Les caprices d’un fleuve

© Alexis Courcoux

En lançant le départ de la première étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire devant le port de Pauillac, il fallait s’attendre à quelques rebondissements dès les premiers milles de cette longue descente (536 milles) vers Porto. Si Jérémie Beyou (Maître Coq) prenait le meilleur départ, le leadership était contesté en permanence sur cet aller-retour sur la Garonne, prélude à la sortie de l’estuaire de la Gironde.

Le stress de l’abordage et l’angoisse de percuter un tronc d’arbre ont vite laissé place à l’impératif de s’extraire au plus vite de la Garonne. Les 41 solitaires n’ont pas ménagé leur peine pour se placer au mieux sur la ligne de départ mouillée deux milles dans le Sud du port de Pauillac. Au louvoyage contre le courant de marée montante qui ralentissait de deux bons nœuds la progression vers le Nord, les concurrents ont rapidement dû choisir leur camp : soit le long des rives Nord où Jérémie Beyou, le plus prompt au coup de canon, menait le pack, soit à raser les joncs des rives Sud où Frédéric Duthil (Sepalumic) tirait des bords en compagnie de Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) et Gildas Morvan (Cercle Vert).

Petite brise de Nord

Un long louvoyage jusqu’au Verdon d’environ 25 milles, voilà ce qui attendait les solitaires qui devaient auparavant effectuer un aller-retour devant Pauillac. Et au bout de deux milles à tirer des bords le long des berges, Frédéric Duthil enroulait le premier la bouée de dégagement, suivi de près par Jean-Pierre Nicol et le Britannique Nick Cherry (Magma Structures). Mais la flotte restait compacte et c’est lors de l’envoi du spinnaker au pied des digues du port Pauillac où s’étaient amassées des centaines de spectateurs enthousiastes que le peloton s’étirait derrière Frédéric Duthil au contact avec Jérémie Beyou, Jean-Pierre Nicol, Paul Meilhat (Skipper Macif 2011)…

Trois milles à courir sous spinnaker avec un ou deux empannages à effectuer en tentant de rester le plus possible dans les veines de courant portant. Mais un fleuve est capricieux et les coureurs avaient une nouvelle fois le choix de la rive à suivre ! Paul Meilhat repartait vers les abords boisés du Nord avec Jean-Pierre Nicol tandis que Jérémie Beyou avec Gildas Morvan, Adrien Hardy (Agir recouvrement), Yoann Richomme (DLBC) et le « bleu » Simon Troël (Les recycleurs bretons) partaient vers les pieds de vigne de Pauillac.

L’option était payante puisque les partisans des vignobles croisaient en même temps les deux échappés partis vers les bois… En revanche derrière, le peloton commençait à s’étirer sur plus d’un mille quand il fallut passer une deuxième fois à raser les carrelets des pêcheurs et les digues du port de Pauillac. La brise de Nord restait axée sur la Garonne et presque toute la flotte optait alors pour de petits bords le long des rives des grands crus.

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Une touchette sans gravité

Mais à force de jouer avec les rives, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) percutait une épave près de la bouée n°51 : le solitaire constatait que plusieurs varangues (renforts structurels de fond de coque) avaient été abîmées et que le monotype faisait un peu d’eau par la quille. Sans gravité, puisque le skipper continue sa route vers Porto.

Au dernier pointage possible quand la flotte dut parer la bouée n°38 à proximité du banc de Saint-Estèphe, Paul Meilhat menait toujours le bal suivi de près par Jérémie Beyou, Jean-Pierre Nicol et Gildas Morvan. Mais la plus spectaculaire remontée était le fait de Michel Desjoyeaux (TBS) qui pointait alors à la 5ème place alors qu’il était en milieu de flotte lors de l’envoi de spinnaker une heure plus tôt !

Le triple vainqueur de La Solitaire du Figaro devançait Frédéric Duthil, Adrien Hardy, Thierry Chabagny (Gédimat), Vincent Biarnes (Prati’Bûches) et le premier Britannique Nick Cherry alors que Simon Troël restait le premier « bizuth » de la flotte à la 13ème place et à moins de quatre minutes du leader.

Les 41 solitaires avaient encore une bonne vingtaine de milles à parcourir avant d’atteindre la pointe de Grave, obliquant ainsi au Sud-Ouest pour aller virer la dernière marque de parcours, la bouée Radio France mouillée à proximité du phare de Cordouan. Ils étaient attendus à ce passage clé vers 18h30, soit une bonne heure avant la renverse dans une brise de secteur Nord-Nord Est d’une douzaine de nœuds. Un long bord vers le cap Finisterre à plus de 350 milles des étraves était ensuite au programme dans un vent forcissant jusqu’à 15 nœuds en milieu de nuit et jusqu’à 35 nœuds à l’approche du cap Ortega !

Passage de la bouée n°38 (15h15) à 23 milles de la pointe du Verdon
1-Paul Meilhat (Skipper Macif 2011)
2-Jérémie Beyou (Maître Coq)
3-Jean Pierre Nicol (Bernard Controls)
4-Gildas Morvan (Cercle Vert)
5-Michel Desjoyeaux (TBS)
6-Frédéric Duthil (Sepalumic)
7-Adrien Hardy (Agir recouvrement)
8-Thierry Chabagny (Gedimat)
9-Vincent Biarnes (Prati’Bûches)
10-Nick Cherry (Magma Structures) 1er étranger
11-Armel Le Cléac’h (Banque Populaire)
12-Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012)
13-Simon Troël (Les recycleurs bretons) 1er bizuth

Ils ont dit…

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire)
« Le départ devant Pauillac va être sympa mais il reste le stress des troncs d’arbre qui descendent la Garonne… C’est la nouveauté depuis deux jours à cause de la crue du fleuve en amont. Il ne faudra pas casser du matériel. Ça va aller vite dans le golfe de Gascogne mais la transition espagnole sera compliquée : je ne suis pas sûr que le virage après le cap Finisterre s’annonce aussi simple qu’annoncé ! Comme souvent, il n’y aura pas de position d’attente dès le coup de canon ; il faut être dans le groupe de tête pour profiter du renforcement du vent par devant jusqu’au virage… »

Thierry Chabagny (Gedimat)
« On va transpirer un peu au début, avec pas mal de virements, beaucoup de courant, des bouts de bois, des concurrents dans un espace réduit. Ça va monter en pression sur la ligne de départ. Avec les hélicos, on ne va rien entendre donc, un moment assez intense.
Le palpitant va bien monter. Après, ce sera le jeu de la régate : un petit bord de près, un petit bord sous spi, puis à nouveau du près. Il faut vraiment être concentré sur la première partie, il y a beaucoup de bouées à respecter. »

Frédéric Duthil (Sepalumic)
« Déjà, on part avec du beau temps, sous le soleil. Et ça, c’est bien ! Traverser le golfe de Gascogne au portant, c’est quand même exceptionnel aussi. Je pense qu’il y aura un resserrement de la flotte au cap Finisterre et à partir de là, des options qui vont se dessiner : raser la côte ou faire le tour de cette petite bulle dépressionnaire qui nous amène du vent faible. La question n’est pas simple, car faire le tour nécessite un gros investissement en termes de milles. Mais ça va être intéressant et au final ça peut générer des écarts non négligeables. Car on termine dans peu de vent. »

Xavier Macaire (Skipper Hérault)
« On va avoir une première partie stressante, un peu difficile avant d’être lâchés dans le golfe de Gascogne. Là, la pression va s’envoler et on va se sentir bien en mer. On va être sous spi, dans de super conditions, avant une fin de parcours compliquée qui nous attend, avec des risques de rebondissement. Il faudra bien suivre l’évolution météo et avoir du feeling. Il y a une petite partie que je vais apprécier, je pense : ce sera dans le vent fort, sous spi au cap Finisterre. J’aime bien ça quand ça va vite, quand il faut bien gérer le bateau et le bonhomme. »

Source

RivaCom

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