Fortunes et infortunes de mer

© Arnaud Pilpré / Studio Zedda/Virbac-Paprec Sailing Team

En ce sixième jour de Vendée Globe, ils ne sont plus que 16 en course. Après le démâtage de son bateau Savéol hier vers 19h30, Sam Davies fait route au moteur vers Madère. Quant à Louis Burton, il a dû se résoudre à relâcher dans le port de la Corogne, la météo dans le golfe de Gascogne ne lui permettant plus de continuer sur un bord vers les Sables d’Olonne avec un gréement endommagé. Le Vendée Globe perd sa seule fille et son benjamin. Mais pour les autres, la course continue avec un nouvel objectif à terme : le pot au noir.

20% d’abandon après 6 jours de mer, le bilan comptable est cruel. Mais analysons les faits. Deux des abandons, celui de Kito de Pavant et celui de Louis Burton sont dû à des accidents malchanceux (collision avec des pêcheurs). Deux autres, celui de Marc Guillemot (quille arrachée) et de Sam Davies (démâtage) à des avaries dont la voile, sport mécanique, n’est jamais exempte. Les conditions de navigation et surtout l’état de la mer sont un des facteurs de la casse matérielle. Or, il faut savoir que les phénomènes météo l’hiver en Atlantique Nord sont souvent plus violents que dans le Grand Sud pendant le printemps austral. Il y a quatre ans, le pire coup de vent qu’ont affronté les marins a eu lieu au niveau des Açores, lors de la remontée de l’Atlantique…

Sanso doit grimper sur son mât

Les escales techniques de Sam Davies et Louis Burton sont malheureusement définitives. Parallèlement, un autre marin cherche à s’abriter dans l’archipel des Canaries pour pouvoir grimper sur son mât et réparer son rail de grand-voile endommagé : Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered). Le navigateur espagnol navigue depuis 36 heures sans grand-voile ! Il lui faut absolument réparer.
Par bonheur, une grande majorité de la flotte (tous sauf Team Plastique, ENERGA et Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) est sortie de cette vaste dépression orageuse. Sous spi, à 380 milles au nord du Cap Vert, la régate océanique a repris ses droits. Et elle est torride entre les 11 bateaux de tête !

Armel aux commandes

Hier soir, après que François Gabart (Macif) a été ralenti plusieurs heures au large des Canaries, Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) a pris les commandes de la course. Dauphin de Michel Desjoyeaux il y a 4 ans, le finistérien ne s’était jamais retrouvé dans la peau du leader du Vendée Globe. C’est lui, désormais, qui imprimera la cadence dans cette course-poursuite au portant avec François Gabart et Bernard Stamm (Cheminée Poujoulat). Même combat au contact entre leurs poursuivants directs Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), Vincent Riou (PRB), Alex Thomson (Hugo Boss), et Jérémie Beyou (Maître CoQ). 200 milles à l’est de ce groupe, Mike Golding (Gamesa) et Jean Le Cam (Synerciel) sont eux aussi en plein duel.
Ce top 11 (dont font partie Dominique Wavre et Arnaud Boissières) vient de traverser une étroite zone anticyclonique. Les premiers ont empanné à la mi-journée pour profiter d’un flux de nord-est d’une quinzaine de nœuds… Ce n’est pas encore le franc alizé ! Quoi qu’il en soit, tout ce petit monde va glisser gentiment sous spi et affiner au fil des jours sa trajectoire vers le pot au noir.

Du répit, enfin

« Comparé à hier, c’est merveilleux, c’est le paradis » se réjouissait Dominique Wavre (Mirabaud) à la vacation du jour. Sur une mer assagie, les grands monocoques naviguent à nouveau à plat. Les températures sont en hausse. Les marins peuvent désormais sortir sur le pont en T-shirt pour ajuster les réglages de leurs grands spinnakers et prendre leurs repas « en terrasse » dans le cockpit. Dans cette atmosphère plus clémente, ils vont pouvoir souffler, faire le plein de nourriture et de sommeil. Ces belles conditions vont durer jusqu’à l’approche du pot au noir.

Classement au 16/11 – 16h00

  1. Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) à 22368,9 milles de l’arrivée
  2. François Gabart (Macif)
    à 20,8 milles du leader
  3. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat)
    à 24,3 milles du leader
  4. Jean Pierre Dick (Virbac-Paprec 3)
    à 81,8 milles du leader
  5. Vincent Riou (PRB)
    à 88,9 milles du leader

Ils ont dit

Sam Davies (GBR, Savéol)

Jointe pendant la conférence de presse de 9h30 : « Ça pourrait aller mieux. Je suis dégoûtée parce que mon Vendée Globe est fini mais je ne suis pas blessée. C’était compliqué cette nuit car il y avait beaucoup de mer, le mât tapait sur le bateau, la bôme sur le pont. Un winch sur le mât était en train de faire des trous sur le pont. Je voulais attendre le jour pour être plus en sécurité pour dégager le mât mais finalement, j’ai tout coupé.
Le bon côté de cette infortune c’est que ça aurait pu arriver dans des endroits beaucoup plus hostiles et plus difficiles à gérer. Là, je suis à 100 milles, au vent de Madère. J’ai du gasoil, j’ai le moteur et je fais route vers Madère. J’ai le moral dans mes chaussettes rouges (ses chaussettes porte bonheur, comme celles que portait le Néo-zélandais Peter Blake lors de sa Coupe de l’America victorieuse en 1995, ndlr). C’est dur, pas seulement pour moi, mais aussi pour mon équipe technique, pour tous mes amis, les partenaires qui m’ont suivie et qui ont tout donné dans ce projet. C’est là que c’est bien d’être une famille, on peut se soutenir. Il faut surmonter ça, trouver le prochain défi et renaviguer très vite  »

Armel Le Cléac’h (FRA, Banque Populaire)

Hier soir, François Gabart est tombé dans une zone avec moins de vent, on a pu se rapprocher et j’ai réussi à passer devant. Je suis la meilleure route, je prends soin du bateau, c’est un plaisir. C’est la première fois que je me retrouve en tête d’un Vendée Globe, donc ça fait plaisir pour moi et pour toute l’équipe qui a travaillé sur le bateau. Maintenant, la route est très longue et les camarades ne sont pas très loin derrière. Mais c’est sympa. Hier j’ai croisé un cata de croisière en route pour les Antilles qui m’a demandé si les conditions étaient bonnes…

Dominique Wavre (SUI, Mirabaud)

Petit à petit, la mer s’arrondit et actuellement ça glisse tout seul. Il commence à faire beau, c’est un vrai bonheur, c’est de la navigation facile. Ça fait du bien, c’est comme de la récupération après une épreuve. Ça fait plaisir d’être dans le bon peloton après les difficultés du début. (A propos des abandons) Je suis extrêmement désolé pour eux. C’est l’infortune de mer et quand ça arrive au début du Vendée, c’est vraiment terrible. Kito, je vais faire le max pour être le représentant des gens du Sud. Je suis de tout cœur avec Sam et Louis que j’ai appelés par téléphone pour m’assurer qu’elle était en sécurité et lui pour l’encourager.

Arnaud Boissières (FRA, AKENA Vérandas)

Je suis bien triste d’apprendre que Sam a cassé son mât. Moi ça va, ça mouille un peu mais la mer est de plus en plus belle. Ça glisse à nouveau et il y a un petit rayon de soleil. C’est sûr qu’hier après-midi, quand tu es enfermé dans le bateau et que tu sors voir l’état de la mer tu te dis « aïe, aïe, aïe ! ». Aujourd’hui, je vais essayer de me reposer.

Marc Guillemot (FRA, Safran)

Mon bateau est à notre base à Saint-Philibert, à côté de la Trinité. Depuis avant-hier, il est démâté et rangé dans son chantier. A partir de lundi, des experts vont commencer une étude approfondie sur cette rupture de quille. Réponse dans 10-15 jours. Là, on est en train de construire une nouvelle saison pour 2013. Il y a la transat Jacques Vabre. Toute l’équipe est mobilisée pour avancer, même si la digestion va prendre un peu de temps. Pour moi, maintenant, c’est un peu de vacances, pendant dix jours, pour évacuer tout ça et refaire le plein d’énergie.

Kito de Pavant (FRA, Groupe Bel)

La déception ne s’estompe pas, l’hiver va être long pour Marc, Sam, Louis et moi. Ça va être des moments difficiles. A Cascais, nous avons démâté le bateau, protégé et mis à l’abri tout le matériel. Il reste le bateau à réparer. On y retourne la semaine prochaine avec des architectes et des experts pour estimer les dégâts. Ce week-end, je vais aller voir ma petite mère. Elle avait un ulcère avant que je parte et maintenant, elle va beaucoup mieux (rires). Tous vos messages font chaud au cœur. Merci à tous !

Bruno Retailleau

Président de la SAEM Vendée, à propos de l’abandon de Louis Burton : « Il fallait être prudent, c’était un pari audacieux mais Louis l’a tenté. On a des marins qui ont des grands tempéraments et qui sont de grands compétiteurs. Par principe, Louis a bien fait d’abandonner. Les quatre skippers (ndlr : Guillemot, De Pavant, Davies, Burton) ont abandonné mais ils sont en bonne santé et c’est vraiment le plus important. C’est tout de même une immense tristesse. Le risque zéro n’existe pas. Je veux remercier Kito et Marc car je sais que ce n’est pas facile pour eux d’être là avec la déception (ndlr : De Pavant et Guillemot étaient présents à la vacation vendredi midi à Paris). Il faut beaucoup de courage « 

Source

Liliane Fretté Communication

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