Rester calme dans les calmes

© Ricardo Pinto / MOD S.A.

« Il y a plein de dauphins tout autour du bateau. On est en short et T-shirt, pieds nus, casquette et crème solaire obligatoires ». A une quinzaine de milles au large des côtes espagnoles, dans le sud-ouest de cap de Gata, la carte postale n’est idyllique qu’en surface. Depuis hier soir et le passage du détroit de Gibraltar, la flotte des cinq MOD70 se démène pour sortir des mailles d’une vaste zone sans vent en mer d’Alboran. Musandam-Oman Sail emmène toujours le lent cortège et a même tendance à creuser l’écart…

Les grands trimarans avancent par à-coups sur une mer d’huile où certains ont passé cette nuit quelques heures à l’arrêt, à la merci du courant. Ce midi encore, des anémomètres apathiques affichaient des vitesses de vent entre 1 et 3 nœuds. Ironie du sort, ce sont les deux derniers bateaux de la flotte qui subissent le plus. Relégués à plus de 75 milles des leaders, Groupe Edmond de Rothschild et Spindrift racing (qui a perdu beaucoup de terrain hier après avoir cassé puis réparé son point d’amure de gennaker) sont tombés dans un trou d’air hier soir et ont bien du mal à en sortir. Depuis, ils naviguent quasiment bord à bord, comme pour s’épauler dans leur épreuve. Une situation décrite comme un vrai « guêpier » voire comme un « pot de pus » par les deux skippers Sébastien Josse et Yann Guichard.

Stoïcisme obligatoire

Dans ce contexte, les mots d’ordre sont : rester calme, très calme, positiver… et advienne que pourra. La seule solution, nous dit Seb Josse à la vacation de midi : patience !
Sur le pont, malgré la chaleur torride, barreurs et régleurs tentent de faire porter les voiles et quand elles portent, de faire avancer au mieux les grands trimarans, devenus d’un coup un peu patauds. Depuis le départ de Cascais il y a 48 heures, la vitesse moyenne de la flotte n’excède pas les 9,5 nœuds, bien en deçà du potentiel des MOD70. Ce qui fait dire à Michel Desjoyeaux, dans un message envoyé ce matin : « on est sur des bateaux qui vont à plus de 30 nœuds et depuis quelques temps, on s’en sert à 10%. Il serait temps de remettre le ventilateur en route ». En guise de ventilateur, les concurrents situés le plus près des côtes espagnoles (Spindrift racing et Groupe Edmond de Rothschild) peuvent espérer toucher aujourd’hui des brises thermiques. Plus au large, le tiercé de tête attend patiemment l’installation d’un léger flux de sud-ouest.

Les Omanais maintiennent leur avance

Pour l’instant, la situation profite à l’équipage qui a pris la tête il y a plus de 24 heures au niveau du cap Saint Vincent : Musandam-Oman Sail. Joint ce matin au téléphone, Sidney Gavignet avait le ton limpide et léger de celui qui n’a rien à craindre. Ou presque. « Ça se passe pas mal pour nous, mais on ne s’emballe pas ». A moyen terme, la situation météo semble pourtant les conforter dans leur leadership puisque comme souvent dans les courses à la voile, ce sont les bateaux de tête qui touchent les premiers les vents nouveaux.

24 milles dans le sillage du team omanais, Race for Water et FONCIA s’en sortent assez bien eux aussi et sont galvanisés par le nouveau duel qui les animent. Les équipages de Stève Ravussin et de Michel Desjoyeaux n’ont même pas besoin de jumelles pour se surveiller : ils naviguent à vue.
Pour tous, la nuit sera encore très calme avant l’instauration progressive demain dimanche d’un léger flux de sud-est. Comme dirait Michel Desjoyeaux : wait and sea !

Ils ont dit… à la vacation de la mi-journée

Steve Ravussin, skipper de Race for Water : « Conditions lémaniques » :
« Depuis hier après Gibraltar, on est dans de toutes petites conditions très légères. On s’est déjà arrêté plusieurs heures : ce sont de vraies conditions lémaniques !
On essaye de faire marcher le bateau le plus possible par rapport à la route, on n’a pas trop le choix. Mais tout va bien, on est calme et on fait du mieux possible.
Cette nuit, c’était incroyable, il y avait énormément de brouillard et une bruine fine, il pleuvait sur le bateau tellement il y avait de l’humidité dans l’air, on voyait les étoiles mais pas les cargos, on entendait juste leur corne de brume. On est dans un entonnoir donc il y a pas mal de trafic, on a eu pas mal de dauphins hier et du krill qui nageait en surface. Ce matin, ça s’est un peu éclairci, il fait chaud, on est en T-shirt, on se protège du soleil. J’ai bien peur qu’on reste encore pas mal de temps dans ces conditions, mais il faut rester positif. Dès ce soir, on aura peut-être plus de vent … on espère que tout cela va nous rapprocher de Marseille ! Sinon, FONCIA est juste derrière nous, on le voit. Les MOD70 sont tous identiques et normalement, ils vont tous à la même vitesse. Mais il faut toujours travailler pour les faire avancer. »

Sébastien Josse, skipper de Groupe Edmond de Rothschild : « une seule solution : la patience »
« Nous sommes en short, T-shirts, pieds nus, casquette et crème solaire. On a pas mal de petits dauphins un peu partout et pas mal de cargos aussi, il y a de la vie dans le coin. La mer est super plate. Le vent oscille entre 1 et 3 nœuds avec de grosses variations, donc pas évident de se sortir du guêpier. Une seule solution : la patience. La nuit dernière a fait des écarts. Maintenant, il faut attendre que le vent se réinstalle pour pouvoir redémarrer. Aujourd’hui, on va essayer de compter sur des brises thermiques. Il fait chaud, donc ça devrait s’installer en début ou milieu d’après-midi. Puis dans 24 heures, le sud-ouest doit arriver. Mais je pense que les bateaux qui ont un avantage aujourd’hui le garderont jusqu’à la fin. C’est toujours énervant de voir des bateaux qui étaient à moins de 100 mètres s’envoler et de ne pas pouvoir accrocher le wagon. C’est normal, on est là pour faire la course. Quand on a choisi une position et que ça décolle juste à côté, oui, c’est assez rageant mais ça fait partie du jeu de la voile. »

Yann Guichard, skipper de Spindrift racing: « Rester calme »
« La nuit dernière, ça a été compliqué pour tout le monde et pour nous spécialement. On a eu un problème sur le gennaker. Avant de passer Gibraltar, le point d’amure a cassé, le gennak est parti en vrac sous le vent, c ‘était un peu chaud, on a réussi à l’affaler, à réparer l’amure et à repartir. On a dû perdre une bonne dizaine de milles là dessus. C’est pour ça qu’on s’est fait décrocher par FONCIA et Gitana. Ensuite, la nuit s’est passée avec entre 0 et 2 nœuds de vent. Avec le courant, les instruments (de navigation) étaient complètement à l’envers, donc pas facile de faire avancer le bateau dans ces conditions.
Pour l’instant, ça ne redémarre toujours pas. C’est mer d’huile. Gitana, dans le sud, a redémarré, mais nous, on est encalminé, on essaye de ressortir de ce pot de pus mais on a un peu de mal. Sur les fichiers météo, en plus, ça repart par devant, donc ce n’est pas très bon signe pour la suite. Mais bon, on reste positif. On est là où on est. Il faut maintenant essayer de faire avancer au mieux le bateau le long de ces côtes espagnoles pour ne pas prendre trop de retard. Il faut essayer de ne pas trop se faire larguer par Gitana, parce que je pense que ça va se jouer avec eux jusqu’à la fin. Donc, il faut « être dessus » et rester calme. Sinon, il fait très très chaud, dans le bateau c’est la fournaise. Dehors aussi et là, on est entourés de dauphins… ça serait bien qu’ils nous poussent un peu. »

Source

Caroline Muller

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