Bientôt le clignotant à droite…

© Richomme Yoann

Attention, l’embranchement de l’autoroute des alizés ne devrait plus tarder. Les solitaires vont bientôt quitter la nationale touristique qui leur fait raser les côtes africaines. Pour l’heure, Gildas Morvan (Cercle Vert) semble vouloir faire une pause kite-surf à Dakhla, spot marocain bien connu des aficionados. Et Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) a visiblement des envies de tourisme à Boujdour, sa corniche et son phare… Amusés par leur situation rocambolesque, les pêcheurs et la faune qu’ils rencontrent, les skippers ne cachent pourtant par leur impatience de faire route vers La Martinique. Tout comme les nordistes, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) et Arnaud Godart-Philippe (Régates Sénonaises) qui ont fini par mettre le cap au sud pour rejoindre leurs petits camarades de jeu.

L’ambiance sur l’eau n’a rien d’une transat en solitaire. Les marins naviguent toujours en zone côtière, entre les bateaux de pêche, les oiseaux, les dunes et les falaises qui défilent sur leur bâbord. A quand les surfs endiablés au beau milieu de l’Atlantique, le coucher de soleil devant l’étrave, la sensation d’être seul au monde ? Il va quand même falloir un jour mettre le clignotant à droite et faire route vers le but fixé depuis le départ : La Martinique !
Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de La Mer) est prêt, paré à pousser la barre et filer dans les alizés. Avec une cinquantaine de milles d’avance sur ses deux poursuivants les plus proches (Fabien Delahaye – Skipper Macif 2012, et Gildas Morvan), Erwan devrait dans quelques heures se décaler enfin vers l’ouest. Derrière, ça régate serré, ça tente des coups, ça observe les bascules de vent, pour ne pas se laisser distancer. « J’ai empanné, j’ai fait un super bon bâbord puis j’ai pris une bonne gauche à la pointe. Je l’ai eu et ça s’est avéré payant. » racontait ce matin Fabien Delahaye. Traduction du jargon de régatier : un bon bord de vitesse grâce au vent qui s’est renforcé près de la côte. Clairement, nos figaristes ne sont pas là pour faire du tourisme… Les duels dans la régate ne se lâchent plus d’une semelle. Gildas Morvan scrute du coin de l’œil Fabien Delahaye, Adrien Hardy (Agir Recouvrement) se lance à la poursuite de Yoann Richomme (DLBC – Module Création), Simon Troël (Les Recycleurs Bretons) a pris 10 milles à « l’espoir de toute la Bretagne » comme il dit, c’est-à-dire à Corentin Horeau. On a beau être potes « à la ville », en régate on ne se fait pas de cadeau.
Pendant ce temps-là, Damien Guillou et Arnaud Godart-Philippe sont à la peine. Il faut bien l’avouer, leur option n’est pas payante. Ils passeront probablement derrière le gros de la flotte. Mais, il ne faut jamais jurer de rien, la route est encore longue de plus de 2 400 milles… Eric Baray prend lui aussi son mal en patience. Dans deux jours, il devrait atteindre la latitude des Canaries et enfin envoyer son spi… configuration qu’il gardera jusqu’à La Martinique. Pour le skipper de Tektôn – AGM/Région Martinique, cela commencera à sentir le tout début du retour à la maison. C’est bon pour le moral !

Les cinq premiers à 16 h :

  1. La Solidarité Mutualiste (Damien Guillou) à 2 438,79 milles de l’arrivée
  2. Régates Sénonaises (Arnaud Godart-Philippe) à 33,30 milles
  3. Armor Lux – Comptoir de la Mer (Erwan Tabarly) à 140,10 milles
  4. Skipper Macif 2012 (Fabien Delahaye) à 179,60 milles
  5. Cercle Vert (Gildas Morvan) à 184,51 milles…

Ils ont dit :

Gildas Morvan (Cercle Vert)

« Je pense qu’il faut vraiment rester proche de la terre. Cet après-midi, il y aura plus de vent, je pense. On ne mettra pas tout de suite le clignotant à droite, on va continuer un peu la descente. La nuit, on essaye de dormir, et puis il y a les pêcheurs… Doucement on a tourné à droite. Il y a beaucoup de vie, beaucoup d’oiseaux, de dauphins … et puis ça chasse de partout donc il doit y avoir beaucoup de poissons là-dessous. C’était dur, je pensais avec mes deux bonnes nuits que j’allais récupérer, mais en fait cette nuit j’étais encore fatigué. J’avais du mal à me réveiller. »

Yoann Richomme (DLBC – Module Création)

« Je vais bien. Il y avait beaucoup de pêcheurs cette nuit, une centaine au moins ! Un moment, j’ai compté autour de moi, il y en avait 30 ! C’était intense, il y avait peu de vent, nous n’allions pas vite donc il y avait peu de risques de collision. Il fallait tout de même surveiller. Là, une bande nuageuse nous est passée au dessus donc c’est couvert. On approche du point de sortie du continent africain, on est sur les fichiers pour voir la suite. Je n’ai plus d’AIS ni de VHF car j’ai perdu l’antenne. Je ne me suis pas dérouté une seule fois c’est pas mal ! Je faisais des siestes de 10 min pour toujours être en alerte. C’est probablement la dernière fois que l’on va voir du monde avant la grande traversée. »

Adrien Hardy (Agir Recouvrement)

« Tout va bien, je ne resterai pas longtemps au téléphone car je suis au milieu des pêcheurs. Ce sont des conditions sympas. Le soleil est levé depuis deux heures, la mer est calme et il y a 10 nœuds de vent. Il y a des gros chalutiers qui sont plus gros que chez nous. Ca part en pêche à cinq nœuds. L’intérêt de longer la côte est d’avoir un peu plus de vent. On ne fait pas la route directe mais nous n’avons pas le choix. Il faut avancer à des vitesses pas trop faibles. L’idée est d’avoir un peu de vent. La stratégie est simple, il n’y a rien à attendre d’extraordinaire. Je ne suis pas loin de Yoann Richomme (DLBC – Module Création) mais je compte me rattraper aujourd’hui. Je ferai de l’ouest cet après-midi je pense, il ne faut pas trop précipiter non plus mais ce sera fait aujourd’hui. »

Arnaud Godart Philippe (Régates Sénonaises)

« Ca va j’ai dormi car j’avais mal aux côtes. J’ai viré hier pour descendre dans le sud. Je suis un peu dans le gaz ce matin. Il fait beau et chaud, il y a 20 nœuds de vent là, je suis tribord. J’ai passé ma journée d’hier à attendre du 240 qui n’est jamais venu pour redescendre et j’ai fini par virer par dépit, je ne suis pas passé par le nord de l’anticyclone. Pour le moment au niveau de mes réparations dans la grand-voile ça tient. Il y a pas mal de patchs, il faut que les éléments importants collent mais ça tient pour l’instant. Je n’ai pas eu à affaler en catastrophe et de toute façon il ne faut pas que ça arrive ! La route envisagée c’est un peu de lutter contre le nord de l’anticyclone. Il y avait une porte a priori là sur les fichiers mais pour l’instant ça ne va pas trop car ça ne correspond absolument pas à la réalité. »

Anthony Marchand (Bretagne – Crédit Mutuel Performance)

On va mettre le clignotant d’ici 2 jours environ. Le vent et la pression sont assez compliqués. En régate, on surveille à vue, ce qui est autour de nous. Je me demande s’il y a plus de vent à la côte, à 5, 16 ou 30 milles ? C’est compliqué à jouer. J’essaye de bien réfléchir à ça. J’ai un peu la bible de Jean-Yves Bernot sur l’ordinateur … mais on n’a pas trop de choses sur le long de la côte africaine. Je suis pas mal à la table à cartes, c’est ce qui rythme nos journées. C’est pas mal de ne pas avoir d’infos la nuit, ça met un peu de piquant, un peu de stress, c’est un peu la découverte le matin, pour voir si ça a marché ! On fait pas mal de bureautique, car on passe du temps sur l’ordinateur. Si on n’avait pas de positions, ce ne serait pas le même jeu ! »

Source

Rivacom

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