Pot au Noir en vue …

© Thierry Martinez / Sea & Co

Comme au théâtre : au fur et à mesure que la pièce se déroule, on est pris par l’intrigue. On garde en mémoire la sortie de l’un des personnages, mais ceux qui sont à l’avant-scène continuent de prendre la lumière. Jérémie Beyou aimerait bien prolonger son rôle, mais l’incertitude pèse.

C’est l’histoire du grain de sable. Auteur jusque là d’une course parfaitement maîtrisée, Jérémie Beyou risque de devoir quitter prématurément la course suite à la rupture improbable d’une pièce du vérin de quille : une pièce éprouvée qui jusque là avait encaissé des milles de navigation sans broncher. Le skipper de Maître CoQ avait joué la prudence dans les premiers jours de course, veillant à préserver sa monture avant d’aborder le grand Sud. Le sort semble en avoir décidé autrement. Toute l’équipe technique de Jérémie travaille à trouver une solution pour permettre au navigateur de continuer sa course, quille bloquée. Elle peut compter sur le renfort de la structure de Michel Desjoyeaux. Le double vainqueur du Vendée Globe faisait de Jérémie un candidat sérieux au podium ; il connaît son bateau par cœur et son diagnostic pèsera forcément dans la balance. Blaise Pascal disait qu’agir dans l’incertitude est encore le plus raisonnable. Au mieux, on gagne tout… Au pire, on ne perd pas grand-chose. S’il reste encore une chance de terminer ce Vendée Globe, nul doute que Jérémie la saisira.

A la fortune du pot

La tête de flotte est, quant à elle, déjà mobilisée par le prochain passage à niveau, le pot au noir. En éclaireur, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) sait que le moindre faux pas sera exploité par ses adversaires. Derrière lui, François Gabart (MACIF), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) et Vincent Riou (PRB) espèrent recueillir quelques uns des fruits que le leader pourrait laisser en route. Mais tous savent trop bien ce que la Zone de Convergence Inter Tropicale peut receler de pièges. On y a déjà vu des voiliers se faire piéger sous un nuage et voir un adversaire, positionné parfois à quelques encablures, démarrer pour se constituer, au fil des heures, un matelas de plus de cent milles. Pour Alex Thomson (Hugo Boss) les heures à venir risquent d’être plus compliquées. A la lutte avec Jérémie Beyou, le navigateur britannique avait là un excellent moyen de mesurer sa progression. Quand on est tout seul, l’étalonnage est plus complexe.

Pour l’heure, les trios Le Cam (SynerCiel), Golding (Gamesa), Wavre (Mirabaud) d’une part et de Lamotte (Initiatives-cœur), de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) et Di Benedetto (Team Plastique) de l’autre, n’ont pas ce souci. A la lutte, ils ont à chaque classement l’occasion de mesurer leur niveau de performance. Zbigniew Gutkowski (Energa) n’en est pas là. Il a réussi à sortir vainqueur de la bagarre avec son gennaker, mais n’a toujours pas résolu ses problèmes de pilote. Continuer la course ou non, tel est, pour l’heure, le dilemme du navigateur. En Français comme en Polonais, le pari de Pascal a la même valeur.

Classement au 11/11 – 16h00

  1. Armel Le Cléac’h
    [ Banque Populaire ]
    à 21 592.1 miles de l’arrivée
  2. François Gabart
    [ Macif ]
    à 61.6 milles du leader
  3. Jean-Pierre Dick
    [ Virbac Paprec 3 ]
    à 69.5 milles du leader
  4. Bernard Stamm
    [ Cheminées Poujoulat ]
    à 75.8 milles du leader
  5. Vincent Riou
    [ PRB ]
    à 100.9 milles du leader

Ils ont dit

Jérémie Beyou (FRA, Maître CoQ)

J’ai entendu un grand bruit et le bateau est parti au lof. En fait, c’est le vérin qui a cassé. Il a cassé net à la liaison entre la tête de quille et le vérin. Je n’arrive pas à bloquer la tête de quille, donc c’est inquiétant. Il faut mettre le bateau au portant pour assurer le tout et faire attention où on met les doigts parce qu’il y a 40 tonnes qui se baladent là dedans. On est sur le cul qu’une pièce comme ça puisse péter. On a besoin de matériel pour essayer de bloquer la quille et éventuellement imaginer la suite qui, je ne vous le cache pas, va être très compliquée. Si j’arrive à bloquer la quille, bien sûr que je repars. Je ne suis pas venu sur cette course pour m’arrêter au Cap Vert.

Armel Le Cléac’h (FRA, Banque Populaire)

Tout va bien en ce dimanche estival avec le soleil du Cap Vert. Le pot au noir c’est la prochaine étape, il bouge pas mal en ce moment. Je regarde mes cartes au moins deux fois par jour pour déterminer quelle va être ma stratégie. La course était assez rythmée au début. Depuis deux ou trois jours c’est un peu plus tranquille, on est plus dans un rythme de Vendée Globe avec la gestion du matériel et du bonhomme. On est parti sur le marathon, après le sprint du départ. La route est longue.

Dominique Wavre (SUI, Mirabaud)

Actuellement, il fait 30 degrés dans la cabine, c’est un peu couvert, mais c’est de la bonne navigation. Le seul petit coup dur était près de Madère avec une légère dépression, mais là ça glisse bien, c’est vraiment plaisant. Ça reste un peu humide mais l’eau est chaude et il y a du soleil. On est un petit groupe avec Jean Le Cam, Mike Golding et moi. C’est sympathique d’avoir des copains comme ça. Maintenant que les conditions sont plus régulières, je dors demi-heure par demi-heure alors qu’avant je dormais par tranches de 10 minutes.

Bertrand de Broc (FRA, Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets)

Je ne reçois pas beaucoup de messages de mes contributeurs et il ne vaut mieux pas parce que sinon, je serais très, très vite inondé. J’ai quelques supporters assez proches qui ont contribué à la mise en route du projet et à ce que le bateau soit au départ. C’est une aventure extraordinaire.

Vincent Riou (FRA, PRB)

C’est un bilan mitigé pour l’instant, mais il n’y a pas non plus péril, il n’y a pas eu de grosse casse. Je suis content d’être dans une flotte homogène. Maintenant il y a le pot au noir, c’est l’inconnu des deux prochains jours. Toute mon attention est tournée vers le pot au noir, voir comment il se développe. Hier matin j’ai eu une grosse frayeur parce que je suis entré en collision avec un gros tronc d’arbre. Les deux safrans sont remontés.

Zbigniew « Gutek » Gutkowski (POL, Energa)

Je dois enlever le grand gennaker qui était coincé et qui est détruit. Je n’ai pas eu à aller en haut du mât, je me suis arrangé pour intervenir depuis le pont. Je suis très embêté car le pilote automatique ne fonctionne pas. Je me suis arrêté et là je pêche en réfléchissant à une solution pour résoudre mes problèmes. Pour être honnête, à l’instant présent, je n’ai aucune idée de ce que je vais faire après. J’ai failli perdre ma vie dans les mers du Sud par le passé et il est hors de question que cette situation se reproduise. Je n’arrive pas à dormir, parce que je passe mon temps à réfléchir à ce que je dois faire.

Alex Thomson (GB, Hugo Boss)

Lors de la dernière journée, nous avons réalisé notre meilleure performance sur 24 heures depuis le départ de la course. J’ai réussi à m’accrocher au groupe de tête, ce qui est excellent lorsque l’on prend en considération l’avantage qu’ils devraient avoir au niveau de la vitesse. J’ai accentué l’écart avec Maître CoQ qui était mon ombre mais qui a commencé à perdre beaucoup de terrain hier. Aujourd’hui nous avons appris qu’il avait un problème de quille et qu’il va s’arrêter au Cap Vert. Je suis vraiment désolé pour lui et j’espère qu’il pourra réparer ça et continuer. Je commence à regarder le pot au noir avec beaucoup d’attention mais c’est dur de dire ce que je vais faire. Nous allons tous dans la même direction donc j’aurai une idée de ce qu’il se passe grâce à ceux qui sont devant moi.

Source

Liliane Fretté Communication

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