La Saudade n’est pas de mise

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Anticiper. Pour franchir l’insondable Pot au noir, les marins s’y prennent tôt. Et avec raison pour éviter d’y laisser du temps et de l’énergie déjà entamée. Dans moins de trois jours, les premiers IMOCA 60 de la Barcelona World Race y pénétreront, une première fois dans ce tour du monde. Bien se positionner est d’importance. Et à l’heure de traverser l’archipel du Cap Vert dans la soirée, tous affûtent leur stratégie. Impossible de se laisser aller à une quelconque mélancolie.

Journée particulière sur le papier ou l’écran d’ordinateur. Les classements du jour ne reflètent pas forcément la réalité sur l’eau pour le quatuor de tête, le même depuis quasiment le départ de Barcelone. Les leaders se croisent, selon leur rapprochement de la marque de référence sur la route directe théorique du tour du monde. Ce matin, ce « way point » se situait à Anaburu en Guinée, le prochain est placé au cap de Bonne Espéran ce. Cette route théorique n’est pas forcément la plus rapide, ne prenant pas en compte la météo. D’où le décalage. Et les classements seront plus proches de la réalité une fois le Pot au noir franchie.

Stratégie osée

Le Pot au noir. Une zone qui hante les esprits des skippers, en phase d’approche des îles du Cap Vert, passage aussi problématique que l’ont été les îles Canaries en raison des hauts reliefs. Les contourner par l’ouest où les vents de Nord-Est gardent leur vigueur (25 nœuds établis) et allonger le chemin, ou les traverser en leur centre où les alizés doivent faiblir (20 nœuds à la sortie) ? GAES Centros Auditivos, Neutrogena et Cheminées Poujoulat semblent opter pour la deuxième voie. Cette trajectoire permet de raccourcir la route et de bénéficier d’un meilleur angle de vent. Mais gare aux risques de calmes !

Alex Thomson et Pepe Ribes, sur Hugo Boss, avaient choisi de longer la côte africaine pour contourner l’archipel des Canaries. Une nouvelle fois, ils marquent leur différence en optant grand large. Contourner par l’extérieur le Cap Vert pourrait indiquer que le duo hispano-britannique opte pour une entrée dans le Pot au noir au niveau (entre 26°N et 30°N) où il est le plus étroit. Une stratégie osée quand les autres prétendants semblent procéder à un marquage en règle.

Bleu de chauffe

Pour les bateaux les plus au contact, comme pour les retardataires frustrés, la course ne laisse guère le temps au repos. Neuf jours de régate intense et les couples ont rarement déposé le bleu de chauffe. Il n’est toujours pas temps d’ailleurs. Renault Captur et One Planet One Ocean & Pharmaton n’ont guère d’autres choix que de garder le rythme et de suivre la voie du milieu de l’archipel, avant que les vents ne mollissent. Assumant pleinement son option ouest depuis hier, We are Water a, lu i, tout intérêt à persister sur cette route.

Classement à 14h00 TU :

  1. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 21805,8 milles de l’arrivée
  2. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 61,3 milles
  3. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 64,9 milles
  4. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 132,6 milles
  5. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 139,2 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 274,7 milles
  7. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 411,2 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 671,3 milles

Ils ont dit :

Anna Corbella (GAES Centros Auditivos) :

Nous ne savions pas vraiment au début si nous pourrions avoir les mêmes vitesses que les bateaux de devant. C’est une surprise pour nous. Et une fois que nous en avons pris conscience, nous avons continué, nous n’allions pas ralentir ou faire des cadeaux aux autres. A moins d’un souci, nous continuerons à pousser le bateau comme nous le faisons. Nous voulons finir avant tout, nous ne voulons pas d’accident. Nous restons vigilants. Notre routine est facile, nous procédons par quart de trois heures. Cela s’est instauré dès le début. Le rythme a été assez stressant. Nous discutons et décidons ensemble. Nous avons le même objectif, nous réfléchissons, nous argumentons et nous ne prenons jamais une décision en cinq minutes. Et actuellement, nous sommes aux avant-postes, alors c’est facile.

Guillermo Altadill (Neutrogena) :

Nous savions que ce serait serré avec les trois autres bateaux et, jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’options tactiques, pas vraiment d’ouverture, et la flotte fait à peu près la même chose. Nous avons le même logiciel, les mêmes informations météo. Cela viendra après les alizés, un bateau poussera plus fort et la course sera plus intense. Depuis les Canaries, nous savions ce qui allait se produire. J’ai vu l’option de passer entre la côte africaine et les îles Canaries, j’ai vu Hugo Boss faire ce choix. Mais j’étais plus intéressé par rester dans la flotte. Hugo Boss a réalisé un gain, mais pas significatif.

Sébastien Audigane (Renault Captur), par message :

Depuis le passage aux Canaries, le vent est assez fort 25,30 voire 32 nœuds dans les claques. Ça occupe le marin et quand il rentre à l’intérieur, c’est pour se reposer ! Surtout que cette première semai ne de course n’a pas été de tout repos le long de la côte africaine. La mer formée, parfois abrupte, nous a offert quelques surfs inattendus et violents. Ils finissent toujours bien mais quand même… Nous avons eu la chance de voir une lune rousse se lever et, petit à petit, éclairer la piste. Ce n’est que du bonheur de naviguer dans ces conditions! Nous sommes toujours derrière, pas super loin mais ça nous énerve un peu… Restons calme, la route est longue et semée d’embuches.

Bruno et Willy Garcia (We are Water), par message :

Après avoir regardé notre routage et les prévisions météo, nous avons décidé d’opter pour l’ouest avant le reste de la flotte. C’est un investissement à moyen terme, recherchant un bon positionnement pour traverser le Pot au noir. Nous devons attendre quelques jours avant de savoir si cela nous rapportera. Hier, nous avons procédé à quelques examens phys iques. Chaque semaine, nous prenons des mesures (pression, rythme cardiaque, urine, température) pour la recherche médicale, afin d’obtenir des variations de nos paramètres hormonaux, métaboliques et anthropométriques durant les trois mois de course.

Source

Barcelona World Race

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