Cap au sud !

© Alexis Courcoux

La fin de journée, hier, a été particulièrement difficile et pénible. Au passage de front, comme on s’y attendait, le vent est monté encore d’un cran pour dépasser les 50 noeuds dans les claques. Des conditions dantesques dans lesquelles le mode survie a souvent pris le pas sur la course elle-même. Heureusement, à partir du milieu de nuit, la situation s’est progressivement améliorée. Ce matin, les solitaires de la Transat Bretagne- Martinique progressent désormais dans 25 noeuds de vent et font cap au sud.

Si les conditions météo étaient déjà franchement sportives, hier en milieu de journée, elles se sont encore dégradées aux alentours de 16-17 heures, au moment du passage de front. Le vent a en effet fraîchi subitement, une heure avant la bascule à l’ouest. « Au plus fort, il y a eu 50 nœuds de vent. J’ai même relevé jusqu’à 57 nœuds dans les rafales. La mer était blanche, ça fumait de tous les côtés. Je n’avais jamais vu ça », commentait Damien Guillou, ce matin à la vacation. C’est pourtant dans ces conditions monstrueuses que le skipper de La Solidarité Mutualiste a été obligé d’effectuer un virement de bord pour suivre la rotation du vent. « C’était vraiment délicat. J’aurais aimé viré un peu plus tôt mais c’était impossible. Manœuvrer dans du si mauvais temps, c’est effrayant » a-t-il détaillé, rapportant par ailleurs faire route sous solent seul depuis près de 20 heures. « Ma grand-voile a été abîmée dans le coup de vent. Je viens de la démonter et de la rentrer dans le bateau afin de la réparer. J’ai ce qu’il faut pour le faire mais je dois réussir à sécher les points sur lesquels je veux travailler pour que ça tienne ».

Au même endroit et dans la même galère, Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) s’est avéré plus chanceux. Reste que si le benjamin de la course ne déplorait aucun petit pépin technique ce matin, il s’avouait très impressionné par ce qu’il venait de vivre : « Les vagues faisaient la taille du mât ! J’avais affalé la grand voile mais même en naviguant sous solent seul, le bateau fusait à 8 nœuds ». Pas beaucoup mieux pour leurs camarades de jeu positionnés un peu plus à l’est. Ces derniers ont également composé avec un vent très violent. Etonnement, par contre, ils n’ont pas viré beaucoup plus tard que les autres alors que l’on pouvait s’attendre à ce que, pour eux, la bascule au secteur ouest n’intervienne qu’en seconde partie de nuit. « Je navigue en tribord amure depuis hier en fin de journée. Le virement a été un enfer. Je me suis retrouvé avec la mer de face. J’ai passé deux heures à ne pas du tout savoir quoi faire et j’ai perdu un peu de temps. Heureusement, à présent, ça c’est calmé » racontait Yoann Richomme (DLCB – Module Création).

Ce matin, le soulagement est donc palpable à bord des Figaro Bénéteau 2. A l’ouest comme à l’est, on fait maintenant route dans une vingtaine de nœuds de vent, au reaching ou vent de travers selon le positionnement sur le plan d’eau. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est enfin vers le sud que l’on gagne. « Ca fait du bien au moral. On descend vers les Canaries. On va vers le beau temps » se satisfaisaient les trois marins joints ce vendredi à 5 heures. Pour eux comme pour leurs adversaires, les prochaines 48 heures devraient être plutôt rapides. Les milles devraient donc défiler assez vite. « Ce sera quasiment du tout droit mais il va y avoir un petit jeu intéressant de trajectoires et d’angles » promet Yoann Richomme.

Ils ont dit :

Corentin Horeau (Bretagne – Crédit Mutuel Espoir) :
« C’était bien coriace. Le pire, c’était hier en fin d’après-midi. J’avais 55 nœuds, avec des vagues qui faisaient la taille du mât, je n’ai jamais vu cela. J’avais affalé la grand-voile complètement, je n’étais que sous solent et je filais à 8 nœuds. J’ai voulu préserver la grand-voile. Il y a beaucoup d’air, beaucoup de mer, j’ai hâte que ça s’arrête, c’est un peu lourd. Mais sinon ça va. Faut pas trop s’arrêter sur le classement, on a un décalage intéressant mais je pense que les mecs du dessous ne sont pas trop mal placés. L’idée est de gagner dans le sud mais on a un anticyclone qui barre la route. Il faut passer dessous pour choper l’alizé. Il faut arriver au bon timing. Si tu arrives trop tôt, tu restes bloqué et les mecs reviennent derrière. Ca va être compliqué ce passage. Là, tout le monde prend le sud et c’est à celui qui va gérer le mieux. On vient de passer trois jours pénibles Tu as l’impression d’être en haut d’un col à vélo et que ça ne s’arrête plus. Tu as envie de tirer la barre et te mettre un peu au chaud. Là, j’ai un bon angle pour écraser, j’ai 30 nœuds de vent. Ca bombarde pas mal donc c’est bien. Mon but est de gagner le sud et d’avancer le plus possible dans cette direction. J’ai éclaté mon solent hier, en bas. Il tient arisé, je vais faire une petite trinquette de portant. C’était costaud. Si j’avais su, je n’y serais peut-être pas allé. Hier soir, je ne faisais pas le fier. »

Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) :
« J’ai un gros problème avec ma grand-voile. Elle a vraiment été abimé par le dernier coup de vent d’hier (elle l’avait déjà été sur le premier coup de vent). Du coup j’ai regardé et je ne peux plus l’envoyer, cette nuit ça a molli, il y avait 25 nœuds, je voulais remettre de la toile mais je n’ai pas pu. Je l’ai démonté et réparé à l’intérieur du bateau. Si j’attends des conditions sèches pour réparer sur le pont ca va être un peu long. Ca fait un moment que je navigue sans grand-voile, depuis toute la journée d’hier. Au plus fort hier j’ai eu plus de 50 nœuds. Dans tous les cas il y avait trop de vent, la mer était mer blanche, ça fumait, je n’avais jamais vu cela c’était impressionnant. Hier en fin d’après-midi, juste avant que je vire c’est monté d’un coup. C’était super fort une heure avant la bascule on ne pouvait pas faire grand chose sauf attendre. J’avais le solent, la grand-voile avancée sur sa bôme. Pendant une heure, une heure et demie je n’ai jamais eu en dessus de 45 nœuds. Max 57 nœuds de vent. J’ai viré vers 18 h TU hier. Par rapport a la flotte j’ai du virer dans les derniers et au moment du virement j’avais le plus fort de vent et donc c’était très délicat et effrayant. J’étais plus en fuite qu’autre chose, je me demandais commet j’allais sortir de cette histoire, ne pas casser. Je croisais les doigts pour que le bateau reste en état. J’aurais viré peut-être un peu plus tôt une demi-heure avant s’il n’y avait pas eu ce gros coup de vent. 25 nœuds actuellement. Je ne suis pas très rapide, car ma grand-voile est à l’intérieur. Il faut que je sèche les zones à réparer. Le tissu est imprégné. Il ne faut pas que je me loupe car j’ai de quoi réparer mais il faut que je réussisse du premier coup car je n’ai pas de quoi refaire, je n’aurais pas assez de tissu. Ce qui est dur c’est que je commence vraiment à être fatigué, rien que le fait de monter et la démonter ce n’est pas évident j’essaie de faire des petites pauses de 10 min 15 min car je commence vraiment à être fatigué. »

Yoann Richomme (DLBC – Module Création) :
« Hier, nous avons fait en fin de journée notre virement de bord pour nous diriger vers le sud. Il a y eu 40 à 50 nœuds de vent. C’était l’enfer car a mer était formée de face au moment du virement. J’ai passé deux heures à ne pas trop savoir quoi faire. Au bout de quelques heures ça s’est amélioré. Là nous sommes au vent de près, j’ai 10/11 nœuds direction les Canaries. Il y a du nettoyage à faire, le programme de la journée c’est ménage. On va vers le beau temps. Il n’y a aucun souci. Pendant 24 heures cela n’a plus été de la régate. J’ai perdu contact avec Erwan et Fred c’était dommage. J’ai peut-être été un peu moins performant car j’ai préféré être précautionneux mais j’ai préservé le matériel pour la suite. Et tout va bien. Ce qui n’est pas simple c’est que l’on va trouver un anticyclone au-dessus des Canaries. C’est une partie difficile à contourner et à traverser. Il faut que je trouve mon point d’entrée ce qui est déjà fait. Nous avons encore 48 heures encore à faire « rapide », on va avaler les milles rapidement. On va voir la trajectoire pour contourner les Canaries. Il y a un peu de jeu en trajectoire à faire car on va envoyer le spi. Pour le moment je suis sous solent et j’ai un ris dans la grand-voile. J’ai 30 nœuds de vent là encore. »

Source

Rivacom

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