Un peu de douceur dans une mer de brutes

© Th.Martinez/Sea&Co

Aérer le bateau, trouver des affaires à peu près sèches, mettre de l’ordre et tenter de se débarrasser de l’humidité qui a tout imprégné : les solitaires de la route du sud, ne sont pas forcément mécontents d’être sorti de la brafougne qui les malmenait depuis plusieurs jours. Sur leurs bateaux ballotés par une mer courte et brutale, ils ont vécu sur la tranche, se sont fait des bleus en se cognant de droite et de gauche, ont mangé froid de peur de s’ébouillanter avec une casserole d’eau, dormi d’un œil, l’autre fixé sur ces fichus pilotes baladeurs… Bref ! Ils en avaient leur dose. Et quand ce matin, le vent a molli franchement, que la mer s’est calmée et que le soleil est revenu, rares ont été ceux qui auraient eu la mauvaise idée de se plaindre.

Pourtant, cette phase a fait des dégâts : les écarts se sont creusés entre la tête de flotte et les poursuivants et certains pensent plus maintenant à limiter la casse qu’à se battre pour la victoire finale. Corentin Horeau (Bretagne Crédit Mutuel Performance) pointe maintenant à plus de vingt milles de la tête de flotte, Paul Meilhat (SMA) et Gildas Morvan (Cercle Vert) à trente. De manière générale, la fatigue se fait sentir et quelques concurrents comme Isabelle Joschke (Generali Horizon Mixité) reconnaissaient avoir perdu une part de leur lucidité à lutter contre les éléments. Pour tous, le mot d’ordre est d’abord de récupérer : il reste 500 milles à courir, soit l’équivalent d’une grosse étape de la Solitaire du Figaro. Mais on part rarement sur une étape en déficit de sommeil et qui plus est, pour certains avec quelques dizaines de milles de retard.

Born in Class Mini

Xavier Macaire (vainqueur en 2010), Adrien Hardy (vainqueur en 2006), Charlie Dalin (2e en 2008), le trio de tête a déjà fait ses armes sur ce parcours lors de la classique du circuit Mini, Les Sables – Les Açores. Depuis, les trois ont eu l’occasion de montrer qu’ils avaient bien intégré les bases du fonctionnement du circuit Figaro avec à la clé quelques jolis résultats. Il reste que le temps des transfuges du circuit Mini, qui arrivaient perdus en Figaro, est bel et bien révolu…. Et qui sait si ce qu’ils ont appris sur leur coque de 6,50m, seuls au milieu de l’Atlantique, n’est pas un bagage fort utile quand le confort n’est plus au rendez-vous ? Les trois ont la réputation d’être des durs au mal et l’ont encore prouvé ces dernières quarante-huit heures.

Comptes d’apothicaire ou fric-frac

Au nord, la bande des quatre continue son bonhomme de chemin, attendant l’occasion propice de faire main basse sur la course. Ce ne sera pas forcément facile, mais on sait que les positions des centres de hautes pressions sont beaucoup plus aléatoires que les modèles dépressionnaires. Pour l’heure, le passage semble pour le moins étroit pour ne pas s’enfermer dans une zone de pétole et demande un détour conséquent par le nord. Mais c’est aussi sur ce côté hasardeux que misent Gildas Mahé (Interface Concept) et ses trois compagnons de route : en misant sur le nord de la dorsale, ils n’ont pas fatigué le bateau, ni le bonhomme. Et même si les pronostics ne jouent pas en leur faveur, il ne faut surtout pas les enterrer trop vite. Au sud, les schémas paraissent à peu près clairs jusqu’à l’arrivée sur Lorient : ce sera sur des coups de gagne-petit qu’il faudra tenter de revenir au contact des hommes de tête. Au nord, on a joué tapis… On risque gros, mais l’adrénaline a des vertus euphorisantes paraît-il.

Ils ont dit :

Isabelle Joschke (Generali Horizon Mixité) :

C’était vraiment usant, stressant, ces deux derniers jours. En plus de l’inconfort de la situation, savoir que le pilote pouvait décrocher à tout moment, rajoutait du stress. Ce n’était pas possible de dormir vraiment, on a tous tiré sur la corde. Je m’en suis rendu compte, je n’ai pas très bien navigué, parce que je n’étais plus assez lucide. Mais la course n’est pas finie, il peut encore se passer des choses d’ici l’arrivée.

Paul Meilhat (SMA) :

J’ai perdu pas mal de temps avec cette histoire de pilote. Dans un virement de bord intempestif, mon solent s’est déralingué, j’ai dû l’affaler sous peine de le voir se déchirer entièrement. Du coup, j’ai dû naviguer sous génois et pour équilibrer le bateau, il a fallu que j’accepte de perdre sur la route, que j’abatte plus que j’aurais voulu. Je suis forcément déçu de ma position, mais c’est aussi ça la course au large. S’il y a des coups à jouer, je n’hésiterai pas, mais là, on n’a rien d’autre à faire qu’attendre d’arriver vers la pointe de l’Espagne.

Source

Lorient Grand Large

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