Poissons d’avril

© Alexis Courcoux

Ca accélère ! En tête de flotte de la Transat Bretagne – Martinique, les vitesses moyennes frôlent les deux chiffres au compteur. L’alizé, comme prévu, se renforce sur la dernière ligne droite. Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer) maintient l’écart avec ses poursuivants, Gildas Morvan (Cercle Vert) et Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012). Tandis que la bataille fait toujours rage entre Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Yoann Richomme (DLBC – Module Création) et Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance). Ces trois marins cravachent pour la quatrième place, rien n’est encore joué. Aujourd’hui, comme par hasard, les solitaires nous ont raconté des histoires de mer… et de poissons. Un festival en plein Atlantique !

« C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ». Du Michel Audiard dans le texte, et ce ne sont pas des paroles en l’air. Entre les vacations du matin et les petits messages internet, les solitaires aiment partager. Les bizuths racontent leurs états d’âme parce qu’ils vivent leur première grande aventure, les vieux briscards font de l’humour, se perdent dans des considérations techniques parfois déroutantes pour un terrien. « Le téléphone, c’est sympa, mais j’aimerais bien parler à quelqu’un en vrai…» avouait Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir). En ce quinzième jour de course, le benjamin de la flotte commence à trouver le temps long. Malgré les réglages des voiles, les longues heures passées à la barre, l’étude des fichiers météo, les siestes, une vie de marin solitaire n’a évidemment rien de très social. Alors, comprenez qu’ils aient besoin de faire des phrases… Notamment, ce premier avril, parce que c’est visiblement le jour des poissons au milieu de l’Atlantique ! « Paf ! Je me prends un truc en pleine figure ! Surpris, je suis un peu sonné et ne réalise pas tout de suite ce qui vient de se passer…. Vous devinez ? Je viens de subir l’attaque d’un poisson volant kamikaze! Il aurait au moins pu crier « banzaï » avant de s’écraser !» raconte Arnaud Godart-Philippe (Régates Sénonaises). Adrien Hardy en plein duel avec Yoann Richomme n’a pu s’empêcher de nous faire part de son insolite rencontre ce midi : « Lors de mon dernier quart à la barre, alors bien fatigué, un poisson peu commun est venu jouer dans les vagues d’étrave. J’ai pensé à un dauphin, car il était de la même taille. Ses lignes étaient magnifiques, la partie inférieure était composée d’écailles très brillantes. Il n’est resté que quelques secondes. J’avais déjà entendu parler de ça dans un bouquin, une espèce rare que peu de marins ont la chance de voir… ».
Derrière les classements et la régate, la volonté farouche de faire un bon résultat, cette transatlantique en solitaire à armes égales reste une aventure. De la tête de course à la queue de flotte, chaque marin aura des histoires à raconter une fois le pied posé à terre. C’est aussi ça qu’ils sont venus chercher…

Les cinq premiers à 16 h

1 : Armor Lux – Comptoir de La Mer (Erwan Tabarly) à 1 343,08 milles
2 : Cercle Vert (Gildas Morvan) à 38,72 milles
3 : Skipper Macif 2012 (Fabien Delahaye) à 68,10 milles
4 : Agir Recouvrement (Adrien Hardy) à 115,18 milles
5 : DLBC – Module Création (Yoann Richomme) à 128,01 milles…

Ils ont dit :

Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012)

« J’ai passé une très bonne nuit. Le vent bouge un peu, mais jamais trop fort avec un angle entre le vent arrière et le grand largue. Il fallait être attentif mais prendre du temps entre chaque pour se reposer. Le pilote passait bien. J’ai pu dormir jusqu’à ¾ d’heure d’affilée, je fais des bonnes siestes répétées qui permettent d’être bien reposé. Il fallait compenser cette nuit. Gildas n’est pas loin, derrière ça glisse aussi un peu. C’est dur à dire niveau positionnement, je ne suis pas mécontent, mais je vais surveiller Adrien derrière. Je suis plutôt bien, je dois faire avancer le bateau. Depuis une semaine, on est sur un long tribord pour être performant. J’avais mal aux mains depuis le début de la course, je crémais beaucoup. Depuis 2 /3 jours j’ai récupéré entièrement mes mains, donc c’est une bonne nouvelle. Pas de bobo et bien reposé ! »

Adrien Hardy (Agir recouvrement)

« Je suis tout de même content de mon positionnement. Je veux être dans le sud, pas plus au nord et surtout être entre lui et l’arrivée. Je ne veux pas trop de décalage, ni être à la ramasse. On voit que l’erreur de l’autre jour lui a coûté cher. Les coups peuvent arriver très vite ! J’étais surpris d’avoir gagné autant, il y a tout de même des moments qui passent de 10 à 22 nœuds, le vent peut doubler en force. Les compromis sont différents. Ce sont des petites choses qui peuvent faire la différence. Nous sommes dans une configuration de duel. J’essaie de créer des décalages avec Yoann. »

Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance)

« Il fait encore nuit, ça commence tout juste à se lever. Cette nuit, c’était un peu galère, je n’avais plus de pilote, je ne voulais pas lâcher donc je me suis un peu mis dans le rouge. Au final, ça va mieux. Le problème est résolu. J’ai passé tout le temps à la barre cette nuit. J’ai du intervenir sur le système. C’était un bug, j’ai du mettre le second pilote, mais de nuit c’était un peu compliqué pour naviguer. Le vent bougeait beaucoup. Je pense que les bateaux vont commencer à s’écarter un peu, des choix vont se faire et je parle surtout en latéral. On verra le résultat vers la fin. J’ai Adrien et Yoann en photo sur la table à cartes ! Fabien, je le surveille, mais en étant objectif, s’il ne rencontre pas de souci technique il restera devant. Il faut absolument que je me concentre sur Adrien et Yoann. »

Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste)

« Je suis toujours d’attaque, ça va bien. Hier, je me suis aperçu que je n’avais plus de gaz, j’ai dû avoir une fuite de gaz à l’arrière du cockpit et là ça y est je n’ai plus de gaz, donc terminés mes petits plats chauds ! Mais ça va, ça aurait pu arriver plus tôt. On n’est plus très loin de l’arrivée, il me reste des bricoles je vais tenir comme ça. Mon antenne VHF était plus ou moins délogée, elle fait des ronds dans tous les sens, je n’ai plus de VHF, mais ce n’est pas trop gênant, le plus embêtant c’est si elle tape dans ma girouette anémomètre là-haut, j’espère qu’elle ne va pas le gêner trop. Je ne suis pas très fan de monter en tête de mât avec la mer qu’il y a. Pour le moment ça le fait et je verrai comment ça évolue. »

Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir)

« J’essaie de passer sur un autre rythme, j’essaie d’être dessus à bloc. Je me dis que je peux revenir s’il y a des grains. J’aimerais bien me décaler un peu de Simon pour essayer quelque-chose. Je dors dans le cockpit ainsi je veille sur le spi. Je n’ai pas de réveil, il ne marche plus c’est un peu galère mais puisque je suis bien sur le bateau, dès que quelque chose ne va pas ça me fait sursauter et réagir. Je fais des petites siestes de 10 minutes. La journée, c’est mieux à l’intérieur car le soleil frappe fort. Je suis toujours en collants et manches longues, pas en short car je ne veux pas attraper de coups de soleil. Finalement ça ne va pas être du tout droit. J’ai pris quelques milles à Simon, on ne sait jamais, Damien est aussi décalé, j’ai peut-être encore une chance avec lui. Je pense que ça peut être un beau finish à trois. »

Source

Rivacom

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