Gagner doucement dans l’ouest

© Alexis Courcoux

La flotte de la Transat Bretagne – Martinique continue de filer sous spi à bonne vitesse le long des côtes africaines, poussée par un vent de nord-est de 15-20 noeuds. Les conditions sont donc idéales pour les solitaires dont la plus grande difficulté cette nuit a été de « slalomer » entre les bateaux et les casiers de pêcheurs. Reste cependant la même problématique qu’hier : à quel moment mettre le clignotant à droite ? Si la situation est bien différente à l’ouest, Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) et Arnaud Godart Philippe (Régates Sénonaises) aimeraient, eux aussi, mettre un peu plus d’ouest dans leur route aujourd’hui.

« Ca glisse bien et c’est franchement agréable. Ma moyenne cette nuit a été de 9,1 nœuds, ce qui est une belle vitesse en Figaro Bénéteau », commentait Erwan Tabarly, à 5 heures ce matin, lors de la vacation officielle. De fait, les conditions au large du Maroc et du Sahara Occidental sont quasi parfaites : ciel dégagé, vent de nord-est soufflant entre 15 et 20 nœuds, train de houle dans le bon sens permettant aux bateaux de progresser sous pilote automatique en étant parfaitement stables. « C’est idéal. Les voiles sont bien pleines, le pilote fait le travail tout seul, il n’y a pas besoin de régler ni de relancer la machine. Tout est calé » se satisfaisait le skipper d’Armor Lux – Comptoir de la Mer. Toujours en tête de la flotte, à l’est, le Fouesnantais fait preuve d’une belle maîtrise depuis le départ et s’est même offert le luxe de creuser encore un peu l’écart sur son poursuivant direct, Gildas Morvan.

Des petits coups le long de l’Afrique

À la barre de Cercle Vert, ce dernier a tenté un petit décalage à l’ouest, à hauteur de Boujdour, avant de se raviser. L’opération ne s’est malheureusement pas révélée payante. Au contraire même puisqu’en plus d’avoir concédé une trentaine de milles au leader entre hier soir 19 heures et 5 heures ce mardi, le géant de Landéda s’est vu doublé par Fabien Delahaye qui a lui, réalisé un joli coup en passant à seulement deux milles de la côte et en bénéficiant d’un bon effet de pointe. « Je suis content, je suis bien revenu après avoir choisi de rentrer dans la baie (entre Laâyoune – Boujdour, ndrl). J’ai dû faire attention parce qu’à cet endroit, j’ai relevé des remontrées de fonds jusqu’à 8 mètres » racontait le skipper Macif 2012. Les hauts fonds n’ont cependant pas été la seule raison de sa vigilance. Et pour cause, dans cette zone côtière, les activités de pêches sont intenses. Les bateaux, les petites barques et les casiers – seulement signalés par des bouteilles en plastique – sont nombreux. « Il faire attention parce qu’ils sont curieux et se rapprochent très près de nous. Un homme a même tenté de me vendre son poisson », s’amusait Erwan Tabarly ce matin. Ces belles rencontres africaines, totalement inédites lors d’une transat, rythment un peu les journées des marins jusque-là surtout focalisés sur les classements et les fichiers météo. Néanmoins, la météo, c’est bel et bien l’activité incontournable du moment car si, pour l’heure, la meute poursuit se descente vers le sud, elle va bien être obligée de mettre le clignotant à droite et d’attaquer plus franchement la grande traversée.

Passage délicat en vue à l’ouest

À l’ouest, on aimerait bien aussi gagner un peu dans l’ouest aujourd’hui. Damien Guillou et Arnaud Philippe Godart, qui ont touché la bascule du vent au sud-ouest hier en fin de journée, progressent en direction du sud eux aussi, mais toujours au près. « Cela devrait adonner un peu dans la journée. Nous devrions ainsi mettre un peu d’ouest dans notre route et compte-tenu de l’écart en latéral que nous avons avec nos concurrents, le moindre petit degré gagné dans cette direction sera important » expliquait le skipper de La Solidarité Mutualiste tôt ce matin, pas mécontent par ailleurs d’afficher une vitesse comprise entre 6 et 7 noeuds. Mais pour lui et son acolyte, le plus délicat reste à venir. C’est prévu pour demain, au moment où ils vont passer au plus près de la haute pression. « A priori, ça passe » indiquait le Lorientais. Croisons les doigts.

Ils ont dit :

Damien Guillou – La Solidarité Mutualiste :

« Hier, ce n’était pas une journée facile car je n’arrivais pas à prendre la trajectoire que je voulais. J’ai donc du faire plusieurs virements. J’avais un clapot (que j’ai toujours d’ailleurs) qui me ralentissait beaucoup. J’étais au près serré. Je n’avais pas un super angle. J’ai touché la bascule que j’attendais en fin de journée. Ca devrait mollir un peu au niveau de la haute pression. Là, je fais du sud, tribord amure. Je suis toujours au près mais ça devrait adonner un peu dans la journée. Je vais mettre un peu d’ouest dans ma route. C’est aussi cela qui est un peu délicat parce que par rapport à la flotte, il y a tellement de latéral entre nous (350 milles) que le moindre degré que je peux gagner change la donne. J’espère continuer à avoir une route encore un peu plus au 190, j’espère que ca va venir. Je vais descendre, ensuite la haute pression va se décaler dans l’est et quand je vais passer j’aurais moins de vent. Je vais me retrouver dans le sud de cette haute pression, je serai au portant et quand je passerai au bord j’aurais moins de vent. Il ne faut pas que je reste coincé dedans sans vent car je ne pourrai rien faire. A priori c’est bon ça passe ! Il ne faut pas qu’elle se décale anormalement plus vite que prévu et ce sera bon. Maintenant, j’arrive à dormir. Avant c’était impossible, tu as toujours un œil sur ce qu’il se passe. Quand la route devient meilleure c’est un soulagement. »

Erwan Tabarly – Armor Lux – Comptoir de la Mer :

« J’ai avancé à 9,1 nœuds de moyenne cette nuit. Ce sont des belles vitesses pour des Figaro. C’était une belle nuit avec une pleine lune. On voit très bien aux alentours. Le ciel est dégagé. C’est une nuit qui glisse et qui est paisible. Je ne suis pas passé loin (à 5 milles) des côtes. J’ai croisé pas mal de pêcheurs et de barques. Une s’est approchée de moi, le gars voulait me vendre du poisson ! Ce sont des rencontres qui animent les journées. Je suis toujours en train d’étudier la météo. Pour le moment, ça se passe pas mal, je suis plutôt content. Nous verrons comment la suite se passera. Aujourd’hui, il y aura des empannages à faire pour continuer à descendre dans le sud pour essayer de faire au plus court. Il y aura un juste milieu à bien trouver. Plus ça va aller, plus on sera sud et un moment donné il n’y aura plus que de l’ouest à faire. Il reste une petite partie de côte à longer. Gildas a changé son fusil d’épaule, il est reparti pleine balle dans le sud. Ca me va bien, les autres restent dans mon axe derrière. Je regarde ça et c’est intéressant. J’ai vu des bateaux avec des VMG négatives il y a trois jours pendant plus d’une journée, c’était la météo qui voulait ça. On commence à avoir des VMG au-dessus de 2 ou 3 nœuds ça veut dire que l’on fait vraiment de plus en plus route vers la Martinique et heureusement. »

Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) :

« J’ai fait un bon coup hier ! C’était intéressant. J’ai eu une bonne bascule qui m’a permis d’avoir de l’air au passage de la pointe. J’ai croisé des pêcheurs. Ce sont des rencontres sympas. Passer à quelques mètres des petites barques en bois, dire bonjour aux gens… Ce que je retiens, c’est ça : des petites rencontres au milieu de nul part. J’ai empanné après le classement hier après – midi. Du coup, j’ai fait un super bon bâbord puis j’ai pris une bonne gauche à la pointe. Je l’ai eu et ça s’est avéré payant. On va retourner encore un petit coup à terre mais c’est la dernière journée. Dans pas longtemps, nous allons décrocher l’Afrique pour traverser en direction des Antilles. Il n’y a pas d’instabilité. On a un train de houle qui nous permet de ne pas mettre trop d’angle dans la barre. J’ai fait une bonne nuit, sous pilote. La seule difficulté, ce sont les pêcheurs. Ils n’ont pas l’AIS. Même si l’on veut les éviter, ils viennent au contact. Ils sont curieux et ce n’est pas facile d’évoluer avec eux. Hier, un gros bateau de 30 mètres est venu vers moi, je ne savais pas très bien où il allait. A bord, ils ont sorti les appareils photo et ils ont discuté avec moi. Le bateau était en ruine ! Sinon, je pensais que nous aurions plus chaud. Il fait humide, je ne quitte toujours pas la polaire, je ne m’attendais pas à ça mais ça ira en s’améliorant. »

Source

Rivacom

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