Dernier passage à niveau pour la tête de flotte

© Tanguy de Lamotte / Initiatives Coeur

On y arrive. Redouté par certain, espéré par d’autres, le franchissement de la dorsale qui se prolonge dans le sud-ouest des Açores va, petit à petit, ralentir les deux leaders du Vendée Globe. En Atlantique Sud, entre progression chaotique et galères matérielles, on est loin de ces considérations tactiques. L’essentiel est de tenir bon.

C’est en quelque sorte l’effet domino. Depuis deux jours, rien ne va dans le bon sens pour Alessandro Di Benedetto. Le skipper de Team Plastique enchaîne les mauvaises surprises. Hier au soir, c’est son grand spinnaker qui explosait en ne laissant en tête de mât, qu’un morceau de têtière et le sac de la chaussette à spi. Le skipper franco-sicilien se voyait contraint de monter une nouvelle fois en tête de mât pour dégager ce qui restait de la voile d’avant. Puis, au milieu de la nuit, alors que le navigateur tentait de se reposer, le bateau partait brutalement à l’abattée. Obligé de sortir en catastrophe, Alessandro ne voyait pas l’écoute de grand-voile revenir dans un deuxième empannage incontrôlé. Il se prenait le palan d’écoute en pleine figure et projeté dans le cockpit, se fracturait une côte dans le choc. Dans la manœuvre, le petit spinnaker, qui avait été posé sur le pont, passait à l’eau. La vie en rose d’Alessandro s’assombrit profondément. Rien ne l’empêche, a priori, de poursuivre sa route, mais son parcours risque de devenir autrement plus difficile, entre un bateau qu’il ne pourra pas toiler à sa convenance et la douleur qui va le tenailler pendant plusieurs jours. Mais surtout, Alessandro perd le contact avec Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) qui continuent de filer au portant, à bonne allure vers le nord.

Une météo abracadabrantesque

Les deux hommes vont revenir non loin d’Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) qui peine à s’extirper du piège de la dépression orageuse qui tend à rester stationnaire au large des côtes du Brésil. L’Arcachonnais devenu Sablais d’adoption n’a plus que 600 milles d’avance sur Bertrand de Broc et l’écart devrait encore se réduire les prochains jours.
Il n’est pas le seul à pâtir des conditions météorologiques désastreuses de l’Atlantique Sud, Jean Le Cam (SynerCiel), Mike Golding (Gamesa), Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered), Dominique Wavre (Mirabaud) tous avouent en avoir plein les bottes. Comme le soulignait le navigateur suisse, les conditions sont très changeantes, depuis des vents portants erratiques jusqu’à du près musclé, sans que les fichiers météo ne dégagent une tendance fiable. Pour tenir bon, chacun a ses recettes : Dominique Wavre se concentre sur la marche du bateau, sur sa progression heure par heure, pour se pouvoir se dire qu’il utilise au mieux le potentiel de son IMOCA dans ces conditions si spéciales. Jean Le Cam n’oublie pas de manier l’humour, plaignant les deux leaders qui vont devoir écourter leur Vendée Globe, quand le club des cinq en aura pour son argent, si l’on considère temps passé en mer : une manière comme une autre de rentabiliser son investissement.

Fins limiers

Tenir bon, c’est aussi l’antienne qui trotte dans le crâne des hommes de tête. Pour François Gabart (MACIF) comme pour Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), l’objectif premier est de contenir les assauts éventuels de leurs poursuivants. L’un comme l’autre savent qu’ils disposent d’atouts sérieux, mais qu’il ne faudra pas les gâcher par excès de confiance ou manque de concentration. Devant eux, se profile le dernier obstacle sur la route des Sables d’Olonne, cette dorsale anticyclonique qui occupe tous les esprits depuis une semaine. En la traversant, les leaders devraient être ralentis mais, si la logique est respectée, ils devraient aussi en sortir les premiers et s’ouvrir la voie royale vers l’arrivée. Il reste que ce type de situation est idéal pour redistribuer les cartes. A quelques milles de décalage, les vents peuvent varier parfois de cinq à dix nœuds. Mais avec dix nœuds de vent, un IMOCA se déhale sans difficulté, tandis qu’à moins de cinq nœuds, il tend à rester collé sur l’eau. S’il existe encore une chance à saisir, hors souci matériel, c’est peut-être ici. En attendant d’être au cœur du problème, Armel le Cléac’h (Banque Populaire) ainsi qu’Alex Thomson (Hugo Boss) savent qu’il leur faut continuer de naviguer proprement, sans se désunir et attendre l’éventuelle opportunité de passer à l’attaque. La principale qualité du chasseur, c’est la patience.

Classement au 21/01 – 16h00

  1. FRANCOIS GABART
    [ Macif ]
    à 1806,9 milles de l’arrivée
  2. ARMEL LE CLEAC’H
    [ Banque Populaire ]
    à 117.7 milles du leader
  3. JEAN PIERRE DICK
    [ Virbac Paprec 3 ]
    à 424.9 milles du leader
  4. ALEX THOMSON
    [ Hugo Boss ]
    à 689.8 milles du leader
  5. MIKE GOLDING
    [ Gamesa ]
    à 2310.4 milles du leader

Ils ont dit

Dominique Wavre (SUI, Mirabaud)

Là je suis au près, 20 nœuds de vent, secoué, ciel couvert, pluie, mer grise, 2,50 mètres de creux. Cette nuit ça a été très moche, des trombes d’eau sont venues sur le bateau. Je n’ai pas bougé pendant une heure. J’ai eu une nuit extrêmement pénible, j’ai pu dormir une demi-heure ce matin mais pas cette nuit. C’est de loin la remontée de l’Atlantique la plus pénible que j’ai pu faire. Quand il y a du vent, c’est au près et quand c’est au portant, le vent est très faible.
Quand il fait nuit noire, sous des trombes d’eau, tu ne vois absolument pas s’il y a un grain ou autre chose. Et quand tu es sur le pont, tu ne vois pas les vagues arriver non plus.

Ce n’est pas simple et en plus les fichiers météo ne sont pas très pertinents. On espère que bientôt, ils seront un peu plus en accord avec la réalité.

Arnaud Boissières (FRA, AKENA Vérandas)

J’ai retrouvé de la vitesse depuis hier midi. Je crois que j’ai été bien pompé par un grain, j’ai réussi à le suivre il m’a bien aidé. Je longe les côtes brésiliennes mais je n’ai pas vu grand-chose à part les pêcheurs, les plateformes pétrolières et beaucoup d’hélicoptères. Au début c’est rigolo de se dire qu’on va longer les côtes mais en fait c’est un peu stressant. Il y a des plateformes que je ne vois pas tout le temps à l’AIS et il y a les bateaux de pêche aussi. Hier j’ai pris une longue ligne de pêche dans le safran et l’hydro. C’est un peu stressant du coup je n’ai pas beaucoup dormi mais j’ai la satisfaction d’avoir avancé. La navigation brésilienne n’est pas si facile que ça.

Armel Le Cléac’h (FRA, Banque Populaire)

On attaque la dernière semaine. C’est plutôt agréable de se dire que l’arrivée approche. Les conditions se sont calmées depuis deux jours, ça fait du bien de tenir plus facilement debout dans le bateau.
Le vent va mollir régulièrement, on va se rapprocher de l’anticyclone et on va pouvoir envoyer des voiles de portant dans les jours à venir. Rien de très compliqué pour les heures à venir, c’est un peu tout droit avec un vent pas très soutenu. Par contre ça va s’accélérer derrière.

On ne va pas faire n’importe quoi pour gagner des milles, on ne va pas se mettre dans le rouge. On va rester prudent sur cette fin de course, la mer va être assez difficile. On va être vigilant, ne pas faire de bêtises et trouver les bonnes configurations de voiles. On arrive à aller assez vite dans cet esprit-là. On va arriver dans du vent et de la mer assez soutenus, notamment dans le golfe de Gascogne. Aux Sables d’Olonne, le jour de l’arrivée, je ne suis pas sûr que beaucoup de gens soient motivés pour aller sur l’eau et risquer d’être malade.

Source

Liliane Fretté Communication

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