Des combats bien singuliers

© Xavier Sanso / Acciona 100% EcoPowered

La nuit dernière, Arnaud Boissières et Javier Sanso ont fait leur entrée en Atlantique. Ils entament leur remontée vers les chaudes latitudes au coude à coude, à quelques centaines de mètres de l’île des Etats. Ce sera bientôt très chaud aussi pour Jean-Pierre Dick et Alex Thomson, en plein duel à distance pour la troisième place. Du large du Brésil au sud de l’Argentine, la flotte est animée par une série de combats singuliers.

Avec l’abandon officiel de Bernard Stamm, il ne sont plus que 12 bateaux en course. Le skipper de Cheminées Poujoulat, après un arrêt express hier soir dans l’île du Horn le temps de faire le plein de gasoil, de charger ses batteries, de monter dans son mât pour changer une drisse, et d’avaler un petit salé aux lentilles préparé par l’amie d’Unaï Bazurko, est reparti en mer, direction les Sables d’Olonne. Bernard a encore besoin de recouvrer des forces et de finir de mettre son bateau en état pour retrouver enfin le plaisir d’être en mer… un singulier combat.

Les duos Cali/Bubi et Dick/Thomson à six milles l’un de l’autre

Peu de temps après le départ de Bernard, Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) puis Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) doublaient le cap Horn, en 8e et 9e position. C’est une deuxième pour « Cali » et une première en solitaire pour « Bubi ». Après José Luis de Ugarte (BOC Challenge 1990-91 et Vendée Globe 1992-1993) puis Unai Basurko (Velux 5 Oceans 2006-2007), il est le troisième marin espagnol de l’histoire à doubler le cap Horn en solo et en course. Les deux marins naviguent pratiquement à vue dans l’est de l’île des Etats, dont la géographie ne devrait plus avoir de secrets pour Arnaud qui est passé à quelques dizaines de mètres de la côte.
Un autre duel est en train de monter en intensité : celui qui oppose Virbac – Paprec 3 à Hugo Boss. Jean-Pierre Dick et Alex Thomson ont choisi deux routes divergentes pour entamer leur remontée de l’Atlantique Sud. Le premier s’attaque à l’anticyclone de Sainte-Hélène, au près dans 15 à 20 nœuds de vent, sur une route comparable à celle des leaders. Le second est au portant, à 300 milles seulement des côtes brésiliennes et ne cesse de conquérir du terrain. Leurs chemins devraient se rejoindre d’ici une petite semaine du côté de l’Equateur. Et ils pourraient bien se retrouver bord à bord…

Les leaders bientôt dans les alizés

En tête, le combat singulier entre MACIF et Banque Populaire est pour l’heure au point mort. Vers 13h30 (heure française), François Gabart a été le premier à virer dans la dorsale de l’anticyclone de Sainte Hélène. Il navigue maintenant tribord amure dans un vent qui ne va cesser d’adonner (nord-est puis est). Il sera le premier à choquer les voiles et à accélérer. Du coup, l’écart de 85 milles qui sépare actuellement les deux hommes devrait encore augmenter.
Et puis il y a des navigateurs plus solitaires que d’autres. Au nord des Malouines, Jean Le Cam (SynerCiel), bien installé en 5e position, a pour seul adversaire de gros bancs d’algues. Ces dernières heures, il a dû faire trois marches arrière pour s’en dépêtrer.

Encore 4 à 8 jours dans les mers australes

Il reste encore trois hommes dans le Grand Sud. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM projets) et Tanguy De Lamotte (Initiatives-Cœur) se sont libérés de la dernière porte de sécurité Pacifique. La voie du Horn est dégagée et balayée par des vents de secteur ouest. Dans trois à quatre jours, ce sera l’Atlantique.
Enfin, Alessandro Di Benedetto doit encore jouer les McGyver. Ces derniers temps, il n’a jamais refermé sa caisse à outils. Aujourd’hui, l’axe supérieur du son safran tribord de Team Plastique a cassé. Le Franco-italien a opéré une réparation de fortune et devra changer cette pièce dès que ses conditions de navigation seront plus calmes…

Les chiffres

  • François Gabart (MACIF) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 18h20 TU (19h20 heure française) après 52j 06h 18mn de course.
  • Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) a doublé le cap Horn le 1er janvier 2013 à 19h35 TU (20h35 heure française) après 52j 07h 33mn de course.
  • Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3). Passage cap Horn : le 3 janvier à 04h42 TU après 53j 16h 40 mn.
  • Alex Thomson (Hugo Boss). Passage cap Horn : le 4 janvier à 02h38 TU après 54 j 14h 36 mn de course.
  • Jean Le Cam (SynerCiel). Passage cap Horn le 8 janvier à 7h19 TU après 58j 19h 17mn et 14s de course soit 6 jours 12 h 58 m 20 s après MACIF.
  • Mike Golding (Gamesa). Passage cap Horn le 9 janvier à 2h05 TU après 59j 14h 03 mn de course.
  • Dominique Wavre (Mirabaud). Passage cap Horn le 9 janvier à 10h18 TU après 59j 22h 16mn de course.
  • Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat). Passage cap Horn le 9 janvier à 12h49 TU après 60j 00h 47mn de course
  • Arnaud Boissières (AKENA Vérandas). Passage cap Horn le 9 janvier à 21h55 TU.
  • Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered). Passage cap Horn le 10 janvier à 00h52 TU.

Classement au 10/01 – 16h00

  1. François Gabart
    [ Macif ]
    à 4 869.3 milles de l’arrivée
  2. Armel Le Cléac’h
    [ Banque Populaire ]
    à 82.4 milles du leader
  3. Jean-Pierre Dick
    [ Virbac Paprec 3 ]
    à 351 milles du leader
  4. Alex Thomson
    [ Hugo Boss ]
    à 357.4 milles du leader
  5. Jean Le Cam
    [ SynerCiel ]
    à 1 550.3 milles du leader

Ils ont dit

Bernard Stamm (SUI, Cheminées Poujoulat)

(Sur sa fatigue et son ravitaillement en mer) Je n’ai pas profité de mon arrêt pour me reposer. Je pourrai le faire en mer en avançant. Maintenant, on a fait le plein donc ça va. J’ai profité de la présence d’Unaï (Bazurko) pour monter dans le mât et contrôler un peu. Puis la copine d’Unaï m’avait fait un petit salé aux lentilles avec des fruits. C’était comme une renaissance.
(Au sujet de la suite des événements) Tout de suite, je ne suis pas à 100% de mes capacités. Les conditions sont très instables et il fallait être vigilant à cause des glaces qu’on nous signalait. Ça a été compliqué à passer au niveau du vent. Tout ça fait que j’ai pu me reposer il y a seulement quelques heures. Après je vais faire ça (ndlr : la remontée de l’Atlantique) comme en course. Je vais essayer de mener le bateau proprement comme d’habitude. Je vais essayer d’en profiter. Là, il y avait un passage difficile au niveau navigation. Naviguer les yeux fermés dans ces endroits, c’est compliqué. Dans ma tête, ça fait longtemps qu’elle (la course) est terminée pour moi. On ne gagne pas une course avec tous les problèmes que j’ai eus. Depuis plusieurs jours, j’avais plutôt en tête une navigation destinée à une mise en sécurité du bateau.

Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac Paprec 3)

Le vent a molli doucement après un bon coup de vent la nuit dernière. On se rapproche du point de virement. Au niveau du routage, on utilise l’anticyclone et sa courbure pour viser l’équateur mais ça va être une route assez similaire avec les leaders. Alex (Thomson) part au portant et prend une très belle option, ça relance un peu tout. Mon incident est d’autant plus malheureux. Ma stratégie était bonne mais avec mon petit souci technique (ndlr : étai de solent), je ne suis plus trop dans le bon timing. Mais c’est intéressant, il va y avoir de la bagarre.
Il faut être rigoureux dans tous les domaines pour y arriver. Mais il faut savoir prioriser. Déjà, il faut avoir une très bonne vision de sa stratégie générale. Ensuite, viennent toutes les transitions. Une fois qu’on a la stratégie, il faut faire avancer son bateau le plus vite possible. Mais il faut aussi manger, dormir. On n’a pas vraiment de temps pour nous. Par exemple, je n’ai lu que trois chapitres d’un livre depuis trois mois.

Arnaud Boissières (FRA, AKENA Véranda)

Ça va super bien. Il fait super beau et figurez vous que j’ai un Espagnol (ndlr : Javier Sanso) sous mon vent. Après le cap Horn, il a fait à peu près la même route que moi. Du coup, vu que le temps s’est dégagé, j’ai aperçu mon petit chorizo espagnol avec sa pointe rouge.
Après le cap Horn, j’ai été surpris par un paquebot de croisière. Il m’a appelé et il m’a dit qu’il faisait une croisière au niveau des Malouines. Il savait que j’étais Arnaud Boissières et que je faisais le Vendée Globe. Il m’a demandé si j’allais bien, si j’avais bien tout à bord alors qu’eux avaient piscine, sauna, restaurant, etc… Mais ils ne m’ont même pas fait envie. Par rapport à ce que je vis, ce n’est pas du tout la croisière s’amuse. (Sur les différentes stratégies) Avant le départ, on connait les objectifs de chacun. Grâce à nos logiciels de routage, on arrive à faire nos stratégies même si ce n’est pas toujours fiable. Il faut toujours garder nos stratégies et y rester fidèle. Ça se joue dans les changements de voile et plein d’autres petits éléments. Il faut toujours y croire et y croire passionnément car la météo peut souvent varier en fonction des positions et changer la donne.

Tony Estanguet (Triple champion olympique de canoë monoplace)

Forcément en tant que sportif je m’intéresse à la course. Je suis très impressionné et admiratif. C’est une très belle édition avec une très belle course en tête. Je suis content de voir François (Gabart) devant car je sais que c’est un kayakiste. C’est très impressionnant de voir une épreuve aussi longue. Il faut une capacité de concentration phénoménale et beaucoup de lucidité dans les instants importants pour ne pas se rater. (Sur la comparaison entre le Vendée Globe et les JO) Ce sont des projets à très long terme que l’on prépare pendant quatre ans. C’est un peu injuste quand ça se finit mal car c’est quatre ans de boulot. Mais c’est aussi la magie de nos sports. L’enjeu est de réussir à rester « normal » dans ces moments là. Il ne faut pas en faire plus car souvent on a envie de trop bien faire et on ne se concentre plus sur l’essentiel.
(Sur son avenir) L’avenir, ce sont plusieurs beaux projets. Je m’occupe notamment d’une candidature pour un Championnat du monde de canoë-kayak en 2017 à Pau. Je vais valoriser le sport français à l’international.

Source

Liliane Fretté Communication

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