La navigation en double est une expérience enrichissante

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Le skipper suisse Bernard Stamm n’est pas étranger aux hauts et aux bas de la course au large, que ce soit en solo ou en équipage réduit. En 2012, il a été dévasté de ne pas avoir pu achever son Vendée Globe, le tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale, pour avoir reçu, sans en être préalablement prévenu, une aide extérieure éliminatoire alors qu’il cherchait à faire des réparations dans le sud de la Nouvelle-Zélande. Après avoir terminé quatrième de la Transat Jacques Vabre en 2013, son IMOCA 60 s’est disloqué au Noël dernier alors qu’il était en convoyage retour, en provenance du Brésil. Le skipper déclarait par la suite “j’ai nagé pour sauver ma vie” lors d’un très périlleux sauvetage. Jeff Cuzon et lui ont également été sauvés puis rapatriés aux Açores, toujours à bord de Cheminées Poujoulat pendant la Transat Jacques Vabre 2011.

Mais Stamm est universellement reconnu pour être l’un des skippers les plus rapides, les plus talentueux et l’un des barreurs les plus durs au mal. Il a deux tours du monde en course et en solitaire à son palmarès, l’Around Alone en 2003 et la Velux Five Oceans en 2007.
Pour la Barcelona World Race à venir, Stamm va faire équipe avec le redoutable et très expérimenté Jean Le Cam. Ensemble, ils formeront un duo que de nombreux observateurs pensent bien capable de gagner la course.
Stamm confirme qu’il veut enrayer la malchance qui semble accompagner ses participations au Vendée Globe, mais le pouvoir d’attraction de la Barcelona World Race, disputée en double, est plus fort que tout pour lui à l’heure actuelle :

Quel est le but de votre entraînement en ce moment ?

Nous ne parlons pas vraiment d’entraînement. Il s’agit plus de naviguer et de tout bien mettre en place à bord pour l’instant. Cela va changer quand nous verrons comment les choses fonctionnent et jusqu’où nous pouvons pousser le bateau. Nous réglons actuellement tous les systèmes pour être sûrs que, quand nous commencerons à forcer, nous continuerons à bien naviguer plutôt que de tout casser.

Et la deuxième phase sera en novembre ?

Plus nous approcherons du départ et plus nous traiterons notre voilier comme un bateau de course. Pour le moment, il s’agit simplement de tout bien régler, de faire des ajustements, de travailler sur les détails. Dehors, sur le pont, il y a toujours de vieilles drisses à changer. Donc nous devons commencer par régler tout cela, les remplacer par des cordages neufs et là seulement, nous pourrons commencer à pousser un peu plus le bateau.

Quels sont vos atouts par rapport à vos concurrents ?

Je pense que Jean et moi sommes des techniciens. Cela veut dire que nous sommes capables de mettre en place ce genre de projet dans l’urgence. Ce ne serait pas possible autrement. Il y a trop de barrières à franchir et trop de choses à corriger… Je pense qu’il est à peu près certain que nous ne pourrons pas tout régler avant le départ. Il y aura peut-être des choses qui vont nous échapper et auxquelles nous allons devoir faire face en pleine course. Ça, c’est l’aspect technique. Nous sommes également engagés pour les mêmes raisons que les autres compétiteurs. Nous sommes tous les deux très expérimentés dans ce type de navigation. Notre handicap est le manque de temps.

Vous avez tous les deux eus vos parts de déconvenues. Est-ce que cela suscite des doutes quant à votre carrière professionnelle ? Ou est-ce que ça vous rend plus déterminé que jamais ?

Tout le monde a ses moments de déceptions. Pour nous il s’agit plus précisément d’accidents, même si cela créé de la déception évidemment… Je n’ai jamais pensé que j’avais une carrière devant moi de toute façon. Rien n’a jamais été programmé, les choses se sont juste enchaînées autour de moi. Du coup, je n’ai jamais été inquiété par un projet de carrière qui n’a jamais été planifié à aucun moment. Si tu travailles sur ce genre de projet, tu dois être extrêmement motivé. Sinon tu ne le fais pas.

Quels sont vos objectifs dans cette course ?

C’est toujours pareil. Si vous êtes engagé dans une telle course, votre ambition doit être de gagner ! Sinon c’est juste une petite sortie pour le plaisir. Ce n’est certainement pas le but de Jean et je suis pratiquement certain que ce n’est pas le mien non plus. Si je devais partir en croisière pour le plaisir, je ne le ferais pas à bord d’un bateau compliqué comme celui-ci. Nous partons pour régater. Pas pour gagner mais pour tenter de gagner.

Est-ce que la présence de Jean modifie votre façon de naviguer ?

Cela doit avoir une influence nécessairement. Quand vous êtes avec quelqu’un d’autre, vous faites obligatoirement les choses différemment. Evidemment. Pour faire les choses calmement, les deux personnes doivent être calmes. Donc chacun doit s’adapter à la situation. Cela veut dire également que nous progressons tous les deux. Donc oui, je naviguerai différemment avec Jean que si j’étais seul à bord.

Quelles sont les différences qui existent entre vous ?

Jean a les cheveux noirs et frisés, alors que je suis blond avec des cheveux ondulés… Il y a beaucoup de différences. Je pense que Jean calcule beaucoup plus. Je travaille plus à l’instinct. Mais nous verrons ce qui se passera. Je pense que nous avons plus de points communs que de différences.

Pourquoi la Barcelona World Race?

Parce que la navigation en double est une expérience enrichissante. Ces bateaux sont conçus pour naviguer autour du monde. Les transatlantiques ne suffisent pas vraiment à ces bateaux. La Route du Rhum est un sprint auquel sont plus adaptés les multicoques. C’est le terrain des multicoques. Cela reste une course intéressante pour les monocoques, mais ces bateaux sont dessinés pour le Grand Sud, et j’aime cette partie du monde. C’est pour cette raison que c’est notre programme. Trois mois de course – c’est un projet compliqué, mais quelle expérience fantastique.

Comment vous êtes vous remis après “l’accident” ?

Il y a plusieurs choses. Premièrement, vous devez vous convaincre que ce n’était pas de votre faute. Si vous avez le moindre doute que vous soyez en partie responsable, ce n’est plus possible. Après cela, vous prenez le recul de l’expertise, vous analysez toutes les choses en détail. Le pourquoi, comment c’est arrivé. Vous avez également besoin de soutien. Je ne fais pas cela tout seul. Il y a le soutien de mon sponsor, mon équipe, la Fondation, le propriétaire du bateau qui a compris pourquoi le bateau s’est brisé. Après cela, vous atteignez un point où vous vous dites que vous avez l’énergie pour reconstruire quelque chose d’autre, bien que cela puisse être différent de ce qui était originellement programmé.

Est-ce que le Vendée Globe est toujours le Saint Graal ?

Oui parce que c’est le plus compliqué à terminer. Il n’y a pas de place pour les grosses erreurs. L’homme et la machine doivent faire le tour complet, sans escale, sans assistance. Cela rend la préparation et la course beaucoup plus compliquées. Cela pourrait être plus simple, si vous ne cherchiez pas à gagner. Si vous voulez gagner, c’est tellement plus difficile. Vous devez pousser les limites de la technologie et vous assurer que le bateau reste fiable. A chaque fois que j’y ai participé, cela ressemblait à une vraie course autour de la planète. Nous voyons qu’à chaque nouvelle édition, les bateaux naviguent de plus en plus au contact les uns des autres.

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Barcelona World Race

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