Le panachage cannois

© DR

La 34ème édition des Régates Royales-Trophée Panerai s’est achevée un jour plus tôt en raison des conditions météorologiques orageuses qui ont balayé la baie de Cannes ce samedi. Mais les yachts classiques ont pu enchaîner quatre manches très variées entre vent volage et grains musclés : les quatre-vingt-sept équipages ont eu de quoi s’exprimer pour le plus grand bonheur des spectateurs…

Il y aura tout eu à Cannes ! Plus de trente nœuds de vent jusqu’à zéro ou presque, un soleil radieux et un déluge de pluie, une mer lisse comme un miroir et des vagues courtes et abruptes, des bascules de vent et des lumières impressionnistes, mais il y a surtout eu des régates intenses, des départs incisifs, des passages aux bouées percutants, des embouteillages sur la ligne d’arrivée, des retournements de situation, des remontées fantastiques, des arrêts buffet spectaculaires… Et des manœuvres sublimes quand Elena, l’immense goélette dessinée par Nathanaël Herreshoff (50,71m) envoyait toute la toile, flèches et voiles d’étai, trinquette et clin foc… Lorsque le Class J Shamrock V hissait son gigantesque spinnaker par vingt nœuds de brise, quand Mariquita croisait à quelques mètres Thendara ou Moonbeam, quand les deux voiliers canadiens Aloha et Lady Van tricotaient contre le vent, quand l’armada des Pen Duick s’alignait comme à la parade…

Un Dragon aurique !

C’est dans la catégorie des Spirit of Tradition que la bataille a été âpre avec vingt partants et surtout deux petits nouveaux qui ont trusté le haut du tableau : sur une coque de Dragon, Jacques Fauroux a imaginé un gréement aurique qui a boosté les performances de ce plan Anker de 1929 (voir ci-dessous : un jour, un bateau). Catleya mené par l’architecte méditerranéen et Highlander barré par Jean-Nicolas Bndaletoff ont survolé la flotte à l’exception de la manche 3 nettement plus ventée. Seul Nada, le 6mJI a pu suivre le rythme en terminant troisième au classement général tandis que Sea Lion remportait la régate musclée de jeudi.

Les Classiques rassemblaient d’anciens voiliers IOR comme Sagittarius, Ojala II, Running Tide ou le célèbre Il Moro di Venezia, ainsi que des voiliers mythiques comme Pen Duick II ou Pen Duick V, mais c’est le plan Olin Stephens Arcadia de 1968 qui s’impose devant son confrère du même architecte mais de 1969, Maria Giovanna 2… Chez les Marconi de plus de 15 mètres, Leonore a réalisé le sans faute : l’ex-Cottom Blossom II, Q-Class conçu par Johan Anker en 1925 a relégué Skylark, le yawl venu pour la première fois aux Régates Royales-Trophée Panerai. Et parmi leurs petits frères de moins de 15 mètres, Cholita imaginé en 1937 par Nicholas Potter a dû batailler ferme face à la plus petite unité présente à Cannes, Dainty un plan Westmacott de 1922 et Sonda, premier des trente 8MCR dessiné par l’Ecossais Mc Gruer en 1951.

Cathédrales de voiles

Les plus grands yachts classiques des Régates Royales de Cannes portaient jusqu’à 1 200 m2 de toile ! Et quand 220 tonnes s’ébrouent dans le clapot court de la baie de La Napoule par vingt nœuds de brise, l’écume défile sur les bordés et les « confrères » du début du siècle dernier ont fort à faire pour tenir le rythme. Trois voiliers terminent à égalité de points, suite à une succession de manches très disputées : Thendara, le ketch aurique de 1935 conçu par Alfred Mylne, s’adjuge la victoire finale grâce à ses deux régates gagnées, devant Moonbeam of Fife 3 et Moonbeam IV ! Derrière le 19mJI Mariquita s’octroie la première confrontation alors que son petit frère, le 15mJI Mariska s’est avéré moins à l’aise dans les conditions tordues. Tous les quatre sont de plans de William Fife…

Restaient les Aurique du début du siècle dernier et là encore, Cannes a démontré que ces magnifiques voiliers remarquablement entretenus, pouvaient aussi se livrer à de hautes luttes. Cinq d’entre eux auraient pu prétendre à une place sur le podium à l’image de Oriole, le NYYC-30 de 1905 dessiné par Nathanaël Herreshoff, ou de Kelpie, un plan d’Alfred Mylne et l’un des huit Solent 38 OD construit en 1903. Mais au final, le Camper & Nicholson de 1896, Avel s’impose devant Bona Fide, le 5 Tonneaux Godinet dessiné par Charles Sibbick en 1899 et Nan of Fife, le plus ancien des yachts classiques naviguant encore sur les plans de William Fife III. Demain dimanche en fin de matinée, une cinquantaine des équipages ayant participé à cette 34ème édition des Régates Royales-Trophée Panerai s’élancera pour rallier Saint-Tropez.

Classement général Époque Aurique

1-Avel (Chris Austin) 7 points
2-Bona Fide (Beppe Zaoli) 8 points
3-Nan of Fife (Philippe Menhinick) 9 points

Classement général Big Boats

1-Thendara (Markus Schweiger) 6 points
2-Moonbeam of Fife 3 (Erwan Noblet) 6 points
3-Moonbeam IV (Mickaël Créac’h) 6 points

Classement général Marconi +15m

1-Leonore (Brad Swain) 3 points
2-Skylark of 1937 (Tony Morse) 9 points
3-Mercury (Jordi Cabau) 14 points

Classement général Marconi -15m

1-Cholita (Bruno Roma) 4 points
2-Dainty (Mike Hollis) 8 points
3-Sonda (Pascal Borel) 9 points

Classement général Spirit of Tradition

1-Catleya (Jacques Fauroux) 3 points
2-Highlander (JN Bonaletoff) 6 points
3-Nada (Marcus Fitzgerald) 12 points

Classement général Classique

1-Arcadia (Raphaël Coldefy) 4 points
2-Maria Giovanna 2 (Jean-Pierre Sauvan) 11 points
3-White Dolphin (Yann Delplace) 13 points

Un jour, un bateau

L’idée vient de Cannes ! A force de côtoyer les yachts classiques et les Dragon lors des Régates Royales, l’architecte Jacques Fauroux avec Jacques Lalanne et Christian Boillot, imagine d’adapter sur une coque de Dragon un gréement aurique survitanimé. Car le monotype est un plan de Johan Anker qui date tout de même des premiers temps du Marconi, 1929 ! Lui redonner un look et le rendre encore plus véloce dans les petits airs, voilà le challenge pour ce petit quillard qui affectionne les plans d’eau intérieurs. Le premier exemplaire du Dilong est ainsi le premier Dragon construit en bois moulé en 1947 par Camper & Nicholson. Le mât, la bôme, le gui sont réalisés en carbone et les résultats de ce très joli day-boat sont éloquents, autant en Atlantique (Festival de l’île aux Moines, Voiles de légendes à La Baule), qu’en Méditerranée puisque Catleya remporte à Cannes le trophée dans la classe des Spirit of Tradition, talonné pas son sistership Highlander !

Caractéristiques du Dilong

  • Architectes : Anker & Fauroux
  • Constructeur : Focus Esprit de Légende Yachts
  • Longueur hors-tout : 9,75 m
  • Largeur : 1,96 m
  • Tirant d’eau : 1,20 m
  • Déplacement : 1 700 kg
  • Lest : 1 000 kg
  • Surface GV : 22,80 m2
  • Surface flèche : 6,30 m2
  • Surface génois : 19,60 m2
  • Surface foc : 7,80 m2
  • Surface spi asymétrique : 50 m2

Une date, une classe

Issus de la Jauge Métrique créée en 1906 à Londres pour harmoniser les règles entre voiliers américains, britanniques, scandinaves, français et suisses, les 15mJI sont les grands frères des 12mJI, connus pour leur participation à la Coupe de l’America entre 1958 et 1987. La catégorie avait même été retenue pour les Jeux Olympiques de 1908 à Londres aux côtés des 6mJI, 7mJI, 8mJI et 12mJI, mais l’absence de concurrents réduisit à néant les efforts pour dynamiser cette nouvelle série.

Le premier des 15mJI construit est le plan Mylne (1907) Ma’oona et le dernier réalisé fut Isabel-Alexandra, un plan de Johan Anker (1913), le père du Dragon… Il n’y eu finalement que dix-neuf 15mJI mis à l’eau : Shinna (Fife 1908), Mariska (Fife 1908), Ostara (Mylne 1909), Vanity (Fife 1909), Tuiga (Fife 1909), Hispania (Fife 1909), Anémone II (Chevreux 1909), Encarnita (Guédon 1909), Jeano (Mylne 1910), Sophie-Elizabeth (Fife 1910), Paula II (Mylne 1910), Senta (Oertz 1911), The Lady Anne (Fife 1912), Istria (Nicholson 1912), Maudrey (Fife 1913), Paula III (Nicholson 1913), Pamela (Nicholson 1913). Mais il ne reste plus en état à ce jour que Mariska, Tuiga, Hispania et The Lady Anne…

Après deux années et demie de travaux de rénovation par les Charpentiers Réunis de Méditerranée installés à La Ciotat, Mariska a retrouvé le faste de sa jeunesse ! Découvert dans le Nord de la Hollande à l’état de house-boat avec 3,50 mètres en moins et des emménagements totalement transformés, le troisième 15mJI construit a subi une véritable cure de jouvence en remplaçant une pièce sur deux et en ajoutant neuf membrures supplémentaires par rapport aux 72 qui compose sa structure. Mariska fut à l’origine commandé par A.K. Stothert, un armateur de voiliers de course depuis 1894… Il remporte la Coupe Internationale des 15mJI à Cowes en 1909, mais est revendu au capitaine F.E. Guest, puis rejoint les eaux suédoises avant d’être transformé en yawl en 1923 par un nouveau propriétaire : il restera un voilier de croisière jusqu’en 2001 avant de s’amarrer sur un canal hollandais.

Tuiga est sans conteste le plus assidu des yachts classiques sur les rendez-vous méditerranéens et même bretons et britanniques ! Ce 15mJI construit en 1909 sur les plans de William Fife pour le Duc de Medinacelli est un sistership d’Hispania, le voilier du roi d’Espagne Alphonse XIII.

Caractéristiques de Mariska

  • Architecte (année) Fife (1908)
  • Constructeur W. Fife & Son
  • Restauration Charpentiers Réunis (2009)
  • Longueur hors tout 27,60 m
  • Longueur de coque 23,40 m
  • Flottaison 15,85 m
  • Largeur 4,20 m
  • Tirant d’eau 2,75 m
  • Surface de voile (près) 380 m2
  • Déplacement 35 t

Source

Soazig Guého

Liens

Informations diverses

Sous le vent

Au vent