cinquantaine de milles l’un de l’autre. Ils concèdent plus de deux jours d’écart avec les premiers sur lesquels ils calent leur trajectoire. Enfin, à 200 milles de l’équateur, l’équipage de Spirit of Hungary peut se réjouir de bientôt basculer dans les eaux de l’Atlantique Sud pour en découdre avec ce redoutable anticyclone de Sainte-Hélène. Après les offrandes à Neptune, il sera temps, demain, d’amadouer ce vaste système pour qu’il les autorise à a ttraper, dans les meilleurs délais, les vents du sud dans leurs voiles…

Classement à 14h00 TU

  1. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 20712,7 milles
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 25,7 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 28,3 milles
  4. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 89,6 milles
  5. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 182,7 milles
  6. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 414,0 milles
  7. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 461,3 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 616,5 milles

Ils ont dit

Alex Thomson (Hugo Boss) :

On était à 350 milles dans l’est du Brésil, en plein Atlantique Sud. Tout allait magnifiquement. On avait battu les records Barcelone – Gibraltar et Barcelone – équateur. On menait la flotte d’environ 60 à 70 milles. On était juste en train de terminer un changement de voile, dans des conditions de vent médium. J’étais à l’étrave, près de l’étai en train de surveiller l’enrouleur de génois quand la pièce s’est rompue. J’ai vu la voile s’envoler dans les airs et le mât hésiter quelques secondes. Je savais malheureusement ce qui allait arriver : il est tombé dans l’eau.
Cela fait partie des choses qui arrivent, même si on espère toujours y échapper. On ne pouvait rien y faire. C’est une pièce métallique dans le tambour d’enrouleur qui n’aurait jamais dû céder.
On a mis le moteur et on navigue à 6 nœuds. Quel contraste quand on pense qu’on marchait encore à 20 nœuds quelques temps auparavant. On fait route sur Salvador de Bahia qu’on devrait atteindre d’ici trois jours. Quand on sera arrivé, je suppose qu’on mettra le bateau sur un cargo, pour le ramener à la maison et construire un nouveau mât.
C’est terrible pour Pepe, on est dégoûté pour lui. Le bon côté des choses, c’est que nous sommes en train de construire un nouveau bateau à Southampton qui devrait être mis à l’eau d’ici quatre ou cinq mois. Mais c’est la vie, c’est comme çà qu’on apprend. On va mobiliser toute l’équipe et continuer d’avancer afin de gagner le prochain Vendée Globe.

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

Je viens de l’apprendre. Jean (Le Cam) ne le sait toujours pas puisqu’il dort en ce moment. On est d’abord désolé pour eux. Pour la course aussi, c’est dommage, elle perd son favori. Nous, on perd un solide concurrent, c’est toujours regrettable. De notre côté, on essaye déjà de naviguer prudemment sans ce genre de nouvelles là, mais cela confirme qu’il ne faut pas faire les fous.Sinon, on surveille forcément la progression de Neutrogena parce qu’on n’est pas très loin. On a aussi une bulle à contourner. Actuellement, les conditions sont assez similaires à celles que nous avons depuis deux jours. Le ciel est un peu plus nuageux avec quelques grains. Il fait toujours chaud, mais le vent est très, très instable. C’est d’ailleurs peut-être une explication au problème d’Hugo Boss. Cette nuit, on a eu de 6 à 24 nœuds de vent. Cela nous oblige à régler en permanence. Il y en a toujours un de nous deux dehors. Dans les prochaines 24-48 heures, il faut éviter la pétole, il faut éviter de se faire piéger par Sainte-Hélène. Il faut tourner autour. C’est comme dans un stade, il s’agit de se placer sur la piste intérieure.
Depuis le début de l’Atlantique Sud, on a notre petit train-train. On se relaie beaucoup la nuit, le jour on essaye d’être un peu plus ensemble, on discute. On n’a quasiment pas vu d’animaux, et quasiment pas de bateaux non plus. Notre quotidien, c’est la course !

Alex Gelabert (One Planet, One Ocean & Pharmaton) :

Cette nuit, on a reçu un message de la direction de course au sujet de cet incident à bord d’Hugo Boss. C’est très décevant parce qui on sait tous que cela peut arriver, personne ne veut que ça arrive, et bien sûr on souhaite que cela n’arrive à aucun bateau. C’est vraiment pas de chance, c’est dommage pour la course. Alex et Pepe naviguaient très bien, ils étaient en tête. C’est vraiment dommage de devoir abandonner sur un démâtage.

Source

Barcelona World Race

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