Garder ses cartouches

© Alexis Courcoux

La situation sur l’eau est toujours très instable pour les solitaires de la Transat Bretagne – Martinique. Le vent passe violemment de 17 à 27 noeuds et oscille de 30° à une fréquence qui s’est même intensifiée depuis hier. Les sorties de pistes ne sont pas rares mais la hantise des marins dans ces conditions « shifty », comme ils disent, c’est surtout de déchirer un spi. Car à moins d’une semaine de l’arrivée, et alors que moins de 100 milles séparent les six premiers, pas question de créer le moindre handicap.

« C’est pire encore que la nuit d’hier ! » lâchait Erwan Tabarly, ce matin à la vacation de 5 heures. « Le vent prend 30° en 10 secondes et forcit de 10 nœuds dans le même laps de temps » rapportait, en effet, le skipper d’Armor Lux – Comptoir de la Mer. Pour les grandes glissades tranquilles dans les alizés, on repassera. Ce que vivent en ce moment les solitaires de la Transat Bretagne – Martinique n’a rien d’une sinécure. Il faut être dessus, surveiller les réglages en permanence. Les phases de sommeil sont les plus courtes possibles et lorsque l’on est à l’intérieur, on est prêt à bondir sur les écoutes pour éviter que le bateau ne se couche ou se mette travers à la piste. « Il faut régler constamment. Souvent, le bateau part en vrac ou se retrouve plein vent arrière. Le piège, c’est de croire que parfois c’est plus tranquille. C’est tellement violent quand ça arrive ! Impossible de dormir sur ses deux oreilles en ce moment » a avoué le leader. A bord des Figaro Bénéteau 2, tous sont donc sur le qui-vive. « Plus que les départs au tas, ce qui nous fait peur, c’est la casse matérielle » a indiqué Gildas Morvan. De fait, lorsque le vent refuse, le spi se met à faseiller et le risque qu’il se déchire est important.

Autant le dire, avec 1 500 milles restant à parcourir au portant, la perte de cette voile d’avant serait une sacrée tuile. « On regarde régulièrement s’il n’y a pas d’accrocs à cause des barres de flèche. C’est clair que l’on porte une attention vraiment particulière à cette voile même si on en a de rechange. Mieux vaut garder toutes ses cartouches pour finir » a souligné le skipper de Cercle Vert. Si la vigilance est de tous les instants pour lui et ses adversaires, il leur reste un avantage de taille : la vitesse. Tous les Figaro Bénéteau 2 déboulent, ce lundi, entre 8 et 10 nœuds de moyenne. « Ca drope, c’est bien. Le vent devrait même se renfoncer à partir de demain » a commenté le géant de Landéda, qui s’attend également à ce que le vent adonne d’ici 24 heures et relance le jeu. « Pour l’instant, on est sur un bord tribord obligatoire. Tout ce qu’on peut faire, c’est abattre ou lofer de quelques degrés pour créer des décalages en latitudes qui demeurent faibles » a-t-il ajouté. De fait, lui et les autres font actuellement route vers la Martinique sur un bord un peu serré mais des opportunités de produire des écarts plus significatifs en latéral devraient bientôt se présenter. Patience.

Ils ont dit :

Erwan Tabarly – Armor Lux – Comptoir de la Mer :

C’est pire que la nuit dernière, c’est très oscillant. J’ai eu des bascules de 30° en même pas 10 secondes avec un vent qui forcit de 10 nœuds. Du coup, il faut sortir vite car tu peux avoir le bateau en vrac. Il faut régler. J’ai pu dormir un peu mais pas beaucoup et par tranches très courtes, il faut régler sans cesse j’espère que ce sera plus calme dans la journée que l’on puisse se reposer un peu. J’avais 28 nœuds, j’étais à la barre, là, je suis rentré. Il faut éviter de faire un accroc dans le spi mais à part ça, ça avance et c’est la bonne nouvelle. Ca va se renforcer jusqu’à l’arrivée. Difficile de savoir combien il va y avoir de vent car on a des rafales jusqu’à 26 nœuds, mais ça va débouler. On est en tribord amure, de temps en temps même un petit peu serré. Nous n’avons pas fait d’empannage du tout. Le vent risque d’adonner aujourd’hui et demain. On va rester plus ou moins haut mais il n’y aura pas d’empannage aujourd’hui à moins que le vent ne change par rapport à ce qui est indiqué.

Gildas Morvan – Cercle Vert :

 Je ne sais pas ce qui se passe, un de nous n’a pas payé la facture et le soir c’est black out ! C’est noir noir ! On ne voit rien, même pas les voiles. Le point positif, c’est que ça amène du vent. Il y a plus de bascules. Hier, c’était compliqué, nous étions au largue, le bateau était couché. Il fallait barrer et c’était un peu difficile. La journée ça se passe bien mais la nuit on ne peut pas dormir donc c’est un peu fatigant. Par rapport aux modèles, ce n’est pas trop mal, on sait un peu ce qui va arriver. Nous aurons plus de vent pour accélérer. On ne peut pas empanner, le vent est au 60 par moments donc tu peux faire un peu plus de sud ou bien de nord. Tu peux simplement ajuster ta trajectoire. Il faut faire attention au matériel, c’est ça qui me fait peur. Si tu n’as pas le temps d’abattre, « clac » tu peux déchirer un spi ! Régulièrement je surveille, le spi, la grand-voile. On a quand même 2 spis de rechange mais il vaut mieux garder ses cartouches pour la suite.

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Rivacom

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