Pot d’échappement

François Gabart / MACIF

Ils en sortent. Après 48 heures particulièrement difficiles, les solitaires commencent à toucher les alizés de l’hémisphère sud. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) pourrait établir un nouveau record entre les Sables d’Olonne et l’équateur, mais rien n’est encore acquis.

Chaud bouillant. De l’avis de tous les skippers, rarement le pot au noir leur avait réservé un tel accueil. Des vents erratiques capables de passer en quelques minutes du calme plat à plus de quarante nœuds, un ciel noir d’encre, des pluies diluviennes et des orages à gogo. Tous en sortent rincés, au propre comme au figuré. Et pour ajouter un peu de tension supplémentaire, ils sont cinq à naviguer à vue. Vincent Riou (PRB), Alex Thomson (Hugo Boss), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) et François Gabart (MACIF) tentent de ronger le même os. Si, le jour durant, les solitaires ne se sont pas ménagés pour manœuvrer sans relâche, certains reconnaissaient que la nuit, il convenait d’être extrêmement prudent. Difficile, dans une nuit noire, d’anticiper les changements de vents : Bernard Stamm avouait ainsi avoir navigué sous foc et grand-voile à un ris au risque d’être sous-toilé pour ne pas se laisser surprendre, quand Jean-Pierre Dick racontait avoir dû fuir sous un grain, poussé par un vent violent sans pouvoir empanner, tant la manœuvre pouvait devenir scabreuse. Seule consolation pour ce groupe de poursuivants, l’écart qui s’est resserré avec Armel Le Cléac’h avant d’aborder les alizés de l’hémisphère sud.

Profiter des belles heures

Tout ceci pourrait faire les affaires du peloton de chasse qui table sur une baisse de vigueur du pot au noir pour se refaire une santé. Dominique Wavre (Mirabaud) évoquait ainsi les premiers grains qui les affectaient en constatant avec plaisir, que le vent tenait malgré tout. Mais vérité d’un jour peut valoir mensonge le lendemain. Plus à l’arrière, la flotte goûte à plein le plaisir de naviguer dans des alizés bien établis. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) monte en puissance au fil de la prise de la mesure de sa machine quand Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) témoigne de son bonheur dans une courte vidéo où le navigateur, en petite tenue, navigue à bonne vitesse sous spi et grand-voile haute sous un chaud soleil. Comme quoi, le Vendée Globe peut, par instants, s’apparenter à une sinécure.
Ces moments-là Gutek (Energa) aimerait bien les vivre aussi. Mais le navigateur polonais n’a toujours pas résolu ses problèmes de pilote et cherche en liaison avec le fabricant comment revenir à une situation normale. Il n’en garde pas moins un solide sens de l’humour, évoquant en vacation la possibilité de se diriger vers l’Afrique… Hors course, Sam Davies a choisi de convoyer son Savéol vers la France au moteur en s’aidant d’un gréement de fortune constitué, pour une part de son tourmentin monté sur un mâtereau, de l’autre d’une voile de Laser, un petit dériveur pour solitaire, offerte par le Yacht Club de Madère. Prochaine escale pour Sam et son équipe, le port de Cascais à l’embouchure du Tage.

Croix du Sud et dahus

Après le pot au noir, la flotte va maintenant chercher à gagner dans le sud en contournant l’anticyclone de Sainte-Hélène. Après le passage de l’équateur, tous savent que le menu des prochains jours va être légèrement monotone. Bâbord amure au près serré, les solitaires vont naviguer avec vingt-cinq degrés de gîte pendant plusieurs journées, au risque de voir une jambe devenir plus courte que l’autre. Pouvoir contempler la Croix du Sud en lieu et place de l’Etoile Polaire est à ce prix.

Classement au 20/11 – 16h00

  1. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) à 21192,8 milles de l’arrivée
  2. Vincent Riou (PRB) à 26,6 milles du leader
  3. Jean Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) à 26,9 milles du leader
  4. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 27,7 milles du leader
  5. François Gabart (Macif) à 28,4 milles du leader

Ils ont dit

Armel Le Cléac’h (FRA, Banque Populaire)

Le pot au noir est derrière moi, le ciel s’est bien dégagé ce matin. On en profite pour se reposer un peu après 24 heures assez compliquées. Derrière, ils sont bien regroupés avec le pot au noir et moi j’en profite pour essayer d’avancer, de creuser l’écart. C’est un peu le charme et la difficulté de ce pot, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé. Devant, on a pas mal subi ses effets, derrière ça a l’air d’aller à peu près bien pour les poursuivants. On fera le compte demain quand ils en seront sortis. Tout va bien à bord. Il y a eu quelques petits bricolages à faire sur les premiers jours de course mais rien de grave. Le bateau se porte bien. Je profite de ces conditions pour faire le tour du bateau, essayer de voir si tout va bien. J’ai commencé à regarder la route pour descendre vers la première porte des glaces.

Vincent Riou(FRA, PRB)

Ça va pas mal. J’ai commencé à voir le bout du tunnel (ndlr : la fin du pot au noir) depuis une heure, le vent est établi et je suis au près dans quelque chose qui pourrait ressembler à un début d’alizé. Je n’avais jamais vécu un pot au noir comme ça. La nuit dernière a été dantesque avec des grains dans tous les sens et une pluviométrie incroyable. Ça a été fatiguant à gérer mais on a traversé un pot au noir très large qui est descendu avec nous. Hier, j’ai longtemps navigué bord à bord avec Alex Thomson et je vois les autres depuis ce matin sur l’AIS. On a eu des conditions très changeantes, on n’a pas eu cinq minutes avec le même réglage de voile ou sur la même amure. Ça a été vraiment très agité.

Bertrand de Broc (FRA, Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets)

Ça roule tranquillement, il n’y a pas un grand soleil mais il fait super bon. J’ai fait de la bricole à droite à gauche. On ne s’ennuie pas, depuis que je suis parti, il y a toujours quelque chose à faire. Je ne vois pas le temps passer. C’est super mais j’aimerais bien être un peu plus dans la course. Mais la route est encore longue. J’essaye d’être bien sur le bateau, de bien profiter. Ce que j’aime bien c’est manœuvrer, faire marcher un bateau et c’est vrai que depuis le départ des Sables, avec le petit retard, je n’ai pas tout à fait pris la même route mais j’ai découvert un avant-goût des 40emes et 50emes avec de la grosse mer. Ça m’a mis dans le vif du sujet. Il reste encore 80 jours de navigation donc j’ai le temps de me refaire la cerise. J’ai l’impression que le pot au noir est assez content que j’arrive, il est pas mal. En tout cas un peu mieux que pour les premiers.

Dominique Wavre (SUI, Mirabaud)

Depuis hier soir, Jean Le Cam, Mike Golding et moi on s’est pris un énorme grain avec beaucoup de pluie et du vent qui nous a obligés à faire du près. Mais ce qui est bien, c’est que nous n’avons quasiment jamais été arrêtés. Le ciel est complètement couvert, il fait très sombre. La mer est grise, un peu comme La Manche, mais elle est surtout très désordonné. Le vent monte et descend sans prévenir, on ne voit pas grand chose sur l’eau donc il faut être aux aguets. Tant qu’il y a du vent je ne me plains pas trop. On rentre dans le pot au noir quand les autres en sortent ; donc les écarts risquent de se reformer.

Jean-Pierre Dick (FRA, Virbac Paprec 3)

C’est très, très dur avec des grains jusqu’à 35 nœuds. On est une bande de cinq bateaux dans un incroyable mano a mano, c’est incroyable. J’étais avec François Gabart, on a fait une succession d’empannages pour essayer de toucher du vent. J’espère qu’on va bientôt sortir de ce pot au noir parce qu’on ne peut pas dire qu’il ait été sympa avec nous. Quelle horreur ! Je suis étonné que personne n’ait eu de problème, les bonshommes en tête de course sont tous très affûtés. Ça se bat, c’est une superbe lutte. Dans une mer formée, voir les bateaux comme ça, c’est vraiment très, très beau.

Source

Liliane Fretté Communication

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