Faire le grand tour… ou pas

© Alexis Courcoux

Le gros de la flotte de la Transat Bretagne – Martinique, emmenée par Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer), progresse actuellement près des côtes africaines sous spi, dans une quinzaine de noeuds, et s’apprête à contourner les îles Canaries par l’est. Une trajectoire peu banale pour une transatlantique mais les solitaires n’ont pas beaucoup d’autres choix s’ils veulent éviter d’être trop freinés par l’anticyclone des Açores. Seuls deux coureurs ont décidé de mettre le clignotant à droite, hier en fin de journée, et ainsi tenter leur chance en traversant la dorsale. Le jeu est ouvert et les paris sont lancés.

Absent de plusieurs pointages ces derniers jours, la faute à des problèmes de balise, Erwan Tabarly est de nouveau classé et force est de constater qu’il a parfaitement su tirer son épingle du jeu ces dernières 48 heures. Ce dimanche, c’est lui qui ouvre la voie du sud avec plus d’une vingtaine de milles d’avance sur ses concurrents directs, Yoann Richomme (DLBC – Module Création) et Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012). Le skipper d’Armor Lux – Comptoir de la Mer ne cachait d’ailleurs pas sa satisfaction, ce matin, à la vacation de 5 heures mais restait, comme à son habitude, très concentré sur la suite des évènements.

Dans l’immédiat, lui et ses adversaires n’ont pas d’autre choix que de passer les Canaries par l’est pour contourner l’anticyclone des Acores. Positionné très bas actuellement, ce dernier oblige les marins de la Transat Bretagne – Martinique à faire « le grand tour ». En clair, il les pousse à rallonger considérablement la route en passant au plus près de l’Afrique d’abord, puis en descendant très au sud ensuite. « L’idée, en faisant ce détour, c’est de parvenir à conserver le flux de nord nord-est d’une quinzaine de nœuds que nous avons en ce moment pour passer sous l’anticyclone et enfin retrouver des vents stables et consistants » a détaillé Erwan Tabarly, pas mécontent de ses conditions actuelles de navigation. « Le vent a bien molli cette nuit et la mer, très formée à cause du vent ces derniers jours, se calme petit à petit. C’est paisible et ça fait du bien. Dans la journée, nous devrons gérer quelques zones de dévent à cause des îles. La première à négocier sera celle de Lanzarote en fin de matinée » précisait le Finistérien, indiquant par ailleurs qu’une fois les Canaries dans son sillage, il commencerait petit à petit à mettre de l’ouest dans sa route. Mettre de l’ouest dans leur route, c’est ce qu’ont décidé de faire dès hier en fin de journée Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) et Arnaud Godart Philippe (Régates Sonénaises). Une option radicale mais mûrement réfléchie par les deux hommes. « C’est tout sauf un coup de poker », justifiait le leader au pointage de 5 heures, à la vacation. De nombreux paramètres l’ont incités à prendre cette décision. En premier lieu, sa position très à l’ouest. « Stratégiquement, par rapport au reste de la flotte, j’avais une carte à jouer. De plus, certains modèles météo me donnent raison. J’ai un peu hésité puis j’ai tranché de façon un peu radicale, au dernier moment. C’est une option à long terme car si elle paie, ce ne sera pas avant quatre jours » a expliqué Damien. Le pari de couper le fromage est osé car si, pour l’heure, il avance au reaching un peu serré, poussé par 15 nœuds de vent, il risque de trouver les prochains jours plutôt pénibles puisque le vent va progressivement refuser puis s’effondrer. Sur l’eau, il faudra avoir les nerfs solides mais pour les observateurs, voilà de quoi pimenter le jeu !

Ils ont dit :

Erwan Tabarly (Armor Lux – Comptoir de la Mer) :

« Ca se passe pas mal ! Nous sommes un peu obligés de passer par Les Canaries pour aller en Martinique et nous sommes une majorité de la flotte à avoir décidé de passer par là. Je suis bien placé et du coup je suis assez content. J’ai des problèmes de balise donc je donne ma position de temps en temps. Nous avons tous l’intention, à part deux bateaux selon la cartographie, de vouloir passer par l’Est des Canaries pour contourner l’anticyclone des Açores qui est très bas. Il faut vraiment faire le grand tour. Quand on va passer près des îles, on va avoir un petit côté tampon. Lanzarote, ça va me rappeler de bons souvenirs. Pour moi, c’était l’arrivée de la première étape de la Mini 6.50 en 1999. Là, je suis sous spi. La mer est encore formée. C’est dû au vent d’hier, le bateau est un peu gigoté. La nuit est claire et le bateau avance relativement bien sous spi, c’est assez agréable. J’ai 15 nœuds de vent, j’avance à 8 nœuds. Ce sont des conditions paisibles par rapport aux dernières 48 heures. Nous avons dégusté avec du près et des claques où l’on passait de 25 à 45 nœuds. Ca faisait vraiment bizarre. C’était cauchemardesque. Je vais passer Les Canaries d’ici peu. Il y a pas mal d’îles à passer donc je pense que ça va me prendre l’après-midi. Je vais rester dans ce flux de nord-est. L’idée est de passer sous l’anticyclone et de continuer à descendre jusqu’à ce que le vent soit stable et consistant. On va faire du sud puis un peu d’ouest pour rejoindre la Martinique. »

Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) :

« J’ai fait un choix. Je l’ai fait d’un coup pour des raisons de météo et de placement par rapport à la flotte. Il y avait beaucoup de paramètres qui m’ont poussé à prendre cette option. Je l’ai prise au dernier moment. C’est une option à long terme car nous n’aurons le résultat que d’ici à quatre jours. Je suis au reaching, un peu serré et le vent est en train de mollir tout doucement, tranquillement. Là j’ai 15 nœuds de vent. J’ai toujours un peu de mer, le bateau tape un peu mais c’est beaucoup plus vivable qu’avant hier. J’en ai profité pour ranger l’intérieur du bateau, manger un plat chaud, c’était vachement bien. Le vent était stable et donc j’ai pu faire une bonne nuit de sommeil dont j’avais vraiment besoin. Je me dirige vers l’anticyclone, quand ça va refuser, je vais entrer dedans. Les modèles ne sont pas d’accord. C’est risqué ce que je fais. Je vais traverser la dorsale, je serai au près. Ce n’est pas un coup de poker. Je suis vraiment content d’être là, j’aurais eu des regrets de ne pas avoir essayé. J’ai vu qu’Arnaud Godart Philippe (Régates Sénonaises) était parti pareil que moi donc je me suis dis que je n’avais pas craqué, qu’il n’y avait pas que moi. Ce n’est pas plus mal d’être à deux. Nous verrons le résultat dans quatre jours. »

Source

Rivacom

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent

Les vidéos associées : Bretagne Martinique