Comme un air de Vendée Globe

© F.Gabart / Macif

Même si ce n’est pas le Vendée Globe, la Transat B to B commence à en avoir l’odeur et le goût. Outre la porte de sécurité à franchir, la problématique qui se présente à tous les solitaires ressemble à celle des mers du sud où il faut savoir ménager compétition et sécurité. A 1200 milles de l’arrivée, soit un peu plus de trois jours de mer aux vitesses actuelles, tous se préparent à faire le dos rond.

Ça déboule… Le vent, qui est encore monté d’un cran la nuit dernière, atteint de nouvelles limites : il n’est plus rare que les solitaires évoquent maintenant des grains jusqu’à 35 à 40 nœuds, alors que le plus dur des conditions météorologiques est encore à venir. Petit à petit, les navigateurs mettent une part de la course entre parenthèse, pour se concentrer sur la préservation du matériel. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) évoquait bien la situation en comparant son état d’esprit avec celui qui avait été le sien lors de sa première entrée dans les mers du sud. Pour beaucoup de navigateurs, c’est la première navigation en solitaire depuis longtemps et il est nécessaire de retrouver ses marques : anticiper sur les conditions à venir, réduire la voilure, encaisser les premiers grains avant de s’habituer et de renvoyer de la toile, avec ce sentiment terrible qu’on n’avance plus dès lors que le vent descend en dessous des vingt-cinq nœuds.

Concentration et petits plaisirs

Pour autant, tous ont l’esprit tourné vers les prochaines quarante-huit heures qui ne seront de tout repos pour personne. Même Louis Burton (Bureau Vallée) et Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) positionnés très au sud du reste de la flotte ne devraient pas être épargnés par des vents pouvant monter jusqu’à 55-60 nœuds dans les rafales. Alors les marins se préparent : les plus grandes voiles d’avant ont d’ores et déjà regagné leur sac et sont rangées dans les bannettes arrière, bien sanglées. Le matériel mobile les a rejoint et l’essentiel des poids est centré sur l’arrière pour permettre à l’étrave de décoller et d’éviter que le bateau n’enfourne en fin de surf. La plupart n’oublie de prendre encore un repos réparateur et de s’offrir quelques dernières friandises : bonbons gélifiés pour Louis Burton, conserve de foie de morue pour Marc Guillemot (Safran), chacun a ses préférences… Mais l’essentiel est ailleurs : être capable de s’offrir ces petits plaisirs, c’est aussi se préparer mentalement à la bagarre, se dire qu’on est suffisamment costaud pour résister à l’inévitable pointe d’angoisse préalable au mauvais temps.

29 mètres de mât

Jean-Pierre Dick, quant à lui, pourra se féliciter d’être prêt à temps pour affronter la baston. Profitant de l’accalmie qu’il est parti chercher dans le sud, le navigateur niçois a pu grimper en tête de mât pour larguer le hook de son gennaker et permettre à sa voile de s’affaler sur le pont. Si Jean-Pierre est particulièrement à l’aise dans l’eau, l’exercice d’escalade est loin d’être son préféré et ce, d’autant que son gabarit ne l’aide pas. Mais, il a su gérer la situation en bon marin, attendant de trouver des conditions plus propices et surtout, en se ménageant auparavant un temps de repos indispensable pour se lancer en tête de mât avec le meilleur potentiel physique. Car, même si tous les navigateurs utilisent maintenant des « descendeurs » directement issus du monde de l’escalade, partir à l’assaut d’une perche de vingt-neuf mètres de haut qui, par effet de houle, aura au sommet un balancement de plusieurs mètres, n’a rien d’une sinécure. Mais savoir qu’on est capable de résoudre tout seul ce type de situation est un atout psychologique considérable dans la perspective du prochain Vendée Globe. A ce titre, la Transat B to B démontre chaque jour son intérêt.

Ils ont dit :

Marc Guillemot (Safran)

Je suis sorti d’un gros grain très tonique à 40 nœuds et là, on a 27 nœuds et j’ai l’impression qu’il n’y a plus de vent. Il faut être vigilant. J’ai fini la dernière boîte de foie de morue, hier au soir, après avoir changé de voile. Je me suis fait un petit plaisir. Dans l’ensemble, ça fonctionne bien, mais actuellement la mer n’est pas en phase avec la direction du vent, donc on plonge dans les vagues par moment, c’est impressionnant. Mais il faut faire avec…

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire)

On est en bordure d’une grosse dépression, on a des vents de nord-ouest de trente nœuds, un peu plus dans les grains et surtout la mer s’est bien levé. Finalement c’est une conduite et des réglages proches de ce qu’on connaît dans le grand sud. Quand on arrive dans les mers du sud, on a un petit temps pour trouver les bons réglages. Là, cela fait vingt-quatre heures qu’on y est. On était venu pour s’entraîner à ça, donc c’est parfait. J’y vais crescendo, je commence à trouver mes repères et on va pouvoir monter en pression. Ça faisait longtemps que je n’avais pas navigué en solitaire, c’est une excellente piqure de rappel.

Louis Burton (Bureau Vallée)

Ça va, c’est l’apprentissage du solitaire. Mon objectif, c’était de ne rien casser, pour l’instant je m’y tiens. Là, je suis au près, bâbord amure. En me positionnant très au sud, je vais pouvoir choisir la force de vent que je vais pouvoir affronter. Je suis assez serein, car j’ai le sentiment de m’être laissé une porte de sortie. Le seul objectif sportif, c’est d’arriver au bout et de me qualifier pour le Vendée Globe. Le reste a peu d’importance, actuellement.

Source

Rivacom

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