Generali prend les commandes

© Alexis Courcoux

Depuis 24 heures, les sudistes ont pris la tête de la Transat AG2R LA MONDIALE et trustent déjà les cinq premières places. Tout va probablement se jouer entre un groupe de six bateaux, de Generali à 30 Corsaires. Mais entre eux, la bagarre sera sans merci pendant les 6 à 7 prochains jours de course. La vitesse ne sera pas la seule clé. Chacun s’est positionné sur une ligne de 135 milles perpendiculaire à la route pour aborder le dernier « run » vers les Antilles.

La flotte se situe au beau milieu de l’océan Atlantique. Au sud, le groupe de tête aligne des moyennes journalières de plus de 240 milles. Les dernières navigations nocturnes ont été la fois rapides et terrifiantes : les nuages et l’absence de lune enveloppant d’un rideau noir, l’horizon et la surface de l’eau.
La nuit dernière, Skipper Macif « à la limite du départ au tas », selon les mots de Fabien Delahaye, naviguait sous grand-voile arisée et petit spi. Safran-Guy Cotten lui, conservait toute la toile. Gwenolé Gahinet et Paul Meilhat ont eu la bonne idée d’embarquer un grand spi à fort grammage (plus solide) permettant de le maintenir, même dans un vent très soutenu… Ce détail fait partie de la gamme des petits avantages qui feront la différence au moment de juger l’arrivée dans le port de Gustavia.
Ce combat rapproché entre Safran-Guy Cotten (2e) et Skipper Macif (3e) n’est qu’une des péripéties qui anime actuellement le concours de vitesse engagé entre les hommes du sud.

Trois concepts différents

Sur une même ligne d’avantage longue de 135 milles, on distingue désormais trois options différentes. Au nord, Generali et Scutum. « Nous nous positionnons à la limite des alizés profonds. Nous essayons de trouver un compromis entre la route la plus courte et la route la plus ventée » racontait Eric Peron pour expliquer la tactique du bateau leader. Ce choix, Gerald Veniard ne semble plus l’assumer tout à fait. A la vacation, après avoir décrit une nuit impressionnante à foncer dans le noir à travers « des talus », le skipper de Scutum émettait de sérieux doutes quant à ce positionnement.
Au centre, Safran-Guy Cotten, Skipper Macif et La Cornouaille. Depuis le début de la transat, les choix de Gwenolé et Paul sont toujours mesurés : en milieu de flotte, dans une position intermédiaire. Deuxième au classement de l’après-midi, le bateau jaune semble transpercer la flotte.
Au sud : 30 Corsaires. Alexia Barrier et Laurent Pellecuer vont au bout du plan qu’ils s’étaient fixé après le passage des Canaries : le sud à tout prix. Pourquoi continuer à s’éloigner autant de la route directe ? Pour conserver un vent plus frais, plus longtemps et bénéficier d’un meilleur angle d’attaque dans la dernière ligne droite.
A l’échelle de l’Atlantique, ces décalages semblent minimes. Mais ils vont peser dans les jours à venir, à l’approche de l’arc Antillais. Si la mer est toujours démontée, l’alizé est en train de s’essouffler légèrement et il va peu à peu s’orienter à l’est, obligeant une partie de la flotte à multiplier les empannages.

Les routes convergent

Les nordistes n’ont plus de nordistes que le nom. En mal de vitesse, ils ont obliqué vers le sud à la recherche de vents portants plus soutenus, pour vivre à leur tour les frissons de surfs à plus de 15 nœuds. En haut de la carte, Made in Midi et Interface Concept poursuivent inlassablement le duel qu’ils ont initié il y a quatre jours. De leur côté, Corentin Horeau et Michel Desjoyeaux (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) se démarquent une nouvelle fois et plongent franchement en direction des alizés profonds.
Le 14 avril, la flotte s’était scindée en deux groupes distincts. Pour la première fois, ces deux groupes convergent à nouveau. D’ici 48 heures, la route des nordistes croisera le sillage des leaders.

Le Trophée de la Performance

Remporté par Generali avec 256,8 milles (vers le but) parcourus en 24 heures, entre le 20 et le 21 avril 12 heures.

Le chiffre du jour

11° 38 17’ nord : c’est la latitude à laquelle étaient descendus Fred Duthil et François Lebourdais (Sepalumic) en 2012. Soit le point le plus sud jamais atteint sur une transat AG2R LA MONDIALE. Aujourd’hui, 30 Corsaires, le plus sud de tous les concurrents est encore 100 milles au nord de ce point.

LES MOTS DES MARINS

Martin Le Pape, La Cornouaille :

Bilou est sur le pont, il met du charbon dans la chaudière ! Le vent a molli, on est quand même à 12 nœuds sur le fond, cette nuit nous étions parfois à 19 nœuds, ça allait vite… C’est plus reposant, mais depuis trois jours ça tire dessus… On arrive à dormir, mais ce n’est pas le sommeil du juste profond… Le couple va bien, nous avons une petite routine qui s’installe. Nous n’avons pas eu d’engueulade, nous sommes contents d’être dans le match, déjà ça, c’est bon pour le moral… Nous n’avons pas de pression. Il y a de l’eau à couler sous l’étrave, nous naviguons le mieux possible, nous aurons peut-être de la pression à la fin. Il y a des allures où le safran abîmé nous handicape, notamment au reaching ou dès qu’on lofe sous spi. Sur le classement, ça ne se voit pas trop notre problème de safran… On se disait justement avec Bilou que sur la Solitaire tout le monde aura un safran tronqué parce que depuis l’incident on marche fort !

Eric Peron, Générali :

Nous sommes contents de notre position sur le plan d’eau. Il y avait pas mal de vent hier. Aujourd’hui, ça s’est bien calmé. On a entre 15 et 20 nœuds, et une mer résiduelle très hachée, c’est une marmite, ça rend difficile la progression. On fait partie des bateaux du sud, il va falloir se battre avec les copains.
Nous nous positionnons à la limite des alizés profonds qui sont tout le temps-là. On est à la limite nord de ces alizés. Au-dessus de nous, c’est plus faible, en-dessous, c’est plus fort, et par contre ça rallonge la route. On essaye de trouver un compromis entre la route courte et le vent pour avancer plus vite.
Le rythme est soutenu, l’avantage, c’est qu’on ne voit pas passer le temps. Nous tirons un peu sur les bonshommes, mais ça va on tourne bien. Les fins de nuit sont difficiles, parce qu’il n’y a pas de lune donc ça demande beaucoup d’attention. Ca fait un bout de temps que nous sommes en tribord, nous avons un peu mal au dos, on s’étire.
Les routages nous donnent encore une semaine de mer, nous pensons arriver entre dimanche et lundi, plutôt lundi.
Nous avons hâte d’arriver. Pour le moment, nous avons de la chance car nous avons pas mal de nuages. Le soleil ne tape pas trop… C’est ce qui nous fait peur dans les alizés, car quand le soleil tape, à la barre c’est dur. En taux d’humidité, c’est élevé par contre, ce n’est pas très agréable ! Le bateau est à 100% pas un seul accro, ni de pépin.

Gwénolé Gahinet, Safran – Guy Cotten :

On a l’impression d’avoir une trajectoire plus tendue que les autres. Après, je ne sais pas dans quel état sont les autres, nous sommes très en forme. C’est important, surtout la nuit, car il y a plus de vent. Nous donnons tout pour aller vite la nuit. On faisait des quarts de trois heures en début de course, maintenant c’est plutôt deux heures. On se dit que c’est quand même une course de vitesse, il faut surtout penser à faire avancer le bateau, les autres attaquent à notre nord et notre sud. Pour le moment, nous n’avons pas eu besoin de marquer les autres. On a une trajectoire qui nous plaît bien.

Gérald Véniard, Scutum :

Ça s’est un peu calmé. On a moins de vent que hier et cette nuit. Ça a été musclé. On n’a pas beaucoup dormi cette nuit. On s’est fait un peu surprendre, c’est monté crescendo jusqu’à 4h du mat. En début de nuit, il y avait de gros nuages noir. C’était dans le noir à fond les manettes au milieu des talus. C’était un peu impressionnant. Impossible de dormir : c’était très bruyant, le bateau partait en sur vitesse à 18 nœuds. Nous sommes venus pour ça, nous : nous faire plaisir. Avec Jeanne, nous faisons cette course pour la 4e fois ensemble. Jeanne est en train de faire un petit dodo. Elle a fait la fin de nuit, pris la météo à 9 heures. Notre placement au nord n’est plus bénéfique pour les prochains jours. Il faudra faire des petits empannages pour redescendre au sud trouver plus de vent. Depuis Palma, nous avons voulu faire l’intérieur du virage avec Generali. Ce qui était une bêtise. Eux ont insisté. Depuis, on ne les regarde pas du tout. Mais ils ont réussi à nous coller une bonne quinzaine de milles. Ils sont énervés les jeunes ! Nous, on va se battre jusqu’au bout. On rêve de podium mais ce ne sera pas commode. On se bagarre. Nous avons eu un peu de casse, mais les voiles, ça va. Par contre, nous avons eu la pétoche avec les démâtages. Nous avons cassé une pantoire de tangon, le hâle bas de grand-voile hier soir, nous avons eu un problème de pilote : des bricoles, classiques, qu’on a réparées.

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