Irish Coffee

© Lloyd Images/Oman Sail

Le départ de la deuxième étape du MOD European Tour a été donné ce dimanche à 16h (heure française) sous une jolie brise de Sud-Ouest d’une quinzaine de nœuds. Mais dès que les trimarans vont quitter Dun Laoghaire, le vent va prendre des tours et la mer devenir nettement plus mouvementée. Sébastien Josse était le premier à effectuer le parcours préliminaire en baie de Dublin, suivi par Yann Guichard et Stève Ravussin. 1 215 milles restent à parcourir jusqu’à Cascais pour une arrivée prévue mercredi matin…

Comme les trois étages d’un irish coffee, cette deuxième étape du MOD70 European Tour offre trois couches très différentes entre Dun Laoghaire (Irlande) et Cascais (Portugal). Une première partie où il faudra boire jusqu’à la lie un flux de Sud-Ouest contraire dans un canal Saint-Georges plutôt viril : 25 nœuds de vent sur une mer qui va secouer fortement les estomacs… Sans aller jusqu’à tituber sous les chocs répétés des vagues amplifiées par le courant de marée, les trimarans vont zigzaguer pour atteindre un phare du Fastnet qui offrira une petite pause. La brise qui montera parfois jusqu’à trente nœuds et plus sous les grains au passage du front froid le long des côtes Sud de l’Irlande, va sensiblement mollir et surtout devenir plus instable et irrégulière.

Phare Ouest et fairway

Après l’enroulement du phare irlandais, c’est une phase de transition qui pourrait être déterminante pour la suite du programme : selon l’évolution de ce système météorologique complexe dû à la présence d’un centre dépressionnaire associé à deux fronts en déliquescence, les MOD70 vont se sortir de cette nasse plus ou moins rapidement pour reprendre leurs esprits… et leur route vers le Sud. Car les vapeurs éthérées de la perturbation vont faire place à une haute pression en marche vers le golfe de Gascogne. Cette deuxième partie sombre et amère comme un café serré, sera la plus longue et la plus délicate à négocier car il faudra composer avec l’arrivée d’une dorsale anticyclonique par l’Ouest et d’un thalweg se délitant dans l’Est.

Le golfe de Gascogne est pimenté de trous de vent et il ne sera pas si simple de « putter » poussé par ces brises portantes de secteur Nord qui risquent fort de mollir au fur et à mesure que la flotte va entrer dans le golfe de Gascogne. La glissade rapide en mer Celtique s’annonce plus poussive dès la latitude de Bordeaux et franchement incertaine jusqu’au large du cap Finisterre. C’est là qu’il faudra trouver le bon chemin pour se positionner sur le « fairway » en vue du coup final : plus au moins au large des côtes ibériques en évitant de « s’ensabler » dans les vents mouvants près des rives lusitaniennes.

Tassage dans le Tage

Mais c’est la dernière couche qui, bien qu’elle soit la plus courte en distance, pourrait être la plus laborieuse : à quelques dizaines de milles de l’entrée du Tage, une compression devrait se produire comme cela s’est déjà déroulé à l’arrivée de la première étape. Le ralentissement général dans cette « crème » de brise légère et gluante va déterminer la hiérarchie finale si aucun des cinq équipages n’a fait le break auparavant. Une arrivée groupée pourrait ainsi créer des chambardements difficiles à prévoir puisque le parcours impose de rentrer dans le Tage jusqu’à Cascais avant d’en ressortir pour descendre encore plus Sud le long du Portugal jusqu’au cap Saint-Vincent. Et là encore, il faudra gérer le compromis route directe le long des côtes et brise plus consistance au large. 240 milles aller-retour pour ce finish qui ouvre les vannes de nouveaux bouleversements…

Quant au parcours préliminaire devant Dun Laoghaire ce dimanche après-midi, il était l’occasion de distribuer quelques points bonus aux plus percutants des équipages. Et à ce jeu dans une belle brise de Sud-Ouest, Sébastien Josse et ses hommes et Yann Guichard et son équipage se sont livrés à une belle bataille : en tête sur le premier tour, Spindrift racing laissait la tête à Groupe Edmond de Rothschild lors du deuxième tour, ce qui lui apportait trois points bonus. Quant à FONCIA, il a dû effectuer une pénalité lorsqu’en peinant à virer de bord, il n’a pu s’écarter de la route de Musandam-Oman Sail. Après ce round d’observation, Race for Water était bien revenu dans le match au point que Stève Ravussin et ses cinq équipiers prenaient le commandement lors du premier long bord de près en direction de la pointe de Tuskar…

Classement du parcours préliminaire devant Dun Laoghaire

  1. Groupe Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) = 3 points bonus
  2. Spindrift racing (Yann Guichard) = 2 points bonus
  3. Race for Water (Stève Ravussin) = 1 point bonus
  4. Musandam-Oman Sail (Sidney Gavignet)
  5. FONCIA (Michel Desjoyeaux)

Les équipages de la deuxième étape :

  • Race For Water : Stève Ravussin (SUI), Yvan Ravussin (SUI), Franck Cammas (FRA), François Morvan (FRA), Loïc Forestier (SUI), Tanguy Cariou (FRA),
  • FONCIA : Michel Desjoyeaux (FRA), Antoine Carraz (FRA), Thierry Chabagny (FRA), Charles Caudrelier (FRA), Emmanuel Leborgne (FRA), Xavier Revil (FRA)
  • Groupe Edmond de Rothschild : Sébastien Josse (FRA), Antoine Koch (FRA), Thomas Rouxel (FRA), Christophe Espagnon (FRA), Florent Chastel (FRA), Olivier Douillard (FRA)
  • Spindrift racing : Yann Guichard (FRA), Léo Lucet (FRA), Pascal Bidégorry (FRA), Jacques Guichard (FRA), Yann Eliès (FRA), Thierry Douillard (FRA)
  • Musandam-Oman Sail : Sidney Gavignet (FRA), Fahad Al Hasni (OMA), Moshin Al Busaidi (OMA), Brian Thompson (GBR), Jean-François Cuzon (FRA), Thomas Le Breton (FRA)

Classement du MOD70 European Tour

(Kiel City Race + 1ère étape avec bonus + Dun Laoghaire City Race)

  1. FONCIA (Michel Desjoyeaux) 12+53+10 = 75 points
  2. Spindrift racing (Yann Guichard) 11+47+12 = 70 points
  3. Groupe Edmond de Rothschild (Sébastien Josse) 10+44+11 = 65 points
  4. Race for Water (Stève Ravussin) 8+38+9 = 55 points
  5. Musandam-Oman Sail (Sidney Gavignet) 9+34+8 = 51 points

Ils ont dit

Michel Desjoyeaux (FONCIA)

Cette deuxième étape est intéressante : beaucoup de louvoyage pour atteindre le Fastnet dans des conditions « costaudes », puis un grand bord pour descendre vers le Portugal qui n’est pas si simple qu’il n’y paraît. Même si les routages ont l’air cohérents, il y aura des subtilités à gérer ! En fait, il y aura des vents plus forts d’un côté et des brises mieux orientées de l’autre… C’est tant mieux puisque ce sera la seule étape où il faudra naviguer au grand large : le terrain de jeu est très ouvert dès que nous aurons paré le Fastnet. A priori, on ne va s’approcher des côtes que le long du Portugal, voire même au dernier moment pour passer la pointe d’entrée du Tage.

Sidney Gavignet (Musandam Oman Sail)

Il y a deux gros morceaux : du près et du portant avec entre les deux, un moment clé, le passage du Fastnet. Et un troisième moment important à l’arrivée : la brise va probablement tamponner le long du Portugal. On pourrait se retrouver avec le même scénario que la première étape où il y a eu un regroupement général dans les derniers milles… Cela nous fait trois nuits en mer dont la première musclée.

Yann Guichard (Spindrift racing)

C’est une étape très importante : il faut combler notre écart de points sur Foncia sur cette course qui peut être assez piégeuse. Il y aura un gros passage à niveau au Fastnet car il y a une dépression qui se comble avec un front à négocier. La descente au portant sur Cascais devrait nous faire faire une belle courbe en « aile de mouette » : le timing de l’empannage sera important. Il vaut mieux être devant parce que plus on est en retard sur l’évolution des systèmes météo, plus on aura du mal à passer la dorsale dans un vent faiblissant.

Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild)

Le schéma météo est un peu plus facile à appréhender que pour la première étape : moins de marques de parcours, plus d’ouvertures stratégiques. Les douze premières heures s’annoncent engagées avec une quinzaine de virements de bord jusqu’au passage du Fastnet. Il y aura alors une transition délicate à négocier avec le passage d’un front. Le premier qui passe le phare allonge l’élastique ! Ce sera donc intense toute la nuit prochaine pour prendre l’ascendant et virer en pole position le Fastnet : c’est un avantage très important car le leader sera favorisé par les conditions météorologiques à suivre…

Stève Ravussin (Race for Water)

C’est une étape pour Franck Cammas ! Dans le même esprit que celles de la Volvo Ocean Race… Il y a du près pour aller au Fastnet et on va se retrouver à la queue-leu-leu. Après c’est plus compliqué avec les passages successifs de front en descendant vers l’Espagne. Il va y avoir plein de différences de rythme sur cette manche : il ne faudra pas être décroché au Fastnet mais ce n’est pas à ce stade que la course sera jouée. Il y aura beaucoup de petits systèmes météorologiques à surveiller et à contourner. Et ce ne sera pas forcément plus simple à la fin, en arrivant dans le Tage !

Source

Caroline Muller

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