La conquête de l’Ouest

© Spirit of Hungary

Le début de la Barcelona World Race s’est couru en un tempo rapide. Les quatre bateaux partisans de l’ouest ont franchi l’équateur la nuit dernière, toujours en rangs serrés et en moins de douze jours. Les 24 heures gagnées sur le temps de référence établi lors de la dernière édition pourrait s’effacer dans l’hémisphère sud. A l’est, point de salut. C’est ce qui semble s’écrire pour les audacieux de Renault Captur, pris dans la nasse des calmes et grains du Pot au noir. Où sont entrés les autres duettistes acharnés, We are Water en profitant pour doubler dans les règles One Planet One Ocean.

La bataille reste intense. Les averses du Pot au noir n’auront pas éteint le feu de l’adversité qui pousse les quatre IMOCA 60 en tête du tour du monde. Hugo Boss mène toujours la danse, son bateau, l’ancien Virbac Paprec 3, vainqueur de la dernière édition, reste le plus rapide en vitesse pure. Mais sans pouvoir prendre la clé des champs océaniques. Le britannique Alex Thomson s’étonne lui même de poursuivants aussi accrocheurs, et notamment Neutrogena suivi comme son ombre par Cheminées Poujoulat. Et sa voilure démêlée, GAES Centros Auditivos revient aux affaires.

Cerbère des escaliers

Devant eux, le sud. Y descendre, c’est toujours négocier avec le cerbère des escaliers, l’anticyclone de Sainte-Hélène. Il reste toujours épanoui d’est en ouest, comme un grand sourire invitant à ne pas s’y engluer. L’éviter au mieux semble exiger de finir de conquérir l’ouest et les côtes sud-américaines. La route va s’allonger, et des alizés plus modérés que les costauds de l’Atlantique Nord devraient calmer le jeu. L’occasion serait parfaite, sur une mer plate, de vérifier gréement et réparer les petits bobos, avant le grand Sud. Du moins tant que les combats rapprochés le permettent.

Double peine ?

À l’est, Renault Captur subit. Son risque « calculé » lui a fait perdre en une nuit le gain de la veille. Et la peine pourrait être double. Jörg Riechers et Sébastien Audigane, qui ont mis un peu d’ouest dans leur cap, peinaient cet après-midi à s’extraire des zones sans vent et comptaient 100 milles (à 14h TU) encore à parcourir jusqu’à l’équateur. Derrière, We are Water, après avoir déposé son compatriote espagnol One Planet One Ocean & Pharmaton, arrive à bonne vitesse et mieux engagé dans le Pot au noir. Les lignes de l’échiquier océanique pourraient bouger.

Classement à 14h00 TU :

  1. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 21101,2 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 54,9 milles
  3. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 58,6 milles
  4. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 69,1 milles
  5. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 76,5 milles
  6. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 232,4 milles
  7. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 235 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 810,1 milles

Barcelone-Équateur

  • Hugo Boss : le 12 janvier à 1h50 TU, 11jrs 13h 50 min
  • Neutrogena : le 12 janvier à 3h TU, 11 jrs 15h
  • Cheminées Poujoulat : le 12 janvier 04h20 TU, 11jrs 16h 20 min
  • GAES Centros Auditivos : le 12 janvier 10h20, 11 jrs 22h 20min.

Ils ont dit :

Jörg Riechers (Renault Captur) :

Nous avons vu que le Pot au noir était relativement positionné sud, ce qui est assez inhabituel. Et qu’il y avait peut être une option un peu plus à l’est sur les cartes météo. Normalement, c’est un peu fou d’essayer de traverser au niveau de la longitude 24-25° ouest. Mais dans ces circonstances particulières, cela permet d’avoir un bon angle de vent à la sortie, avec des conditions de navigation rapide. Par ailleurs, nous avions connu des problèmes de safran avant le Cap Vert et nous avions abîmé no tre Code 5 (spi). Cela a changé notre approche du Pot au noir également. Ainsi, c’était une décision à 70 % tactique, à 30% mue par les circonstances. Si nous sortons du Pot au noir maintenant (ce matin), je suis confiant, ce peut être un succès. Notre problème de drisse peu après le départ nous a fait perdre le contact avec le groupe des leaders. Or, quand vous êtes derrière, vous devez réagir. C’est ce que nous avons fait. C’était un risque calculé.

Sébastien Audigane (Renault Captur), par message :

(Dans le Pot au noir), il y fait une chaleur étouffante; on ne voit pas le ciel; des gros nuages blancs et gris vous arrivent au-dessus de la tête en quelques minutes et vous déversent des trombes d’eau; le tout accompagné de fortes rafales de vent; il n’y a pas âme qui vive, pas un poisson, pas un oiseaux. Rien. Pour y accéder, il a fallu naviguer dans des conditions assez musclées: vent arrière sou s spi, avec deux empannages dans une nuit noire, évidement sans phares. C’est physique la voile. À chaque changement de bord, il faut transbahuter à peu près 600 kg de matériel, voiles et nourriture. La nourriture, encore un truc de dingue chez les marins, ils mangent des « lyophals » qu’ils disent.

Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) par message:

Nous avons navigué plusieurs jours bâbord amure. Surfant sur les vagues, l’eau submergeait le pont. Durant l’un de ces plongeons, un poisson volant est apparu sur le pont, à trois mètres de la barre. Entre chaque spasme, le poisson semblait mourir un peu loin de son élément. Il faisait nuit, le bateau allait vite et il était dangereux de quitter la barre pour aller l’aider. A chaque soubresaut, le poisson se rapprochait du rebord. Je l’encourageais en lui disant que s’il y arrivait, il pourrait transmettre aux autres poissons un message important : qu’il avait été sur un bateau spécial qui se lançait sur un tour du monde pour analyser les eaux de la planète pour que d’autres poissons comme lui puissent vivre dans des eaux plus propres et débarrassées des plastiques. Après un moment, stimulé par l’importance de sa mission, le poisson fit un dernier et final clap ! Clap ! Et il sauta dans l’océan.

Pepe Ribes (Hugo Boss) :

Le Pot au noir s’est très bien passé pour nous. Dans cette zone, vous ne savez jamais. Nous avions un plan avant d’y entrer et nous nous y sommes tenus. Et la bonne nouvelle est d’être sorti 50 milles au vent de Neutrogena. En ce moment, la brise gonfle, les conditions sont bonnes et nous passons un bon moment. Nous devons contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène, c’est trop tôt pour dire comment, l’objectif principal étant d’aller vers le Sud. C’est une option très risquée de tenter de passer à l’est comme Renault Captur. Les bateaux derrière lui sont seulement à 150 milles environ et si cela se passe mal, il pourrait être dépassé.

Source

Barcelona World Race

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : IMOCA