Le cercle vertueux

© Alexis Courcoux

Les 41 Figaro Bénéteau sont en train d’arrondir sous spi la pointe occidentale de la péninsule ibérique dans une brise d’Ouest qui s’est renforcée en milieu d’après-midi, 15-18 noeuds. En choisissant de serrer la côte dès le cap Finisterre, Gildas Morvan (Cercle Vert) puis Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) et Simon Troël (Les Recycleurs bretons) ont pris la poudre d’escampette face aux  » conservateurs  » qui ont préféré assurer en élargissant leur virage espagnol.

Au propre comme au figuré, le cap Finisterre est un tournant. La flotte s’y est scotchée au petit matin, dans une brume épaisse.  » On se croirait en Irlande, pas en Espagne  » racontaient les coureurs pour décrire le paysage environnant. La panne de vent quasi totale (3 nœuds par endroit) a créé un regroupement et un nouveau départ au large du cap Finisterre, comme à l’aller sur l’étape 1. Mais après cet épisode incertain, le vent est rentré du Sud-Ouest et les spis ont éclos dans un jour blanc, noyé dans le coton d’une brume épaisse.

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Au pied des falaises
Jusqu’à présent, la course s’est jouée à la côte, Gildas Morvan (Cercle Vert) en chef de meute devant Yoann Richomme (DLBC), Jérémie Beyou (Maître CoQ), Morgan Lagravière (Vendée), Yannig Livory (Thermacote France) ou encore Armel Le Cléac’h (Banque Populaire). Mais à la vacation de la mi-journée, tout ce groupe commençait à sentir le vent mauvais de la redistribution générale. Les coureurs situés plus au large (Desjoyeaux, Delahaye, Loison, Meilhat, Biarnes entre autres) ont été les premiers à bénéficier du nouveau flux : à midi, ils naviguaient au grand largue dans 10 nœuds de vent quand les concurrents les plus à terre se retrouvaient vent arrière, avec moins de pression et déclenchaient les premiers empannages. Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), longtemps un des plus extrêmes près des côtes, semble avoir très bien négocié cette transition en se recalant au milieu des deux paquets, de même que Simon Troël (Les Recycleurs bretons), parfaitement inspiré sur cette étape 2, après ses déboires dans la Gironde.

En début d’après midi, la bagarre d’empannages était générale et rien ne semblait acquis sur le tortueux chemin qui mène vers les côtes cantabriques. Fallait-il arrondir le virage par le large pour trouver du vent plus fort ou aller chercher les effets côtiers à terre ? Sous l’influence d’une dorsale, le souffle de secteur Ouest-Sud Ouest faible et très instable en force, reprenait du coffre dès 15h pour 15-18 nœuds d’Ouest et devait atteindre 15 à 20 nœuds la nuit prochaine. Il y aura des hauts et des bas à l’anémomètre et au moral des troupes !
En tout cas, ce long virage espagnol pourrait être un des moments-clés de cette deuxième étape car Gildas Morvan (Cercle Vert) mène la troupe avec assurance et un coussin d’avance sur la meute de deux milles alors que les leaders vont déborder vers 17h30 la seule marque de parcours entre Porto et Gijon, les îles Sisargas, à l’entrée de la baie de La Corogne. A surveiller : l’option du jeune Simon Troël (Les Recycleurs bretons) qui après avoir suivi le sillage du  » géant vert  » a prolongé son bord vers le large et navigue en solitaire à l’extérieur du virage espagnol…

Ils ont dit :

Jérémie Beyou (Maître CoQ) :  » La nuit a été bonne : on était au près-bon plein sous génois et puis j’ai réussi à prendre la tête ce matin. Mais évidemment, le vent s’est cassé la gueule. En tête, on a balisé le terrain, puis on a eu une grosse période de molle que les autres ont contourné. On est sous spi dans 3/4 nœuds de Sud-Ouest. Il ne faut pas être premier, sauf sur la ligne d’arrivée ! On est dans le latéral du cap Finisterre pile-poil. Il faut se faire une raison, c’est un nouveau départ. Ça devrait forcir tranquillement, mais visiblement ça ne va pas tenir derrière. Ce serait bien que la loterie s’arrête, parce que deux fois d’affilée ça fait beaucoup. Le ciel est toujours plombé et je crois que ça va rester un bon moment comme ça ».

Simon Troël (Les Recycleurs bretons) : « Les départs se suivent et ne se ressemblent pas. Tant mieux ! On se croirait en Irlande : chape de plomb, grande falaise… mais non c’est l’Espagne. Il n’y a pas beaucoup de vent, je suis sous spi. Au vent, les mecs ne vont pas franchement plus vite que nous, mais ils ont eu une bonne phase tout à l’heure. J’étais bien avec Jean-Pierre (Nicol) et je suis allé dormir. Du coup il m’a mis un mille, mais j’ai la patate ! ».

Gildas Morvan (Cercle Vert) : « La vie n’est pas trop mal, ça pourrait être pire. On a retouché un peu de vent depuis deux heures. Ça vient de redémarrer tranquillement ce midi, on a 6,5 nœuds de Sud-Ouest et ça glisse tranquillement sous spi. On a un peu de houle de face, mais c’est pas mal. Pour l’instant ça va, mais il faut attendre quelques heures pour voir si c’est intéressant comme option. Normalement, avec le vent de Sud-Ouest, ce n’est pas trop mal à terre, il n’y a plus de tampon. C’est même une accélération. Je me suis assoupi un peu sur le pont cette nuit mais pour l’instant je n’ai pas dormi. Normalement on pourra dormir d’ici quelques heures, quand on sera rapide sous spi. Pour le moment, on est plutôt sur le qui-vive, c’est un moment clé de la course le cap Finisterre. Après ça parait un peu plus facile par la suite ».

Nick Cherry (Magma Structures) :  » Le vent change tout le temps, les positions changent tout le temps. Parfois c’est bon, parfois non. En ce moment, ce n’est pas génial pour moi mais j’espère avoir davantage d’options après. Je n’arrive pas à dormir, je n’ai pas du tout dormi hier soir. Ce midi, j’ai 5 nœuds de vent, je navigue sous spi et la mer est plate. Mais ça change tout le temps. Dans les heures à venir, je pense que ça va être plus ou moins les mêmes conditions, ça pourrait même devenir plus léger…  »

Anthony Marchand (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) :  » Les voiles se sont arrêtées de battre, c’est déjà pas mal. Après il faut essayer de bien se positionner, c’est le nerf de la guerre. A un moment, dans la bataille de virements de bord, j’étais bien parti et j’aurai pu en mettre un coup aux autres. Je ne l’ai pas fait et je regrette un peu. Après la bouée de dégagement, j’étais avec Jérémie (Beyou). On a voulu aller chercher la pression et au final on ne l’a pas eue. Maintenant, il va falloir bien comprendre où ça passe et réfléchir à des solutions. Pour l’instant je n’ai pas d’idée sur cette affaire. On continue à regarder l’évolution du vent. Ça ne sert à rien que je me concentre trop sur les concurrents, je fais ma route ».

David Kenefick (Full Irish):  » C’est un anniversaire plutôt humide, je vais avoir 22 ans aujourd’hui. Qu’est-ce que j’aimerais recevoir pour mon anniversaire ? Un peu plus de vent, un peu de soleil et j’aimerais bien rattraper quelques bateaux devant moi… C’est nuageux, il pleut et il y a très peu de vent, on ne voit pas grand chose, c’est horrible, ça ressemble à l’Irlande ! Hier j’ai pu me reposer un peu, mais je suis encore très fatigué parce que j’ai pris un mauvais départ et j’ai essayé de rattraper mon erreur. J’espère qu’il va y avoir un peu de vent. J’arrive à voir les autres bateaux autour de moi, presque toute la flotte, c’est très groupé.  »

Yannig Livory (Thermacote France) :  » Tout va bien pas de souci, une nuit un peu compliquée avec pas beaucoup de vent sur la fin et là je suis sous spi, tranquille, ça glisse bien. C’est très humide, pas mal de brouillard, le vent rentre un tout petit peu. Je ne sais pas si on peut voir des orques dans les parages mais je crois que j’en ai croisé une à 5/6 mètres du bateau. La brise est revenue par le large. Je ne suis pas très satisfait des efforts déployés cette nuit. On va voir un peu comment ça va évoluer, parce que ça a été un peu la loterie en milieu de nuit. Il faut rester vigilant. Mais ça va, ces conditions sont nerveusement fatigantes mais pas physiquement ».

Mathieu Girolet (Lafont presse) : « Ça va pas mal. Mon départ n’était pas très bon donc j’ai pris un peu les choses à l’envers, mais là on est en train de faire marcher, on va peut être se remettre dans le jeu. Dans les schémas qu’on avait, il y avait plus de vent à l’extérieur. Du coup on s’est décalé. On essaie de faire le tour par l’extérieur. Il y a 10 nœuds ce midi, on est sous spi. S’il y avait du ciel bleu, ce serait les vacances. Ce serait bien de pouvoir quitter la salopette de ciré. Normalement ça devrait mollir et je pense que c’est là qu’on va voir que l’AIS change le jeu, parce qu’on va voir les petits copains alors qu’avant on n’aurait rien vu du tout. Je n’ai pas été très consciencieux la nuit dernière sur manger et dormir, je vais essayer de faire ça aujourd’hui « .

Claire Pruvot (Port de Caen Ouistreham) : « On commence à voir un peu tous les bateaux donc c’est mieux. II y a encore une petite bruine bien humide et du coup peu de visibilité. Là on se retrouve tous à la côte et j’étais en train de me poser la question de savoir si j’empannais ou pas. On a 7/9 nœuds de vent ce midi, ce n’est pas énorme, mais ça suffit à avancer un petit peu. Ça bouge pas mal et ce n’est pas de la route directe, donc on va enchaîner les empannages. Ce n’est pas le moment d’aller se coucher. J’ai beaucoup dormi cette nuit, mais vraiment beaucoup. Je suis juste à côté de Corentin Horeau, Maître CoQ a empanné et Banque Populaire est devant moi. On est tous dans un mouchoir de poche…  »

Thomas Ruyant (Destination Dunkerque) :  » Il y a des hauts et des bas. Ce matin ça allait bien et là ça va un peu moins bien. Ce matin, je pense que j’étais en deuxième position avec Jérémie et en une heure de temps ils nous ont fait le coup du sombrero. Les cartes ont été redistribuées. Là je vais essayer de retrouver une paire de rois ! Pour l’instant, j’essaie de faire un peu l’intérieur pour le passage du cap Finisterre mais c’est une option qui me semble un peu risquée parce que le vent à venir est du Sud-Ouest à Ouest et ça peut tamponner. Je pense qu’au niveau de La Corogne, je vais m’écarter un peu parce que ça peut tamponner fort. J’ai Armel (Le Cléac’h) et Jérémie (Beyou) autour de moi qui essaient de s’en sortir comme moi. C’est un peu dur de cravacher, stratégiquement de faire ce qu’on veut, d’aller vite, et en une heure de temps, de tout perdre. Un peu comme sur la première étape. Je garde le moral. J’ai bien dormi cette nuit, bien mangé : du coup je suis plutôt en position d’attaquant pour essayer des trucs ».

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RivaCom

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