Record à Bonne Espérance

© Armel le Cléac'h / Banque Populaire

Plus que 50 milles environ pour être à la longitude du cap des Aiguilles qui marque la véritable porte de l’océan Indien. La portée symbolique du franchissement du méridien risque de ne pas sauter aux yeux des concurrents déjà obnubilés par leur prochain objectif, la porte de Crozet.

Si le record de Jean Le Cam à l’équateur n’est pas tombé, celui de Bonne-Espérance a changé de propriétaire. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) suivi comme son ombre par Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) et François Gabart (MACIF), a donc détrôné Vincent Riou, précédent détenteur du temps de référence entre les Sables d’Olonne et la pointe sud de l’Afrique. Mais pour le trio de tête engagé dans une bagarre d’une intensité peu commune, cette performance risque de rester anecdotique et ne prendra tout son sens qu’avec le recul. Leur préoccupation actuelle est double : d’une part, il s’agit de faire une vérification sérieuse d’un matériel fortement sollicité dans ces jours à hautes vitesses. De l’autre, il s’agit d’anticiper la meilleure trajectoire possible pour contourner un anticyclone qui semble vouloir prendre ses aises sur la porte de Crozet. Deux possibilités s’offrent à eux : tenter de couper au plus court pour rejoindre l’extrémité ouest de la porte et plonger ensuite dans le sud, ou tenter de contourner l’anticyclone par sa face méridionale pour rejoindre ensuite la pointe orientale de cette même porte. Dans le premier cas, le risque majeur est de se faire piéger dans les calmes. Dans le deuxième, les logiciels de routage préconisent une route très sud, qui ferait passer en plein milieu des champs d’icebergs repérés entre l’île Heard et l’archipel de Crozet. Personne n’est obligé d’être aussi radical et la part de liberté revendiquée de certains navigateurs va trouver là un terrain d’expression privilégié.

La victoire de Jean Le Cam

Derrière ce trio, Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) et Alex Thomson (Hugo Boss) tentent toujours de s’accrocher quand le groupe des quinquas perd régulièrement du terrain, puisque leur déficit s’est encore accru d’une centaine de milles en vingt-quatre heures. Petit à petit, Jean Le Cam (SynerCiel), Mike Golding (Gamesa) et Dominique Wavre (Mirabaud) sortent du système météo qui accompagne les leaders. Il faudra que cela tamponne par devant pour espérer revenir avant la sortie de l’océan Indien. Jean Le Cam hésitait, quant à lui, entre frustration de voir partir les hommes de tête et satisfaction de s’être dépêtré d’une situation autrement plus préoccupante. Pour ces marins, obsédés de la vitesse au point de demander à quelques heures du départ, qu’un membre de leur équipe rafraichisse le nettoyage de la carène d’un coup de moquette amoureusement passé, naviguer avec un filet de pêche dans la quille n’est tout simplement pas concevable. Après avoir tout tenté, Jean a donc dû se résoudre à faire ce qu’il n’aurait jamais envisagé auparavant : se mettre à l’eau, plonger et attaquer le filet au couteau. Après un tel effort, on conçoit bien que le retard sur le groupe de tête apparaisse quelques instants comme anecdotique. Derrière eux, le vent semble revenir pour Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered), Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur). Plus à l’ouest, Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) recueille les premiers dividendes de son option avec des vitesses de plus de quinze nœuds.

Dans la porte d’Amsterdam…

Il y a des marins qui dansent sur la peau du diable en évitant d’aller tutoyer de trop près les glaces et leur cortège de bourguignons (ou growlers). On pourrait se plaindre que les portes ferment le jeu, elles en modifient surtout le rythme. La stratégie n’est pas exclue, mais il est clair que c’est avant tout sur les phases de transition, sur des changements à court et moyen termes, que va se jouer la course dans l’océan Indien. On pourra regretter les temps épiques où les marins pouvaient aller tutoyer les 60° Sud en se fiant à leur bonne étoile… mais, compte tenu des moyens dont on dispose aujourd’hui, ce serait pour tout dire malsain d’envoyer des marins jouer dans ces terrains minés que sont les champs de glaces. Aujourd’hui, aucun instrument n’est capable de repérer un growler émergeant de quelques centimètres au dessus de la surface de l’eau et même à l’œil nu, certains d’entre eux peuvent facilement se confondre avec la crête des déferlantes. La glorieuse incertitude du sport a aussi ses limites.

Classement au 03/12 – 16h00

  1. Armel Le Cléac’h
    (Banque Populaire)
    à 17873.1 milles de l’arrivée
  2. Jean Pierre Dick
    (Virbac-Paprec 3)
    à 45.6 milles du leader
  3. François Gabart
    (MACIF)
    à 66.6 milles du leader
  4. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat)
    à 108.4 milles du leader
  5. Alex Thomson
    (Hugo Boss)
    à 187.9 milles du leader

Ils ont dit

Jean Le Cam (FRA, SynerCiel)

Quand on est à l’eau, on y est mais avant d’y aller, on se pose toutes les questions du monde. J’avais mis des vêtements de peau sous ma combinaison. Je n’ai même pas eu le temps de sentir le froid. Il faut bien réfléchir à la manœuvre avant, il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de se mettre à l’eau. Si on m’avait dit qu’un jour je plongerais dans les quarantièmes, j’aurais dit : « T’es dingue ou quoi ? » J’avais imaginé coucher le bateau mais on ne le couche pas comme ça. Quand je voyais que je n’y arrivais pas… Je voulais sortir le bulbe de l’eau, mais je n’y arrivais pas. J’ai essayé toutes les solutions avant de plonger. Donc à un moment, je me suis dit : « Soit tu plonge, soit tu te trimbales ce truc-là jusqu’à je ne sais pas quand. » Avoir un truc sur la quille comme ça, ce n’est pas humain. Une fois que c’était terminé, j’étais ému, content, mais content de chez content. J’étais soulagé, tout ce que vous voulez. Ce sont des moments où on est vraiment content, content, content.

Le plus gros moment d’angoisse c’était quand j’étais sous le bateau et que ça ne coupait pas. Donc j’ai essayé un par un et là ça coupait. Je me suis dit : « Il y en a cinquante et tu vas te faire les cinquante. » Et quand tu vois le filet qui se barre… C’est le bonheur le plus total. Tu passes du tout noir au tout blanc, il n’y a pas de gris. C’est du pur bonheur.

Armel Le Cléac’h (FRA, Banque Populaire)

Tout va bien. La mer est un petit peu agitée avec trois ou quatre mètres de creux. Le soleil est de retour après deux jours bien gris et humides. Là, c’est un peu plus calme, donc on en profite pour faire un tour du bateau pour vérifier qu’il n’y a rien d’anormal sur le mât, sur les voiles, sur le pont. Au passage du front la mer était un petit peu chaotique et au moment de ranger les voiles d’avant je me suis cogné mais ce n’est pas très grave. Je vais bientôt passer le cap de Bonne Espérance, je suis à moins de deux milles donc dans les dix minutes je l’aurai passé.

Arnaud Boissières (FRA, AKENA Vérandas)

Ça va super bien, j’ai retrouvé du vent depuis cette nuit. Il y a un peu de soleil et j’approche des mers du Sud, donc ce n’est que du bonheur. Les conditions sont plus adaptées pour faire du bateau à voiles. Je ne sais pas si c’est annonciateur de quelque chose, mais, hier, des dauphins ont tourné autour du bateau pendant quelques heures. (Sainte) Hélène m’a donné le temps de faire des vérifications dans le bateau. Je n’ai pas pu monter dans le mât à cause de la houle mais sinon j’ai tout vérifié. J’ai hâte du Grand Sud. J’ai déjà vu plein d’oiseaux et j’entends les autres parler des albatros, ça me tarde vraiment.

Source

Liliane Fretté Communication

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