De l’urgence d’attendre

© We Are Water

Certains jours, il faut savoir prendre son mal en patience. Depuis Gibraltar, les choix stratégiques se sont réduits comme peau de chagrin. A peine un ou deux petits décalages, pas de quoi nourrir l’ambition d’attaquants dans l’âme. Les risque-tout, les amoureux du panache devront faire profil bas pendant quelques heures encore. La route pour le Pot au Noir semble tracée et d’ici les îles du Cap-Vert il se pourrait bien que le statu quo règne sur la flotte

Hugo Boss joue sa carte

A l’issue d’une semaine de course, on n’en est encore qu’aux prémices de ce tour du monde. Pour Alex Thomson et Pepe Ribes, le statut d’indéniable favori, comptes tenus de l’expérience de l’équipage et du potentiel du bateau, ne doit pas les brider dans leurs choix. Il serait forcément malvenu de vouloir se lancer dans un marquage de ses adversaires, à peine la ligne de départ franchie. C’est donc une option parfaitement assumée prise par le tandem hispano-britannique en choisissant la route la plus proche de la côte mauritanienne. En jouant sur la régularité des régimes de vents, Alex et Pepe espèrent bien compenser le désavantage d’une position très orientale quand il faudra gagner dans l’ouest pour aller chercher la porte d’entrée du Pot au Noir.

File indienne

Le goulet entre Gran Canaria et Fuerteventura est en passe de devenir la nouvelle Nationale 7, celle des grands départs en ligne de file. GAES Centros Auditivos ouvre la marche suivi par Neutrogena et Cheminées Poujoulat. Derrière ce groupe, Renault Captur semble vouloir prendre le même chemin, entrainant dans son sillage One Planet One Ocean & Pharmaton et We Are Water. Pour Conrad Colman et Nandor Fa (Spirit of Hungary), le plaisir de toucher enfin des vitesses autour des 10 nœuds suffit à leur bonheur. Il sera toujours temps par la suite de voir comment se mêler à la bagarre avec le reste de la flotte.

Faux rythme

Il reste que pour les concurrents engagés dans cette Barcelona World Race 2014-2015, cette première semaine n’a pas été vraiment de tout repos. Les petits mots du bord, les vacations avec les navigateurs trahissent bien les efforts qu’il faut faire pour ne pas se laisser décrocher dans le petit temps. Les conditions de ces derniers jours, n’autorisaient paradoxalement pas la moindre faute d’inattention, pas le moindre relâchement. Ce soir, les IMOCA commencent à trouver des vitesses dignes de leur potentiel. Seul l’équipage de Neutrogena affiche des vitesses un peu faibles : souci technique passager ou bien perturbation d’un dévent d’une des îles Canaries ? On en saura peut-être plus demain : ce n’est pas dans les habitudes des coureurs du large de s’épancher sur leurs petits soucis, du moins tant que la question n’est pas résolue. N’en déplaise à certains, les marins n’ont pas toujours besoin de faire des phrases.

Classement à 14h00 TU :

  1. Hugo Boss (A Thomson – P Ribes) à 22 230,5 milles de l’arrivée
  2. GAES Centros Auditivos (A Corbella – G Marin) à 25,3 milles
  3. Neutrogena (G Altadill – J Muñoz) à 41,3 milles
  4. Cheminées Poujoulat (B Stamm – J Le Cam) à 48,2 milles
  5. Renault Captur (J Riechers – S Audigane) à 106 milles
  6. One Planet One Ocean & Pharmaton (A Gelabert – D Costa) à 172,4 milles
  7. We Are Water (B Garcia – W Garcia) à 251,5 milles
  8. Spirit of Hungary (N Fa – C Colman) à 625,5 milles

Ils ont dit :

Conrad Colman (Spirit of Hungary) :

On a pris des baffes, ce n’était pas facile de voir les autres galoper devant. Maintenant, on va faire notre course, on est déjà dehors. C’est dommage de ne pas faire la course au contact avec les autres. Hier au soir, on essayé de faire de l’ouest, mais ce n’était pas possible. On attend vraiment les changements de vent pour entrer dans la bataille. Heureusement, on avait encore plein de choses à faire à bord. Donc on a bricolé, fait des réparations, améliorer quelques points de détail. On a fait de notre mieux pour rester actif. A bord, c’est très fluide, on avait très peu de quarts classiques. Quand le rythme va se stabiliser avec un peu plus de vent, on mettra des choses plus régulières en place. Naturellement, j’ai l’habitude de faire la navigation. Je récupère les fichiers, on étudie les routages ensemble et c’est Nandor qui décide au final.

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :

Ça va mieux, le vent est revenu. On est juste à côté de Fuerteventura. On a du vent, on est sous spi, ça marche bien. C’est sympa de voir un peu de côte. On ne va pas s’arrêter non plus, mais oui, c’est sympa. On a pensé pouvoir passer par l’ouest, mais l’anticyclone est descendu plus vite que ce qu’on espérait et ce n’est pas passé. On cherchait un meilleur angle et ça n’a pas fonctionné. Maintenant, ça devrait partir par devant jusqu’au Pot au Noir, mais ce n’est pas dramatique. On a eu quelques petites chaleurs sur notre option. On s’est dit qu’on allait passer à la caisse plus que ça ne l’est finalement. A part les deux extrêmes, l’ancien bateau d’Ellen et Hugo Boss, tous les bateaux sont de même génération. C’est normal que tout le monde ait à peu près la même vitesse. Nous, quand on sera de retour à Barcelone, on sera au top, question connaissance du bateau. Mais ça va déjà pas mal !

Jusque là, on est un peu dans l’ambiance Solitaire du Figaro océanique. On essaye de se relayer au maximum, mais tu ne lâches pas le truc. Dans ce temps-là, si tu tournes la tête, tu es arrêté.

On a encore un peu de frais à bord. Des gens qui venaient de Savoie nous ont apporté du saucisson et des fromages. Il va falloir attaquer le fromage aujourd’hui… sinon, il va marcher.

Didac Costa (One Planet One Ocean & Pharmaton) :

Depuis la nuit dernière jusqu’à cet après-midi, on a été quasiment stoppé. C’était bucolique et paisible, mais on n’avançait pas. Mais comme nos adversaires non plus… Quel contraste : un jour tu te bats avec les vagues, tu fais des surfs entre 13 et 15 nœuds et le lendemain tu te traînes entre 0,8 et 1,5noeuds. Normalement, le vent devrait monter progressivement, ce seront des conditions idéales pour les IMOCA. On gare un œil sur la traversée de l’archipel des Canaries : partir à l’ouest, couper au milieu. On va voir ce que font les autres et on décidera…

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Barcelona World Race

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