FONCIA ne manque pas d’Eire

David Branigan / MOD S.A

Trois trimarans en une minute trente et une secondes ! L’arrivée de la première étape à Dun Laoghaire a été incertaine jusqu’à quelques encablures de la ligne quand le vainqueur FONCIA, s’est arrêté dans une molle… Car Spindrift racing en tête pendant presque tout le parcours de 1 238 milles, n’a pu résister à ses assauts dans le petit temps irlandais tandis que Groupe Edmond de Rothschild manquait aussi de peu la victoire !

Rarement une course au large a été aussi tendue : dès le départ de Kiel, les cinq MOD70 ont cravaché dans une belle brise portante pour remonter le long des côtes danoises et rapidement, Spindrift racing prenait un léger avantage au passage du détroit de Skagerrak. Mais FONCIA et Groupe Edmond de Rothschild étaient en embuscade quand Race for Water connaissait des soucis d’informatique et que Musandam-Oman Sail ne trouvait pas tout de suite le bon rythme. Et le tempo était fortissimo avec plus de 25 nœuds au compteur avant d’entamer contre une brise qui mollissait, une longue descente vers le Pas de Calais.

Sauts d’obstacle

Car après avoir débordé la pointe du Danemark dans une forte brise et une mer dure, un deuxième piège attendait la flotte des MOD70 au large de la Hollande : une bulle anticyclonique qui compressait les écarts et obligeait les navigateurs à piquer sur l’Angleterre pour la traverser. Du près dans un vent instable, au milieu des plateformes de forages, des champs d’éoliennes, des rails de cargos, des pêcheurs… Tout le monde se retrouvait aux abords du Pas de Calais avec des deltas insignifiants quand la brise de Nord s’est remise à souffler le long des côtes Sud de l’Angleterre. De nouveau plus de trente nœuds de moyenne pour avaler la Manche avec toujours Yann Guichard et ses hommes en tête, mais à vue avec Michel Desjoyeaux et Sébastien Josse…

Une fois la pointe de Cornouaille parée, le match reprenait de l’intensité quand les cinq trimarans durent louvoyer pour entrer dans le canal Saint-Georges avec un vent de Nord d’une quinzaine de nœuds mollissant. Or plus les bateaux remontaient vers l’Irlande, plus la brise se faisait volage : le leader voyait alors poindre ses deux poursuivants directs à quelques centaines de mètres tandis que les deux autres multicoques n’étaient plus qu’à une quinzaine de milles !

Sur le fil !

Le finish était incroyable : FONCIA arrivait à dépasser Spindrift racing à une dizaine de milles seulement de l’arrivée, tandis que Groupe Edmond de Rothschild les talonnait de près. Michel Desjoyeaux et son équipage arrivaient à maintenir quelques centaines de mètres d’écart sur ses deux poursuivants, mais en approchant de la ligne d’arrivée, il se figeait sans un brin de vent… Yann Guichard et ses hommes revenaient à la faveur d’une bouffée d’air avec dans son sillage Sébastien Josse et ses cinq équipiers ! Les écarts n’étaient que de quelques centaines de mètres après ce parcours de 1 238 milles et tandis que Stève Ravussin en finissait lui aussi une demie heure plus tard, alors que Sidney Gavignet peinait dans un vent qui faisait alors quasi défaut en baie de Dublin.

A l’issue de cette première étape hauturière entre Kiel et Dun Laoghaire, FONCIA conserve son leadership acquis après la City Race allemande et creuse un peu plus l’écart face à Spindrift racing grâce à son bon départ dans le fleuve dimanche dernier (3 points de bonus). Trois jours, dix heures et quarante-neuf minutes de course auront été nécessaires pour effectuer sur l’eau 1 395 milles… pour un dix millième d’écart à l’arrivée !

Arrivées à Dun Laoghaire (heure GMT)

  1. Michel Desjoyeaux (FONCIA) à 23h 19’ 09 le 5 septembre en 3j 10h 49’ 09
  2. Yann Guichard (Spindrift racing) à 23h 19’ 40 en 3j 10h 49’ 40
  3. Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) à 23h 20’ 26 en 3j 10h 50’ 26
  4. Stève Ravussin (Race for Water) à 23h 54’ 25 en 3j 11h 24’ 25
  5. Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) à 00h 54’ 00 le 6 septembre en 3j 12h 24’ 00

Classement à l’issue de la première étape

  1. Michel Desjoyeaux (FONCIA) 65 points
  2. Yann Guichard (Spindrift racing) 58 points
  3. Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild) 54 points
  4. Stève Ravussin (Race for Water) 46 points
  5. Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail) 43 points

Michel Desjoyeaux (FONCIA)
« A trente milles de l’arrivée, nous n’aurons pas imaginé un tel final ! Et à l’arrivée, nous ne pensions pas qu’il y aurait des écarts aussi minimes… Un scénario hitchcockien. Dans cette dernière journée, nous avons été 2ème, 3ème, 1er. En fait, on a quasiment tout le temps été à vue depuis le départ de Kiel avec Spindrift racing et Groupe Edmond de Rothschild. Nous n’avons rien lâché et ce n’est passé que de quelques mètres. En vitesse pure, en jouant sur le placement, les risées, les réglages. Et à l’arrivée, on tombe les premiers dans une bulle sans air ! Et ils arrivent avec un peu de pression par au-dessus… Trente et une secondes d’écart : c’est dingue !
Trois heures avant d’arriver, nous étions à quelques centaines de mètres les uns des autres : trois bateaux au contact après trois jours et demi de mer ! C’est un peu dur pour les nerfs quand on finit comme ça avec peu de vent. Parce que ces multicoques sont capables d’aller très vite avec de la brise, mais sont peu à l’aise dans les tout petits airs : un nœud de vent en plus, c’est quasiment un nœud de vitesse en plus… Il y a peu de bateaux qui ont ce potentiel-là. Mais il faut dépenser beaucoup d’énergie à la barre pour tout le temps aller vite. Le principe du monotype est bien démontré ici !
Nous avons eu un souci sous gennaker du côté du cap Lizard : la drisse était cassée, et il a fallu monter un équipier dans le mât pour qu’il coupe le cordage avant d’entamer le dernier louvoyage. Puis il est remonté en mer d’Irlande afin de repasser une drisse et de renvoyer le gennaker. Pas facile avec les vagues à 27 mètres de haut, mais indispensable pour finir… »

Yann Guichard (Spindrift racing)
« Incroyable cette arrivée, plus serrée qu’en Speed Match ! Un beau finish même si nous aurions préféré un autre dénouement. En fait, on s’est fait passé par Foncia une demie heure avant la ligne : nous savions que nous allions buter dans la zone molle les premiers et nous n’avions plus que cinquante mètres d’avance quand le vent s’est orienté au Sud-Ouest et il nous a dépassé en vitesse pure. Les trois premiers équipages ont vraiment bien navigué : on s’est détaché un peu après le Danemark, mais les écarts sont toujours rester ridicules. C’est ce qui fait la beauté de ces bateaux et l’intérêt de cette course !
Même si nous sommes déçus, c’est super de voir que trois multicoques arrivent en moins de deux minutes, surtout que nous aurions aussi bien pu finir troisièmes… On conserve notre deuxième place au classement général et rien n’est fait : ça s’est très bien passé à bord et le rythme est au rendez-vous. Nous avons eu toutes les conditions météorologiques possibles : du portant, du près de la pétole, de la brise, mer plate ou agitée. Et comme il y avait beaucoup de marques à respecter, on a navigué très près des côtes, parfois à quelques mètres des digues ou des cailloux ! Une belle étape avec beaucoup de rythme, mais on est bien fatigué. Et on recommence vendredi avec les City Race : un mois et demi comme ça, on va être sur les genoux. C’est vraiment sympa de mixer les courses hauturières et les régates inshores : il va falloir être réguliers. »

Sébastien Josse (Groupe Edmond de Rothschild)
« On avait déjà eu un aperçu de l’intensité des courses en MOD70, ça se confirme ! Une minute trente d’écart entre trois bateaux : c’est bien une classe monotype qui respecte ses engagements. En plus, on a tout eu comme conditions de navigation, une étape très polyvalente, très variée. On est parti un peu sur la réserve dans le gros temps danois, mais nous avons pu revenir au contact de Foncia au niveau de Douvres. Dans la dernière après-midi, cela s’est transformé en match-race : Michel ne nous a fait aucun cadeau ! On a tricoté au moins une quinzaine de virements de bord…
Aucun souci technique à déplorer et une bonne organisation à bord, même s’il a été difficile de respecter les quarts à cause du rythme des manœuvres… C’était vraiment intense dès Kiel. Et nous n’avons qu’une journée de repos avant les premières City Race irlandaises. Il va falloir gérer le tempo parce que c’est usant cet enchaînement sur trois semaines. Il faut mettre de l’énergie pour collecter les points ! »

Stève Ravussin (Race for Water)
« On a eu un peu de peine à se mettre dans le match au départ de Kiel, surtout que nous avons eu quelques soucis avec nos fichiers informatiques. Et puis nous avons un peu moins navigué que nos concurrents et l’équipage ne se connaît pas encore bien. Il faut trouver les automatismes. Le parcours était très intéressant avec des conditions très variées et parfois dures comme au passage de la pointe Nord du Danemark. Mais on est tous à l’arrivée et sans avarie majeure. Les MOD70 sont solides et en plus, ils arrivent tous dans un mouchoir de poche. On est déjà prêt pour la City Race de demain… »

Sidney Gavignet (Musandam-Oman Sail)
« Beaucoup de rebondissements sur cette superbe étape ! Mais nous n’avons pas toujours été dans les bons coups. Je pense que nous sommes partis un peu en dedans alors qu’il fallait mettre le turbo dès le coup de canon. C’est probablement la spécificité de cette classe : le fait d’être sur des monotypes ne pardonne pas. Nous manquons encore un peu de confiance en nous et nous tardons parfois dans nos décisions. Nous sommes toujours en phase d’apprentissage, mais on progresse car cette étape montre qu’il ne nous manque plus grand-chose. On a fait une grande partie du parcours avec Race for Water… On s’est croisé très proche aujourd’hui. Les bateaux sont très sympas à naviguer. Et terminer avec des écarts aussi petits, c’est super. »

Source

Caroline Muller

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