Des Dieux et des Hommes

© Rolex / Carlo Borlenghi

Le vent, comme l’esprit, souffle où bon lui semble. Les dieux du vent, du soleil et de la mer se sont donc accordés toute la semaine pour faire de cette 14ème édition des Voiles de Saint-Tropez une nouvelle page à marquer d’une pierre blanche pour plus de cent ans de yachting réunis sur un même plan d’eau. Comme par magie, chaque matin, à l’heure de la sortie toujours si délicate des bateaux, le vent s’était effacé du décor, pour ne réapparaître en fraîchissant qu’au premier coup de canon. Magnanime, il soufflait ensuite avec vigueur, 25 nœuds de vent enregistrés mercredi, pour s’affaisser tranquillement à l’heure critique de la rentrée des quelques 300 concurrents au port. Les 3 comités de course, Modernes, Classiques et Wally n’ont ainsi eu chaque matin que l’embarras du choix pour tracer de Cavalaire à Saint Raphaël les parcours les plus propices à de belles régates variées. Ce sont des skippers comblés et des équipages ravis qui chaque soir ont envahi les ruelles de Saint-Tropez, propageant à terre le trop plein de bonne humeur emmagasiné en mer. Avec 8 courses validées chez les Wally, 5 chez les Modernes et 4 chez les Classiques, les Voiles de Saint-Tropez 2012 réalisent d’un point de vue purement sportif, un sans faute, et honorent de la plus belle des manières la belle histoire du yachting.

Dénouement chez les 15 m
C’était l’une des grandes inconnues du jour ; qui de Mariska ou The Lady Anne allait l’emporter dans le prestigieux groupe si fraîchement reconstitué des 15 mètres JI. Avec seulement deux points de retard ce matin sur les anglais de The Lady Anne, les Suisses de Mariska promettaient l’enfer à leur sistership. Encore fallait-il qu’un voilier vienne s’intercaler pour garantir le triomphe Suisse. Tuiga, de retour après son interruption d’hier pour cause de réparation de la ferrure du « top mast », ne pouvait rêver d’un meilleur come back en course, puisque le voilier amiral du Yacht Club de Monaco réalisait un sans faute, départ en tête, double virement de bord pour passer la Sèche à l’Huile en tête, et déboulé au reaching à pleine vitesse vers l’arrivée en vainqueur. The Lady Anne assurait l’essentiel avec une troisième place, tandis que Mariska, partie du mauvais côté du plan d’eau, manquait totalement son affaire et terminait dernier, assurant ainsi le triomphe de The Lady Anne au classement général, et au championnat des 15 m JI. Tous les protagonistes de cette belle association de Classe reconnaissent ce soir le formidable travail effectué en seulement une année par Hispania et son jeune équipage pour maîtriser une monture pourtant bien rétive.

Mariquita pour un petit point devant Moonbeam
Les grands cotres auriques Mariquita et Moonbeam ne se sont pas lâchés de la semaine. C’est le 19 m JI Mariquita qui s’impose finalement au classement général pour un petit point. Un bien bel hommage à son skipper Jim Thom. Moonbeam of Fife termine au coude à coude avec la grande goélette aurique Thendara.

Du vent et des bascules pour les Modernes
De l’air, mais version capricieuse pour les Modernes à l’extérieur du golfe. Durant toute la mi-journée, le vent majoritairement orienté Sud est n’a cessé de basculer de droite et de gauche, interdisant tout mouillage de lignes correct. Il a fallu attendre 13 heures pour que les IRC puissent enfin en découdre sur un grand triangle d’une quinzaine de milles.

Impérial Génie !
Les Wally naviguent en groupe, mais deux classements leur sont réservés, en fonction de leur taille. Ils ont validé 8 manches cette semaine. Génie domine le groupe des 80 à 90 pieds en s’imposant aujourd’hui à deux reprises lors des parcours « bananes » du jour. Un petit accrochage a impliqué Open Season lors du deuxième départ de nouveau maîtrisé par Génie, avec Seb Audigane à la tactique. Open Season préserve sa victoire chez les « grands », devant Magic Carpet et J One.

Jethou sans forcer – Powerplay au bout du suspens
Le grand Swan Américain Stark Raving Madd James Madden n’aura pas de regrets ce soir ; il s’est imposé au terme du dernier parcours de la semaine. Mais Jethou le proto 60 signe Judel/Vrolijk était décidément intouchable et il l’emporte au général des IRC Ade 3 bons points. Joli renversement de situations en revanche chez les IRC B où Peter Conningham, en remportant la manche du jour sur son TP52 Powerplay dame le pion à Stéphane Neve sur l’autre TP52 Spirit of Malouen VI pourtant en tête toute la semaine. Le Swan 42 Genapi d’Adalberto Miani est un habitué de spodiums Tropéziens. Il s’impose de nouveau cette semaine d’un petit point face au Grand Soleil Néerlandais Eleuthera à Hervé Borgoltz pourtant vainqueur de deux manches ; Guy Curnillon place une nouvelle fois son Sly 42 Cachou sur le podium.

Association de Classe pour les 15 M JI
Ils ont bouclé aux Voiles de Saint-Tropez une première saison exceptionnelle, comprenant les régates Impéria et Cadix ; « ils », ce sont les quatre magnifiques 15 m JI, Tuiga, Mariska, The Lady Anne et Hispania, tous centenaires, tous nés du crayon du Maître William Fife, et tous magnifiquement restaurés dans leur splendeur d’origine. A l’initiative de Bernard D’Alessandri, Secrétaire Général du Yacht Club de Monaco qui arme Tuiga, les quatre grands cotres auriques se sont réunis en association afin d’œuvrer ensemble à l’ouverture et au développement de cette classe : « Nous travaillons tous harmonieusement pour avancer dans la cohérence » explique Bernard D’Alessandri, « tant en ce qui concerne la définition et l’harmonisation des calendriers. Nous sommes à cet égard tombés d’accord pour 2013. Mais nous souhaitons également aller plus loin dans les échanges en matière de connaissance technique, de problème de jauge, d’améliorations etc… L’entraide entre les teams fonctionne déjà à plein. Nous souhaitons enfin promouvoir cette classe, afin d’encourager les initiatives de passionnés qui souhaiteraient construire une réplique ou faire revivre un 15 m… ». On n’a donc pas fini de voir régater bord à bord ces quatre magnifiques cotres.

Ils ont dit :

Sébastien Audigane, Wally Génie
« On gagne les deux manches du jour, et du coup le général. Nous sommes ravis. Cette dernière journée n’était pas facile avec un vent de 7 – 8 nœuds très oscillants. Il fallait réussir les départs pour partir bien dégagés de la flotte. C’est ce que nous avons réussi à faire à deux reprises. Ensuite, il fallait bien lire le plan d’eau et anticiper les bascules du vent qui prenait beaucoup de droite… »

Nicolas Lunven, Raffale (MC 38)
« Les Voiles se terminent de manière anticipée pour nous puisque sur ennui mécanique nous avons jeté l’éponge jeudi soir. C’est décevant pour le propriétaire car le bateau a montré de superbes qualités de vitesse. Il a besoin de fiabilisation. J’ai été heureux de découvrir la magie des Voiles. Le spectacle st ici permanent, dans des conditions de navigation idylliques. Un bonheur pour un amoureux de la mer et des bateaux…»

Yachts extraordinaires :

Hispania
Le 15 mètres Class International Hispania dessiné par William Fife fut commandité en 1909 sur ordre de sa majesté le roi Alphonse XIII. Après une carrière très pleine de succès et d’aventures maritimes dans tous les ports espagnols, le beau Fife est tombé dans l’oubli et a passé 30 ans comme ponton en Angleterre. C’est l’historien des Yachts classiques William Collier, qui, avec l’aide de Jonathan Syrett de chez Camper et Nicholson qui ont rrtouvé le yacht dans un état déplorable, sans quille et enterré dans la vase. La Réal Fundacion Hispania s’est battue durant 11 ans, et a dépensé 3 millions d’Euros pour le reconstruire. La restoration a débuté aux chantiers Astilleros de Mallorca en 2004, en coopération avec Fairlie Restoration. Comme chacun sait, Hispania est le sistership de Tuiga, The Lady Anne et Mariska avec qui il navigue dorénavant.

Pour mémoire, Hispania est le nom que les romains ont donné à la péninsule ibérique.

Aschanti IV of Vegesack

L’architecte allemand Henry Gruber a dessiné une goélette bermudienne rapide et racée. Construite en 1954 au chantier, Ernst Burmester à Brême, elle multiplie les apparitions en Méditerranée aux mains de ses propriétaires italiens. Avec un pont et des superstructures en teck de Birmanie, les mâts et les bômes en spruce du Canada , Henry Gruber a réalisé un bateau à la fois luxueux et compétitif en régates. Il a plusieurs fois hésité sur le nom du bateau, le yacht a été enregistré sous le nom de Marie Pierre, puis Ashanti of Saba avant d’être définitivement baptisé. L’architecte d’intérieur Dee Robinson a réalisé tous les aménagements.

Emilia

Le cotre Bermudien Emilia attire les objectifs sur le plan d’eau de Saint-Tropez, et pas seulement parce que le chanteur Québécois Robert Charlebois navigue à bord. Rapide, élégante, Emilia brille sur tous les plans d’eau Méditerranéens. L’histoire d’Emilia commence en 1929, quand les Chantiers Costaguta de Gênes-Voltri commencent la construction d’un 12 Mètres Jauge Internationale, la second en Italie, d’après les plans de l’ américain Lewis Francis Herreshoff, fils de Nathanael Herreshoff. Mis à l’eau le 16 septembre 1930, ce splendide et rapide schooner participera pendant 10 ans à des régates-croisières en Méditerranée, très en vogue à l’époque. Depuis 1950 le yacht navigue entre Portofino et la Côte d’Azur. Il s’établit ensuite dans les eaux vénitiennes et yougoslaves, jusqu’à ce qu’en 1988 une noble Piémontaise lui redonne son charme originel. L’armateur actuel lui a offert une nouvelle restauration en 1998/99. Emilia continue à offrir les mêmes émotions que celles des jours glorieux du yachting, elle est aujourd’hui admirée comme alors. Emilia est le second « 12 mètres » construit en Italie. Le premier était « La Spina », fabriquée par Baglietto de Varazze. La Classe des 12 mètres, créée en 1906, a été support de la Coupe de l’America de 1958 à 1987.

C’est aux Voiles, et nulle part ailleurs…

Les adieux de Jim
Le Britannique Jim Thom est le skipper attitré du grand cotre aurique Mariquita, dessiné par Fife en 1911. Il effectuait aujourd’hui aux Voiles sa dernière sortie à bord de sa chère goélette. Mariquita change de propriétaire et Jim ne présidera plus aux destinées de ce survivant de la classe des 23 m IR. C’est pour lui rendre hommage, que quelques minutes avant les procédures de départ de la régate du jour, tous les beaux voiliers de la grande classe classique se sont réunis autour de Mariquita ; un grand moment d’émotions qui traduit plus que tout beau discours le respect, l’estime partagé des gens de mer…

Il Moro de Venezia à Saint Tropez ;
Les italiens ont construit 5 voiliers de la Classe International pour la Coupe de l’America 1992, et l’équipe Il Moro Challenge menée par Raul Gardini. Cette équipe remportera la Coupe Louis Vuitton en 1992 mais échouera dans sa conquête de la Coupe de l’America. Les bateaux de l’International America’s Cup Class (IACC) constituaient en 1992 un tout nouveau design, destiné à remplacer les 12 mètres en activité de 1958 à 1987. Gardini réunit une équipe de designers internationaux, dont l’argentin German Frers et l’américain Robert Hopkins. L’équipe technique comprenait Fernando Sena, Laurent Esquier et Paul Cayard. La construction du premier Il Moro a débuté en 1990 ; ITA-1 est la première coque créée par cette équipe de designer. Le bateau fut lancé à venise en mars 1990. 5 autre Il Moro suivront jusqu’en décembre 1991. Il Moro di Venezia premier du nom navigue à Saint-Tropez.

Cachalots…
Les pêcheurs qui participent en tant que bénévoles à l’énorme logistique sur mer comme sur terre de l’organisation des Voiles vous le diront ; de gros mammifères marins s’intéressent aussi aux belles coques qui fendent l’onde du golfe. Hier encore, et au beau milieu du parcours, un cachalot long de 15 mètres est ainsi venu plonger devant l’étrave des bateaux…

Edition…

Une saison classique 2012 – Odile Boyé-carré et Patricia Lascabannes
Odile et Patrica nourrissent toutes deux la même passion pour les Voiles de Saint-Tropez, née à l’époque de la Nioulargue. Elles ont unis leur passion et leur travail l’a n passé dan sun premier ouvrage intitulé « Une saison classique », qui réunissait le meilleur de leur travail sur les yachts classiques en Atlantique comme en Méditerranée. Une saison Classique 2012 se présente sur le même principe, le regard croisé de deux photographes de mer, de deux femmes habitées de la même passion pour conter en image la magie des régates de yachts classiques. 96 pages, disponibles à la souscription.
www.boye-carre.com et www.lascabannes.com

Lexique…
Balestron : espar qui sert à tendre une voile.
Sur une voile à livarde, le balestron (appelé ici livarde) est un espar placé en diagonale pour tendre la voile.Sur le flèche d’un gréement à corne, la bordure peut être prolongée d’un balestron qui déborde le pic de la grand-voile. On appelle également balestron l’espar au moyen duquel on maintient hors de ses bossoirs une embarcation prête à être amenée.
A l’origine, le balestron est la vergue intermédiaire au milieu des huniers, à l’origine des huniers fixes et volants.

Flèche : partie supérieure effilée d’un mât composé.
Le flèche (ou voile de flèche) désigne la voile triangulaire ou quadrilatérale placée dans l’espace libre entre la corne d’artimon et le mât de hune d’artimon. Elle peut être en une seule pièce ou en deux, pour éviter de raguer sur le martinet, ou la suspente de corne. Si la voile est quadrangulaire elle possède elle-même une vergue ou corne. On appelle barres de flèche les pièces de bois ou de métal qui écartent les haubans du mât et confèrent à celui-ci une meilleure tenue lorsqu’il est soumis à des contraintes importantes.

Houari : voile à corne apiquée, au point de ressembler parfois à une voile bermudienne.

Source

Maguelonne Turcat

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