Pas de médaille pour les Français

© David Staley

Après une longue matinée d’attente, c’est à 13h50 pétante que les trois coups de pistolet annonçant l’annulation de la journée ont résonné, entraînant un profond abattement dans le camp français. Les skippers tricolores, tous deux 4èmes du général, auraient en effet donné n’importe quoi pour aller sur l’eau et jouer leur chance aujourd’hui. Malheureusement, le vent en a décidé autrement et le plus déçu est sans doute Bruno Jourdren qui termine à … zéro point du podium en Sonar. « Quand tu ne peux pas régater alors que tu es à égalité de points du bronze et à deux points de l’argent, c’est un peu les boules ! » lâche Bruno alors que Damien Seguin, lui aussi 4ème en 2.4 avoue qu’il va « mettre un peu de temps à digérer » cette médaille en chocolat alors que seul l’or avait de la valeur à ses yeux. Pour le porte drapeau de l’équipe de France, ultra favori avant ces Jeux, cette contre performance s’explique surtout par la réclamation à son encontre le premier jour et qu’il a trainé comme le pansement du Capitane Haddock toute la semaine au gré des réexamens et des réouvertures. « Forcément, j’y pensais tout le temps » souligne Damien qui a passé- en moyenne – une heure et demie tous les soirs à essayer de convaincre le jury de revenir sur sa décision.

Malgré, ou à cause de, ces résultats, Bruno Jourdren et Damien Seguin ont décidé de poursuivre dans le sport paralympique. « On va établir un programme pour prendre notre revanche dans quatre ans ! » annonce Bruno qui s’apprête pour l’instant à reprendre la barre de son 40 pieds alors que Damien – qui navigue également en 40 pieds – participera à l’automne à une régate en 2.4. « Il reste du travail pour la voile paralympique en France et je veux continuer à en être moteur » explique Damien avant de poursuivre : « mon but est d’amener des jeunes à pratiquer, que ce soit en haut niveau ou en loisir pour que les sélections soient plus disputées qu’aujourd’hui ».

Le porte drapeau de l’Equipe de France va demain se rendre à Londres pour soutenir les athlètes français encore en compétition mais il considère d’ores et déjà ce rôle comme « une expérience extraordinaire » et salue l’engouement fabuleux des Anglais pour les sports paralympiques : « C’est un événement qui, maintenant, se suffit à lui-même et c’est une vraie satisfaction ».

Les interviews

Interview de Damien Seguin :
Terminer 4ème et ne pas pouvoir défendre ses chances, c’est la double peine ?
« C’est un peu la double peine de ne pas avoir pu courir aujourd’hui mais en même temps, ça fait deux jours que l’on sait que cette dernière journée serait compliquée. Paradoxalement, ces conditions auraient été idéales pour moi, c’était le meilleur scénario pour revenir. Malheureusement, il n’y a pas assez de vent. Le début et même le milieu du championnat ne se sont pas déroulés comme je l’aurais souhaité. Pourtant, c’est un événement que j’avais bien préparé, avec l’expérience des JO précédents. Le travail a été optimum avec Thierry (Poirey, le coach, ndlr) et le reste de l’équipe. J’étais prêt mais c’est la particularité des grandes compétitions qu’il y ait de la lutte sur l’eau et des réclamations.

Selon-toi, cette réclamation du premier jour t’a pénalisé ?
Ça a joué. Forcément, j’y pensais tout le temps. Quand tu croises l’adversaire sur l’eau, tu y penses et ça prend de l’énergie. J’ai passé tous les jours 1h30 en jury. Ça n’empiète pas sur la récupération mais ça occupe le cerveau. C’était une décision qu’on trouvait injuste et on a été content de la rouvrir. Si on ne l’avait pas fait, on le regretterait certainement aujourd’hui.
Je vais mettre un peu de temps à le digérer. Ça fait très longtemps que je n’ai pas terminé sur le podium. C’est un échec bien sûr mais c’est aussi de l’expérience en plus. Je sais que j’ai fait un bon début avec une manche gagnée. Je n’étais pas ridicule.

La performance d’Helena Lucas t’a-t-elle surpris ?
C’est sûr, c’est une des surprises de ces Jeux. On ne l’a jamais vue à un tel niveau sur toute la durée du championnat. Elle a craqué sur la fin mais elle avait suffisamment d’avance. Il y a un mois, je n’aurais rien misé sur elle. Elle est très typée dans sa façon de naviguer et elle jouait à domicile. Les Anglais étaient sur-motivés, que ce soit les athlètes ou les spectateurs.

Comment juges-tu l’ambiance de ces Jeux ?
La voile est excentrée donc pour nous, c’est différent mais l’ambiance est bonne. L’engouement des anglais fait plaisir. Je ne m’attendais pas à ça. Il y a autant de monde qu’en Chine mais, ici, il y a la ferveur en plus. On me demande souvent si les Jeux Paralympiques ne sont pas des sous Jeux ou des Jeux au rabais et je réponds que ce sont des Jeux à part. C’est un événement qui, maintenant, se suffit à lui-même et c’est une vraie satisfaction.

Est-ce que tu continue en 2.4 ?
Je veux être fidèle au discours que je tiens depuis de nombreuses années. Il reste du travail pour la voile paralympique en France et je veux continuer à en être moteur. Les choses évoluent. On l’a vu dans les rapports entre la FFH et la FFVoile et c’est une bonne chose. Mon but est d’amener des jeunes à pratiquer, que ce soit en haut niveau ou en loisir pour que les sélections soient plus disputées qu’aujourd’hui. J’ai envie d’avoir de la concurrence. Kevin (Cantin, ndlr) me posera des problèmes dans quatre ans et c’est très bien. J’ai hâte d’être au mondial l’année prochaine. Forcément, je suis un peu vexé. J’étais favori, j’ai tout gagné avant et je repars avec une médaille en chocolat. Ça fait mal à l’égo ! Je ne vais pas lâcher le paralympique pour l’instant mais je continue mes autres projets. Il me reste de belles aventures, que ce soit en 40 pieds ou sur le Tour de France à la Voile. J’ai le soutien de la FFH pour suivre ces projets en valide, ils comprennent que c’est important et ça fait plaisir. J’ai aussi envie d’essayer le catamaran (nouvelle discipline olympique, ndlr). Je ne ferme pas la porte et je n’exclus pas de participer à la Semaine Olympique Française l’année prochaine en catamaran.

Peux-tu revenir sur ce rôle de porte drapeau ?
C’est une expérience extraordinaire et un immense honneur. Etre capitaine est une responsabilité même si je n’ai pas eu de feuille de route bien établie. Je l’ai fait comme je le sentais. Ce n’est pas facile d’avoir un discours qui accompagne les nouveaux et ceux qui ont plusieurs participations mais ce que j’aime dans cette équipe, c’est que tout le monde soutient tout le monde. C’est génial d’entendre l’équipe de rugby fauteuil annoncer qu’ils vont aller mettre le feu à la piscine afin de soutenir les nageurs.

Est-ce que tu gardes une image de ces Jeux ?
C’est de rentrer tous ensemble dans le stade olympique. C’est un moment magique ! Au niveau sportif, ce qui me bluffe le plus, c’est l’athlé en fauteuil. C’est très beau. Les Anglais les appellent les surhommes et pour beaucoup, c’est ça. Ils se battent pour être là et nous en mettent plein la vue.

Interview de Bruno Jourdren :
« C’est le plus mauvais des scénarios. Quand tu ne peux pas régater alors que tu es à égalité de points du bronze et à deux points de l’argent, c’est un peu les boules ! Maintenant, il va falloir passer à autre chose et vivement les prochains Jeux. Je ne peux pas rester sur une défaite, sinon, je change de métier. Je vais retourner à Rio, et pour l’or ! La dernière fois (à Pékin, ndlr), on perd l’or en déchirant le génois sur la dernière manche et ici on ne peut pas courir… On finit un peu frustrés de ne pas avoir pu défendre le podium. Terminer à zéro point, c’est quand même con. Il n’y a pas beaucoup de sports où ça se termine comme ça. On a bien navigué cette semaine. Le Néerlandais était touché par la grâce. Il a été impérial. Je repars sur le mondial class 40 dans un mois et je ne vais pas me morfondre pendant des mois avec ces Jeux. On va faire un bilan et établir un programme pour prendre notre revanche dans quatre ans ! »

Interview de Fabrice Levet, coach des Sonars :
« C’est un peu dur de ne pas naviguer la dernière journée mais, avant cela, on a fait dix manches où il n’y avait rien à redire. Il fallait être meilleur ! Il y a trop de trous pour pouvoir espérer mieux. Ca aurait pu le faire, bien sûr mais ce n’est pas scandaleux que ça ne le fasse pas. Pour que ça le fasse, il fallait pas mal de conditions… Notre grosse erreur, c’est la disqualification sur la deuxième journée. C’est la médaille d’argent qu’on perd sur ce coup là même si tout le monde fait des erreurs comme ça. Les regrets, on peut les avoir sur cette manche là. Après, on sait que ce n’est pas un plan d’eau facile et l’Equipe de France en sait quelque chose. »

Interview de Thierry Porey, coach de Damien Seguin :
« Si tu es là, c’est pour courir et quand il y a 11 mances au programme, on a envie de les faire. Damien était prêt pour ça et c’est souvent dans ces conditions qu’il peut bien faire. On savait que c’était un peu compliqué mais il y a toujours l’incertitude du sport, en particulier en voile. Pour Damien, la réclamationdu premier jour a joué, sans doute plus que ce que j’ai pu mesurer. Je l’ai senti le jour où il a fait 13. C’était le jour où on attendait l’ultime décision. Il s’est fait dominer par ça. Ça l’a miné mais je ne regrette rien sur l’acharnement qu’on y a mis. C’est peut être la gestion de ce genre de situation qui est perfectible. »

Les résultats
2.4 / quillard solitaire après 10 manches (sur 11):

1. GBR Helena Lucas – 26 pts
2. GER Heiko Kroger – 35 pts
3. NED Thierry Schmitter – 37 pts

5. FRA Damien Seguin – 44 pts

Sonar / Quillard à trois équipiers après 10 manches (sur 11) :
1. NED Udo Hessels – 26 pts
2. GER Jens Kroker – 40 pts
3. NOR Aleksander Wang – Hansen – 42 pts
4. FRA Bruno Jourdren – 42 pts

Composition de l’équipage de Sonar :
Bruno Jourdren (CN Carantec)
Eric Flageul (YC Carnac)
Nicolas Vimont-Vicary ( PEC Voiles Poitiers)

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